Pourquoi cette réforme
?
Il y a tout d’abord les drames de la maltraitance.
Certaines tragédies ont été fortement médiatisées (Angers, Drancy…).
Elles sont la partie émergée de l’iceberg. Car il y a surtout tous
ces enfants qui souffrent en secret et dont le nombre ne cesse de
croître – plus de 270.000 sont pris en charge par les services de
l’aide sociale à l’enfance.
Notre système de protection de l’enfance repose sur des
fondements solides, justes car il recherche dans toute la mesure du
possible la consolidation du cadre familial pour assurer le
développement de l’enfant. Mais il y a des failles, des
dysfonctionnements ; il faut resserrer les mailles du filet.
Est-il normal que dans un pays où l’on dépense plus de 5
milliards d’euros pour la protection de l’enfance, seulement 4% de
ces sommes soient consacrées à la prévention ? Est-il normal que
des enfants souffrent en silence pendant des années sans que
personne n’intervienne ? Est-il normal qu’il n’y ait pas de moyen
terme entre la séparation qui découle de l’accueil de l’enfant en
établissement, avec les traumatismes que cela peut provoquer, et le
maintien dans une famille, alors qu’elle rencontre des problèmes
aigus ?
Nous devons donc réformer notre dispositif de protection de
l’enfance, selon 3 grands axes : - renforcer la prévention,
- organiser le signalement - diversifier les modes de prise
en charge des enfants.
De plus, il faut donner au Conseil général le rôle de chef de
file de la protection de l’enfance dans le département.
Comment s’est construite cette réforme
?
Dans la concertation, avec le plus grand nombre de
professionnels, d’élus, de représentants d’associations, tout au
long des neuf mois écoulés ; au travers de nombreux déplacements sur
le terrain ; dans des rencontres, des débats ; grâce à des travaux
parlementaires. - Rapport de la mission d’information BLOCHE /
PECRESSE sur la Famille et les droits des enfants de l’Assemblée
nationale ; rapports de Louis de BROISSIA, Sénateur, sur «
l’amélioration de la prise en charge des mineurs protégés » ; de
Philippe NOGRIX, Sénateur, sur « l’amélioration des procédures de
signalement de l’enfance en danger » ; de Marie-Thérèse HERMANGE,
Sénateur, sur « périnatalité et parentalité » ; - Rapports de
l’Observatoire National de l’Enfance en Danger ; de l’Observatoire
Décentralisé de l’Action Sociale ; de la Défenseure des enfants ; de
l’Inspection Générale des Affaires Sociales sur les bonnes pratiques
du signalement ; - Organisation de 12 Journées thématiques,
réunissant à chaque fois une quarantaine de professionnels ; -
Mise en place d’un Comité national de la protection de l’enfance,
composé de personnalités reconnues dans leurs disciplines
respectives. - En concertation avec l’Assemblée des Départements
de France, proposition aux Présidents de Conseil général d’organiser
dans leur département un débat avec l’ensemble des acteurs locaux,
en demandant aux préfets de s’engager à leurs côtés avec les
services sociaux et sanitaires et les inspections d’Académie, en
liaison également avec le Garde des Sceaux pour la présence des
procureurs de la République et des présidents de Tribunal de grande
instance. Les deux tiers des départements ont répondu favorablement.
Le contenu de la réforme
Trois grands volets.
Les débats, rencontres, contributions ont montré une forte
convergence des points de vue des différents acteurs, soulignant la
nécessité d’agir à trois niveaux :
- Renforcer significativement la prévention ;
- Organiser le signalement, pour détecter plus tôt et signaler
plus efficacement les situations de danger ;
- Diversifier les modes de prise en charge, pour les adapter aux
besoins de chaque enfant.
Certaines mesures relèvent de la loi : elles seront contenues
dans le texte que Philippe BAS présentera au Conseil des ministres à
la mi-avril. D’autres dispositions touchent à l’organisation, aux
pratiques ou aux moyens. Elles feront partie du dispositif
d’accompagnement qui sera mis en place dès cette année, avec les
différents partenaires : départements, services de l’Etat,
professionnels de la protection de l’enfance, associations…
1 / Renforcer la prévention Le
projet de loi affirme clairement que la prévention fait partie des
missions de la protection de l’enfance, alors que la loi est
aujourd’hui muette sur ce point. L’objectif est de multiplier
les points de contact entre l’enfant, sa famille et les
professionnels pour anticiper les difficultés possibles et pouvoir
accompagner, aider, soutenir les familles afin d’éviter que la
situation de l’enfant ne se détériore. Les mesures :
- Systématiser l’entretien au 4ème mois de grossesse et le suivi
qui en découle, pour qu’au-delà du souci de la santé, on identifie
les problèmes pouvant créer des difficultés futures dans le lien
mère-enfant, et qu’on aide à les surmonter.
- Lors du séjour à la maternité, mettre systématiquement en
contact les parents avec les services de la protection maternelle
et infantile (PMI). Pour cela, la PMI devra se coordonner avec les
maternités : il s’agit de faire savoir à la mère qu’elle peut
toujours appeler si elle a des questions ou un problème, de
participer à des actions précoces sur la parentalité et
d’identifier les situations difficiles (femme isolée, grossesse
non suivie, problèmes psychologiques, etc.).
