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Enquête : les chefs Taku Sekine et Guy Martin sont-ils coupables ?
D'abord un rappel, ce 30 septembre, l'AFP ajoutait : « Experts caution that suicides are often the result of multiple factors and complex mental health problems. which can be treated with professional help and advice. » Les décès par suicide sont souvent le résultat de multiples facteurs de risques. Taku Sekine, une santé mentale fragile...
Puis une première réponse, qui va déplaire à Franck Pinay-Rabaroust. Depuis longtemps, en France, les pouvoirs sont séparés (la presse n'en est pas un), et c'est à la justice, dans des tribunaux, avec des règles ainsi que avec une défense, avec de réelles garanties, dont celui d'un procès équitable, que la culpabilité d'un individu peut être confirmée. La peine de mort a été abolie en 1981, la mort civile définitivement en 1854, le bannissement, l'ostracisme et l'exil, le bagne et les travaux forcés d'où pas grand monde ne revenait, je ne sais plus trop quand.
Autre rappel susceptible d’embarrasser : les individus pointés du doigt par Atabula ainsi que par d'autres gens et feuilles de choux ou à clics sont présumés innocents. Un concept qui date, de 1789, et qui reste encore en vigueur : « tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ». On pourrait être vite tenté de trop s'assoir dessus. Pour plus de détails, lire un article sur contrepoints.org, « Le chef Taku Sekine a-t-il été tué par la cancel culture ? »... « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie [NDLR : dans des tribunaux]. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. » ; y suivent aussi des paragraphes sur les droits de la victime, sur comment les faire valoir, mais il ne dit pas que pour le dépôt d'une plainte, il faut s'adresser à la police, à la gendarmerie ou au procureur, non se rendre chez des spécialistes en salades et soupes voire en musique, était-il utile de le rappeler également ? Pour le moment, à ma connaissance, il n'existe aucune plainte contre ces deux premiers chefs d'une liste « et quelques autres » publiée ce 6 septembre, par Atabula - ne suez pas trop dans les cuisines.
L'opinion à ces sujets là de Franck Pinay-Rabaroust est connue, elle a été précisée sur Atabula. Il y explique d'abord « regretter cet acte irrémédiable de Taku Sekine », ajoutant plus loin : « Quant à l’argumentation qui consiste à dire que ce n’est pas à la presse de sortir des noms, mais à la justice de décider de la culpabilité des uns ou des autres, elle ne repose sur aucun fondement. Bien au contraire. C’est, d’une part, méconnaitre le fonctionnement historique de ces deux « pouvoirs » qui se nourrissent mutuellement depuis que l’un et l’autre existent. »
Je crois que ce n'est pas « la presse » qui a sorti du chapeau le nom du chef Japonais ; à la limite, elle l'a « dévoilé » au grand public comme on dit, mais très tard seulement. Selon Omnivore qui a décidé d'être transparent, le nom de ce chef là était déjà bien connu en juillet, et c'est vers mi juillet déjà que Taku Sekine allait apprendre qu'il ne participerait pas à un festival food de septembre. Ensuite, à partir du 12 août, Taku Sekine semble avoir été boycotté selon un article « agissons » publié publié chez Food and Sense, manifestement à l'initiative de Julie Mathieu et Muriel Tallandier, « à la tête de plusieurs magazines de cuisine ». Un appel « agissons » ou « boycottons » également poussé sur Instagram et Facebook. Un grand chef Parisien, réputé, connu, écarté, boycotté par des influenceurs, probablement plus encore vers la fin août, après la parution de #MeToo l'Auvergnat de Paris, un canard pour les pros des bistros et restos du Grand Paris. Ainsi que davantage exclu après les parutions dans nos tabloïds, TND, Voici, Public, Pure People ? Comment a été perçu l'article de SudInfo titré « Scandale dans le monde de la gastronomie: un jeune chef parisien très célèbre accusé d’agressions sexuelles, une ancienne star de Top Chef soupçonnée! » ? Des rumeurs, du bruit, des ragots, du commérage, puis son nom dans la presse en septembre. Pendant tout ce temps, de la mi-juillet à la fin septembre, le chef Japonais pouvait savoir, redouter et bien percevoir. Un peu avant de s'effondrer, le soufflé finissait même saupoudré d’allégations et d'un démenti immédiat d'un éventuel départ précipité pour le Japon.
