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Affaire Kerviel : la pomme pourrie et le tonneau

TRIBUNE. Le feuilleton de l'affaire Kerviel est loin d'être achevé. Mais les premiers épisodes judiciaires étant derrière nous, l'heure est venue d'y poser un regard neuf. Par Jean-Michel Saussois*, TheConversation.com

Modifié le 07/07/2016 à 21:31 - Publié le 07/07/2016 à 16:57 | Le Point.fr, extrait

D'abord, le droit a besoin du concept de responsabilité individuelle pour fonctionner, c'est-à-dire que les juges ont besoin d'avoir en face d'eux quelqu'un qui est responsable de ses actes et qui ne se défausse pas en invoquant le système ou la hiérarchie-qui-était-au-courant ; bref, une personne qui agit en parfaite connaissance de cause et qui doit en subir toutes les conséquences. Qui vole un œuf vole un bœuf. En l'occurrence, un bœuf qui se chiffre en milliards, des milliards qu'il faudra restituer à l'euro près à une autre fiction juridique, c'est-à-dire une personne morale.

Les juges pourront, bien sûr, avec l'aide de psychologues, évaluer une « personnalité plus ou moins forte » pour éventuellement proposer des circonstances atténuantes ; mais ils ne se poseront pas la seule question qui intéresse le sociologue, celle du pourquoi du pourrissement de cette pomme dans le tonneau. Une question que ne se posent pas non plus les victimes supposées de l'escroquerie, car les dirigeants ne souhaitent pas aborder le fait qu'un homme seul, somme toute sans nom ni qualité, puisse dissimuler une position à hauteur de quel que cinquante milliards d'euros, et cela, au nez et à la barbe de sa hiérarchie et des experts les plus réputés de la place.

* Jean-Michel Saussois est professeur émérite en sociologie à l'ESCP Europe.