- Proposer systématiquement à la jeune mère la visite de la PMI
à son domicile, à son retour de la maternité. Cette visite sera
automatique lorsque les services de la maternité auront identifié
des difficultés particulières pour la mère.
- A l’école maternelle, assurer un bilan à tous les enfants de
3-4 ans .
- A l’entrée en primaire, assurer un bilan à tous les enfants
dans leur sixième année.
- Aider les adolescents en souffrance par une écoute, un
soutien, un accompagnement éducatif pour prévenir les
comportements à risque, addictions, fugue, errance, suicide : il
s’agit de développer les lieux d’écoute, les accueils de jour, les
lieux de médiation entre parents et enfants, les maisons
d’adolescents…
2 / Organiser le
signalement Aujourd’hui, le signalement n’est pas
suffisamment organisé. Le professionnel qui constate des faits
inquiétants est seul face à sa responsabilité : doit-il signaler des
faits dont il n’est pas sûr ? Doit-il prendre le risque de se taire
? A qui doit-il s’adresser ? Un mode d’emploi est nécessaire.
Les mesures :
- Créer dans chaque département une cellule de signalement : un
lieu clairement identifié avec un numéro d’appel qui devra être
connu de tous, composé de professionnels de la protection de
l’enfance qui évaluent la situation et pourront déclencher un
recours à l’aide sociale ou à la Justice. L’objectif est de réunir
toutes les informations permettant d’apprécier la situation afin
de prendre une décision collégialement.
- Cette collégialité est rendue possible par le partage
d’informations entre professionnels du travail social et de la
protection de l’enfance habilités au secret professionnel. En
dehors de cet aménagement, la règle du secret professionnel est
réaffirmée, dans l’intérêt même des enfants et des familles.
- Le partage des missions entre l’aide sociale à l’enfance (ASE)
-qui intervient sur la base d’un accord avec les parents- et la
Justice -qui prend des décisions d’autorité- est clairement
défini. L’aide sociale à l’enfance intervient à titre principal.
La Justice est saisie en cas de danger manifeste, ou lorsque les
parents ne peuvent ou ne veulent pas accepter l’accompagnement
proposé par l’aide sociale à l’enfance.
- Former les professionnels au contact des enfants, pour leur
permettre de mieux détecter les signes de danger et de connaître
comment s’organise le signalement.
Le Conseil général pourra
ainsi jouer pleinement son rôle de chef de file de la protection
de l’enfance.
3 / Diversifier les modes de prise en
charge Il faut ouvrir tout l’éventail des possibilités
entre le maintien dans la famille et le placement en établissement
ou en famille d’accueil ; il faut que chaque enfant puisse
bénéficier de la solution la plus adaptée à sa situation. Il s’agira
de nouveaux dispositifs de l’aide sociale à l’enfance, mis en œuvre
avec l’accord des parents. Les mesures :
- Renforcer l’assistance éducative à domicile afin d’éviter des
placements traumatisants pour l’enfant et sa famille, en
impliquant les parents.
- Permettre l’accueil de jour de l’enfant pour lui assurer un
soutien éducatif, en dehors du domicile familial, en associant ses
parents ;
- Permettre l’accueil en alternance domicile / placement, qui
doit contribuer à surmonter les périodes difficiles, à apaiser les
conflits familiaux ;
- Permettre l’accueil d’urgence, pour accueillir un adolescent
ponctuellement, avec l’accord de ses parents, lors d’une fugue ou
pendant une crise aiguë. C’est l’occasion de faire le point, de
proposer une médiation entre l’adolescent et ses parents ;
- Expérimenter l’accueil d’enfants souffrant de troubles graves
du comportement par des familles d’accueil agréées et
spécialisées, formées et soutenues par des professionnels de la
pédopsychiatrie, ou dans des unités d’accueil articulant soutien
psychologique et accompagnement éducatif.
- Mettre en place un accompagnement social et budgétaire : une
nouvelle prestation sera proposée aux familles qui ont des
difficultés à gérer le budget familial. Cela peut avoir des
conséquences négatives pour l’enfant. Un accompagnement, assuré au
besoin à domicile, par un professionnel de l’économie sociale et
familiale, doit permettre d’améliorer la situation.
- Garantir la continuité et la cohérence de la prise en charge
de l’enfant dans le temps par le Conseil général, en s’assurant
que l’ASE dispose toujours de toutes les informations dont elle a
besoin.
- Elaborer des guides de bonnes pratiques, avec les
professionnels, sur l’évaluation de la situation des enfants, les
procédures de signalement, les modalités et le contenu des
interventions auprès des enfants.
Les moyens de la réforme
- Coût estimé : 150 millions d’euros / an, à l’issue d’une montée
en charge sur trois ans. - Emplois créés, sur trois ans : 4.000
(médecins, sages-femmes, psychologues, puéricultrices, éducateurs,
assistants sociaux, techniciens d'intervention sociale et
familiale).
Le calendrier de la réforme
- Le projet de loi sera présenté au Conseil des ministres en
avril et aussitôt déposé au Parlement. - Le dispositif
d’accompagnement montera en régime sur trois
ans. |