La Nuit du Hack, chez Mickey®... puis Kapo

Culture, 22/08/2002 à 00h43, Libé, extrait
Leni Riefenstahl, 100 ans de travelling sans morale

De Nuremberg en 1934 aux fonds sous-marins aujourd'hui, la cinéaste exhalte son idéal du beau.

[...] Elle n'en gardait pas moins son franc-parler : jamais Riefenstahl ne fut inscrite au parti nazi (elle se défendit bec et ongles lors de ses procès d'après-guerre avec cet argument), et refusera les commandes d'Hitler qui ne lui paraissaient pas dignes de son art. Son but, en vérité : plonger aux racines de la beauté mythique des corps classiques, l'Antiquité des athlètes et de Penthésilée, les légendes d'Europe qui passent par Tiefland ou Frédéric II. Elle fit alliance sur cela avec les nazis : l'élaboration d'une esthétique virile, teutono-classique, une beauté toute nationale.

De cette recherche de perfection, Leni Riefenstahl conserve, même après les interdictions d'exercer et les procès, une méthode de travail qui fait froid dans le dos. Quand, par exemple, elle sélectionne les rushes de ses documentaires, il s'agit toujours d'une mécanique de l'élimination des travers et des déviances, de ce qui n'est «pas beau», afin d'aboutir, c'est le projet de ses films jusqu'au dernier, Impressions sous-marines, à une jouissance et une extase formelle : «Devant mes images, je veux qu'on se dise que c'est magnifique», disait-elle il y a quelques mois dans un entretien.

Plongée. Quand Leni Riefenstahl raconte sa vie (lire ci-contre), elle insiste évidemment sur les quarante dernières années, son histoire d'amour avec les Noubas du sud Soudan, d'où elle a ramené de superbes photos, la plongée sous-marine de 70 à 97 ans et son incroyable persévérance sportive, son engagement pour «sauver la planète», militante écolo Greenpeace. La beauté demeure, et l'effrayant sentiment qui l'accompagne : ces corps africains, huilés, sublimes, ces couleurs foudroyantes pêchées sous l'océan, ces formes déployées dans la perfection, ils pourraient défiler à Nuremberg, ce serait exactement la même chose. La vie de Leni Riefenstahl, c'est cent ans de travelling dépourvu de morale.