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Persévérant
Par Anne DIATKINE, 3 avril 2007 à 07:00, Libé
PORTRAIT
Philippe Peter est le père biologique de Benjamin, dont H. a accouché sous X..., en mai 2000. Deux mois avant la naissance, et sans connaître les intentions de H., il avait choisi de faire une reconnaissance anticipée pour ne pas prendre le risque que le mari de son amoureuse devienne légalement le père de son enfant. Enceinte de cinq mois, H. avait disparu. Lorsque Philippe Peter tente de la revoir après l'accouchement présumé, c'est le bébé qui s'est volatilisé. Est-il seulement né ? Philippe Peter téléphone au plus grand nombre de maternités possible. Mais comment retrouver son fils, lorsqu'on ignore son nom et sa date de naissance ? Comment ne pas avoir l'air d'un imposteur ? Un jour, il rencontre H. à la terrasse du café où il est serveur occasionnel : «Je n'ai rien de spécial à te dire.» Pas de Benjamin, l'enfant n'existe pas. C'est la version officielle.
Sept ans plus tard, attablé à une crêperie de la petite ville thermale de Châtelguyon, il dit : «Je vais vous confier un scoop. J'ai rencontré mon fils pour la première fois, le 27 février 2007, à 14 heures. Je ne l'ai pas vu depuis, mais j'ai bon espoir qu'il vienne passer des vacances à la maison, avec ses parents adoptifs.»
L'histoire de Philippe Peter pourrait ressembler à une version réactualisée du jugement de Salomon, sauf qu'il n'y a ni bons ni méchants, mais sept ans d'effarement pour tout le monde. Benjamin est resté quelques mois dans une pouponnière avant qu'un couple de Nancy demande son adoption. Alors que la procédure est sur le point d'être bouclée, le père et la mère adoptifs découvrent que non seulement leur bébé a été reconnu in utero, mais que le père biologique a entrepris auprès du procureur de Colmar une démarche pour retrouver la trace de l'enfant. S'ensuivent six ans de batailles juridiques, où le père naturel commence par gagner contre les parents adoptifs, puis perd en appel, jusqu'à ce que la Cour de cassation se range finalement de son côté, en avril 2006. Durant toutes ces années, aucun juge n'a demandé la vérification de la paternité biologique par un test ADN.
Et maintenant ? Que veut Philippe Peter ? «Rien.» Il surprend. «Je souhaite juste que Benjamin sache que j'existe. J'espère ainsi lui éviter de grandir avec le syndrome de l'abandon. Qu'il ne soit pas face au trou noir de ses origines.» Il explique : «Depuis qu'il est bébé, une femme et un homme, qu'il appelle maman et papa, l'élèvent. Je ne vais pas débarquer après toutes ses années, en disant : "Halte-là ! c'est moi le papa, je reprends mon fils."» Mais même en choisissant d'intervenir le moins possible, la situation n'a pas fini d'être perturbante. Ne serait-ce qu'au regard de la loi, qui oblige toute femme accouchant sous X... à garder l'anonymat. Philippe Peter : «Qu'est-ce qui m'empêche de rompre ce pacte, et de raconter à Benjamin qui est H., s'il me le demande ?» Depuis la rencontre historique, il a d'ailleurs transmis des photos à son ex-aimée. Elle l'a remercié, par SMS.
Philippe Peter dit qu'il a agi par amour. Il aime H., aussi étrange et imprévisible soit-elle. «L'amour ne s'explique pas.» Et par besoin d'une double «reconnaissance». Pas uniquement celle de Benjamin. Il répète qu'il n'a jamais pu se résoudre à «être nié» et que sa passion pour l'absente le soit aussi.
Il ressemble à un sosie du chanteur Christophe, dont par ailleurs il est fan. Son fils aîné, apprenti cuisinier, s'appelle lui-même Christophe et sa fille, Marion, est lycéenne. Tout deux vivent dans l'est de la France, comme Benjamin. Quel genre de père était-il ? «Je leur ai donné le bain, je les ai nourris, je me suis occupé d'eux le week-end quand leur mère vaquait à ses occupations.» Il est sans ambition particulière pour eux, mais il regrette d'être trop fauché pour les voir régulièrement.
