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Le harcèlement moral entre magistrats révélé par un rapport
ACTUALITE Société
Le Figaro, par Paule Gonzales
Mis à jour le 20/02/2015 à 19:10
Publié le 20/02/2015 à 17:13
Sexisme, humiliations... Pour la première fois, une enquête fait un état des lieux alarmant de la souffrance morale en juridiction.
Menacés, brutalisés, harcelés... Le monde feutré et policé de la magistrature n'échappe pas aux maux de son temps. L'Union syndicale des magistrats brise la loi du silence, avec un rapport édifiant consacré à «La souffrance au travail des magistrats». Fruit d'une enquête de plusieurs semaines, cette étude a recueilli une centaine de témoignages anonymes sur la vie des magistrats en juridiction. Une première puisque, jusque-là, aucun garde des Sceaux, d'aucune majorité que ce soit, n'avait pris le soin d'«une enquête généralisée auprès des personnels de justice sur la perception de leurs conditions de travail». Une preuve que la gestion des ressources humaines reste encore un concept lointain dans la fonction publique, puisque les services judiciaires ne semblent pas disposer de statistiques précises «sur les vacances de postes en juridiction, le nombre et le pourcentage de temps partiels, de congés divers, ni le nombre exact d'arrêts-maladie au cours des trois dernières années», note l'USM en introduction de son rapport.
La vague de suicides dans les années 2009-2011 - cinq en dix-huit mois - n'avait pas non plus convaincu la Chancellerie de s'attaquer à ce sujet douloureux. Si cette dernière a pris à bras-le-corps la question des effectifs - il manque aujourd'hui près de 500 postes en juridiction -, la question de la maltraitance au travail est rarement examinée en tant que telle. Vendredi, Christiane Taubira a annoncé qu'elle avait «chargé l'Ecole Nationale de la Magistrature d'aborder désormais la souffrance au travail dans la formation de chef de juridiction.» Elle a également «confié aux services la mission de mise à disposition des magistrats et des fonctionnaires de justice d'un accompagnement psychologique. Parmi d'autres mesures, un numéro vert auquel répondront des psychologues spécialisés va être mis en service.»
Les témoignages rapportés par l'USM sont parfois édifiants: comme celui de ce substitut qui évoque son chef de parquet qui dès «8 heures, hurle dans les couloirs et crie littéralement sur ses subordonnés quand il est mécontent et ce, par ailleurs, sans se soucier de la présence ou non de personnes tierces au service», autrement dit des enquêteurs de police. Ou encore cette vice-procureur qui évoque «le manque de considération et les humiliations publiques avec termes choisis pour les femmes», «les insultes lors de réunions ou publiquement: “hystérique”, “caractérielle”», ou encore «le dernier discours de rentrée, qui a directement mis en cause les magistrates, lesquelles, par leurs grossesses, sont à l'origine de dysfonctionnements graves».
«Stress et surcharge de travail»
Un vice-président chargé du service d'un tribunal d'instance se rappelle de ce président de tribunal qui a «interpellé une collègue venant lui annoncer sa seconde grossesse en lui indiquant qu'il existait des moyens de contraception, ou qui signalait à une autre collègue enceinte, à chaque rencontre, qu'elle avait grossi». Pire encore, cette substitut générale atteinte d'un cancer se souvient de «ce procureur général qui m'a convoquée dans son bureau. Il m'a accueilli en hurlant, me disant notamment que “j'avais une allure de spectre” et qu'il exigeait que je sois souriante en entrant dans son bureau».
L'USM note que «les victimes de ces comportements sont généralement soit des magistrats nouvellement arrivés dans la juridiction et de ce fait relativement isolés, soit des femmes accédant à des fonctions de responsabilité importantes, soit des magistrats qui ont déplu à leur supérieur hiérarchique en raison deleur personnalité, de leur engagement syndical».
Pour Virginie Duval, présidente de l'USM, ce phénomène de harcèlement«n'est pas nouveau, mais il se surajoute à tout le reste, la pression en termes de résultats qui engendre du stress, et la surcharge de travail pour cause de manque d'effectifs. La bonne nouvelle, c'est que la parole se libère enfin. La moins bonne, c'est qu'il est rare que la Chancellerie, quand elle est alertée, saisisse le Conseil supérieur de la magistrature pour sanctionner ces manquements. Pour les cas les plus graves, les services judiciaires décident en urgence de l'exfiltration des magistrats persécuteurs ou persécutés. Nous demandons juste que les règles pénales et déontologiques s'appliquent aux magistrats comme elles s'appliquent aux autres». Et de nuancer cependant, en rappelant que «tous les chefs de juridiction ou procureurs ne sont pas des tyrans».
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M. Gérolami dit s'être inquiété « tard ce soir-là » d'un « possible risque de poursuites en diffamation ». « J'ai demandé une vérification de ce risque juridique, peut-être pas fondé car je ne suis pas docteur en droit, mais je rappelle que nous faisons déjà l'objet, pour un autre article, de poursuites en diffamation de la mairie de Béziers », a-t-il expliqué, soulignant que son propos n'était pas « d'interdire ou de censurer un article » qui s'est avéré « polémique, mais pas diffamatoire ».