En tous cas, selon sa femme et un communiqué officiel, « Taku Sekine a mis fin à ses jours, emporté par une grave dépression consécutive à sa mise en cause publique », « avec une récurrence s'apparentant à un véritable acharnement ». « Ces personnes malintentionnées [...] ont fait courir des ragots mensongers sur les réseaux sociaux et ont organisé une brutale campagne de destruction du réseau de Taku Sekine, appelant chaque acteur du milieu de la gastronomie pour répandre des calomnies et les mettant en garde de travailler avec lui. » « Privé de son droit d'exercer son talent », Taku Sekine « s'est enfermé en l'espace de deux mois dans une violence spirale de dépression. »
Arrêt sur Images semble avoir produit une analyse assez similaire : « Ce qui est certain, c'est que le jour où il se suicide, le 29 septembre, Taku Sekine est cerné par la rumeur aux mille bouches. Son nom est sur toutes les lèvres du petit monde de la "foodosphère". Toute une flotille de sites de buzz [NDLR #astrotufing #conspirationnisme] qui se recopient les uns les autres livrent le portrait transparent d'un chef. Le 6 septembre, son nom vient même d'être imprimé noir sur blanc par l'un d'entre eux, Atabula, qui affirme aussi que Taku Sekine aurait quitté la France. Toutes ces rumeurs sont crédibilisées... » la suite, chez chez eux, où ils poursuivaient, plus loin, à propos de méthodes, de collectes d'informations et de communications : « Cela peut prendre des semaines, des mois, pendant lesquels cette personne peut suivre les progrès de l'enquête, sans pouvoir y réagir. Que cette personne soit coupable ou non »...
Par contre, contrairement à Daniel Schneidermann, je suis certain qu'on peut facilement réagir, en live, sur les réseaux sociaux. Surtout lorsque le bruit est infondé, quand la cible des bruits n'a rien à se reprocher. Ou encore qu'il doit être au moins possible d'agir pour tenter de modérer le bruit. Il existerait bien des experts dans le domaine de l'e-reputation. Sur Facebook, nous pouvons aussi constater comment des avocats pénalistes peuvent aider, à propager et à crédibiliser ce genre de « news » #facepalm 7k+ personnes y sont ce soir abonnées. Ca pourrait sembler profiter aux sources comme contribuer à la rumeur et tout autant profiter également aux comptes ou sites et feuilles qui les propagent. Il s'agirait peut être d'un bon sujet encore pour Nicolas Vanderbiest, notre brillant débusqueur de Russes #DisinfoEU je serais curieux de lire voire de rire encore d'une de ses analyses. Le titre du HuffPost affiché par des pénalistes, joli :
J'ai le sentiment que Facebook nous incite à nous méfier davantage des jeunes avocats inexpérimentés. pic.twitter.com/k0LzX9Xj5C
— Bruno Kant (@bkant) October 1, 2020
Aujourd'hui, le téléphone et du feuilletonnage sur le net, les réseaux sociaux, Instagram, Facebook, dans la presse à clics ou nos tabloïds, avec les vrais journaux qui copient/propagent, des réseaux d’influenceurs et des feuilles de choux spécialisées. Nous n'attendons plus les enquêtes annoncées de Libération ni d'ailleurs celle de Mediapart. Ce 30 septembre, le Républicain Lorrain publiait : « Enquête », « Le chef étoilé Guy Martin accusé de tentative de viol »...
On ne se méfie jamais assez d'Internet et de l'imprudence des journalistes. Récemment encore, AFP puis Reuters avaient encore une fois été enfumés par une « source policière ». Un ultime petit soucis de précipitation ou de contradictoire ? La fake news avait été propagée dans toute la presse nationale puis internationale. « A daredevil was spotted attempting to climb the Montparnasse Tower—Paris' tallest skyscraper—with no apparent safety equipment, before he was arrested upon reaching the top, according to local reports. ». Nous pouvions lire que un « touriste Polonais » avait été interpellé alors qu'il « tentait » d'escalader la tour Montparnasse. BNT ou Marcin Banot a depuis publié la vidéo de son exploit sur Youtube... Depuis, l'article du Figaro semble avoir été mis à jour, le titre au moins, mais son chapeau reste encore troublant : « Un homme a été interpellé à Paris vendredi soir 18 septembre après avoir tenté d'escalader la Tour Montparnasse à mains nues, a appris l'AFP de source policière. L'homme a été interpellé vers 20h00 au sommet de la Tour, a expliqué cette source. » « L'homme, dont l'identité n'a pas été révélée, est un Polonais, qui s'est présenté comme étant un touriste, selon une source policière. » De quoi relancer le mythe du plombier Polonais, la performance et le physique de BNT doit en avoir fait craquer plus d'un.e.