Pour la photo, il s'est «fait beau», s'est rasé, a mis une veste noire et une chemise blanche. Car d'ordinaire, c'est un «zombie». Dans la vie, il ne fait «rien». Depuis qu'il s'est lancé dans la recherche de Benjamin, il a perdu son travail de cadre commercial dans une entreprise de «réparation de flexible hydraulique sur site», un salaire mensuel de 3 000 euros, «avec voiture de fonction et carte bancaire professionnelle». Cet emploi qui le faisait circuler dans toute la France à la recherche de tuyaux troués lui donnait le sentiment d'être tout le temps en vacances. Depuis qu'il est désoeuvré, il a découvert que les inactifs ne peuvent jamais se reposer d'eux-mêmes. Il est seul, il marche, un walkman sur les oreilles. Il est seul, il surfe à la recherche de contacts. Toute cette virtualité s'est développée alors qu'il tentait de donner corps à son fils. Il s'est lancé dans des rencontres amoureuses sur Internet, et les «proies» finissaient toujours par débarquer et «s'attacher». Pas lui. Un jour, une Mercedes est arrivée. Depuis, il vit au crochet de la conductrice, une femme avec qui il «discute beaucoup».
On parle emploi. Il deviendrait bien psychothérapeute, en ne s'autorisant que de lui-même, mais il a eu vent que l'Etat voulait mettre un peu d'ordre dans cette profession. Il a des talents d'hypnotiseur, prétend-il, et même «d'autohypnotiseur». Il ne nous fait pas de démonstration, mais on comprend que ça consiste à laisser naviguer ses pensées à la va-comme-je-te-pousse, des boules de flipper dont on ne maîtrise pas le cheminement, et qui cognent, cognent, cognent, parfois jusqu'à l'explosion.
Entre le coup de fil de la mère adoptive et le rendez-vous, il s'est passé deux heures, il n'a pas eu le temps d'être ému. Cela faisait quelques mois qu'ils avaient des conversations téléphoniques, ils parlaient de la vie en général. Ils échangeaient leurs points de vue sur Dieu, auquel ils croient l'un et l'autre. Durant ce temps d'apprivoisement, ils se sont aperçus qu'aucun des deux n'était la bête à cent têtes qu'ils avaient imaginée. Durant les années de lutte, madame F. avait engagé un détective privé. Qui lui avait décrit les journées vides de Philippe Peter, passées au bistrot du coin, à siroter de l'alcool. Elle avait aussi joint son ex-femme, qui évidemment avait une «opinion assez méchante». Lui aussi avait ses stéréotypes que les contacts téléphoniques avaient fini d'éroder.
Donc, le 28 février 2007, madame F. propose une rencontre. C'est Philippe Peter qui choisit le lieu : l'hôtel-restaurant où travaille son fils aîné. Du coup, le petit garçon a également fait la connaissance de son frère et de sa grand-mère paternelle, conviée au dernier moment. «Ça s'est passé tout naturellement.» Philippe Peter montre les photos. Le petit garçon n'était pas du tout intimidé, il a vite abandonné sa Nintendo pour passer sous la table prendre l'appareil numérique de son père et filmer tout le repas. Puis il a demandé à son grand frère de lui faire visiter les cuisines.
Philippe Peter n'aime pas poser des questions car il a peur de n'obtenir en réponse que des «mensonges». La seule chose qu'il a demandée au petit garçon, c'est de le tutoyer. Depuis, il n'a pas de nouvelles de la famille F. Est-ce parce qu'il a pris l'initiative contestable de leur envoyer son livre, la Reconnaissance, exutoire écrit pendant la bataille, où il en dit pis que pendre ? Il s'étonne : «Mais moi, je pardonne tout.»
2 commentaires
#ASE #éducspé
Rongé qui nous parlait ce ce qui se passait en Angleterre #LOL http://t.co/RlVgEQKYSd pic.twitter.com/3KhLRsEbTn
— Bruno Kant (@bkant) 15 Octobre 2014
#ASEIDEAL2014 @ClubASE @laurossignol Vous avez du boulot, l'idéal, ce ne sera pas pour 2014 :-) http://t.co/Z2e4XwaXVu
— Bruno Kant (@bkant) 15 Octobre 2014
De source http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/10/13/01016-20141013ARTFIG00162-faux-avis-de-disparition-les-familles-en-colere.php