Aujourd'hui, le téléphone, Internet et nos journaux, ces derniers ayant la prétention d'être tellement plus fiables. Hier, les libelles, c'est où je situe Atabula, Franck Pinay-Rabaroust, mais également beaucoup d'autres qui ont publiés à ces sujets, sur ces chefs, avec « du très lourd », il existe une liste, dont, donc, Taku Satine et Guy Martin. Ce qui nous renvoie à il y a deux à quatre siècles, quelque part sous l'Ancien régime, avec des feuilles, des commérages et des ragots d'anonymes qui propageaient impunément les calomnies et les médisances. Plus haut, je ne rappelais aucune notion du droit contemporain de la presse, je crois que cela resterait incompris, irrecevable, balayé d'un trait de plume sinon d'un grand coup de couteau, ou plus probablement par quelques twittos passant par là. « Preuve et conviction du juge en matière d'agressions sexuelles » est à lire sur Cairn, 25 pages instructives et denses, par François Desprez, Maître de Conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre, Centre de Droit Pénal et de Criminologie (CDPC).
Sinon, à propos d'hier ou d'avant-hier, puis encore en replay, j'ai adoré entendre Franck Pinay-Rabaroust s'expliquer, dire et expliquer pour le public de Quotidien : « qu'on ne me mette pas la responsabilité du suicide de cet homme sur mes épaules" #Quotidien "non, non... / vous lui avez pas demandé sa version? / non, il n'y pas eu de contradictoire et ça, je sais qu'effectivement, c'est un point faible, j'ai essayé, mais j'ai pas réussi... » C'est ici, je crois, que les journalistes de Mediapart se sont interrompus, Taku Sekine étant récemment décédé, leur propre enquête ne pouvant de ce fait jamais être contradictoire. Mediapart en restait là, ajoutant cependant une petite phrase gratinée : « Surtout, un site spécialisé avait diffusé le nom de Sekine en évoquant des accusations de viol (dont Mediapart – si elles existent – n’avait pas été informé), mais sans l’interroger, et le petit monde de la gastronomie avait commencé à se tenir à distance du chef, alors que rien de solide n’avait été publié… » On ne peut que repenser ici à Sandra Muller, qui fût à l'initiative de #BalanceTonPorc puis condamnée plus tard, pour un simple tweet excessif.
Ce qui est plus perceptible, @atabula_info c'est que avec le travail de toutes ces petites équipes, nous avons rebasculé sous l'Ancien Régime, à l'époque des libelles, et où Taku Sekine n'a aujourd'hui plus sa place. https://t.co/GTPeKS6PEW pic.twitter.com/97llaEU5bW
— Bruno Kant (@bkant) October 3, 2020
J'avais pas encore regardé par là, sur Facebook, on voit mieux. @atabula_info C'est joli. Une plume et un gros couteau? #gastronomie pic.twitter.com/eroRaVmF9O
— Bruno Kant (@bkant) September 30, 2020
📣 Tribune • Protection de l’enfance: halte aux dysfonctionnements de l’institution judiciaire (En accès libre) https://t.co/2FcnmiWA3V
— Mediapart (@Mediapart) October 3, 2020
@catherinegaste Faut plutôt faire la promo du Corbeau, récemment restauré et plus représentatif. Le Corbeau : histoire d'un chef-d'œuvre mal aimé du cinéma français https://t.co/lHAgg4Nv9K
"Avec les bruits qui courent, on a beau savoir..." pic.twitter.com/vzQNMGGOXJ— Bruno Kant (@bkant) October 3, 2020