« Les victimes de viols brisent le silence sur Twitter | 21 mars : Journée mondiale de la Trisomie-21 » |
Questions sur la surveillance de Mohamed Merah par la DCRI
NDLR : La surveillance, le dépistage et le suivi de ces suspects devrait être confié à des juges pour enfant et à des travailleurs sociaux, ces créatures savent « anticiper », ou encore lire dans « les larmes » comme d'autres liraient dans les entrailles d'un poulet... boucher, couper aussi l'accès aux voies de recours.
Questions sur la surveillance de Mohamed Merah par la DCRI
Le Monde.fr | 22.03.2012 à 12h03 • Mis à jour le 22.03.2012 à 12h20
Par Yves Bordenave et Laurent Borredon
Côté face, l'information est rassurante : Mohamed Merah était fiché par les services de renseignement français depuis 2011 et cela a permis son identification rapide. Côté pile, il y a une interrogation : la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) aurait-elle dû neutraliser un tel terroriste en puissance ?
Le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, a lancé les hostilités, jeudi 22 mars au matin, sur Europe 1 : "Je comprends qu'on puisse se poser la question de savoir s'il y a eu une faille ou pas. Comme je ne sais pas s'il y a eu une faille, je ne peux pas vous dire quel genre de faille mais il faut faire la clarté là-dessus." Lors de sa conférence de presse, mercredi 21 mars, le procureur de la République à Paris, François Molins, s'est également défaussé sur la DCRI : "Dans la mesure où les renseignements sont connus, les gens sont suivis. Et puis après, ils sont traités par les services de renseignements. Je pense que c'est une question que, le cas échéant, vous devriez poser à la Direction centrale du renseignement intérieur".
A la DCRI, le service de renseignement issu de la fusion, en 2008, de la DST (direction de la surveillance du territoire, contre-espionnage) et des RG (renseignements généraux), les policiers, dont le métier est d'avoir un coup d'avance, ont senti dès mercredi qu'ils allaient être dans le collimateur. Ils ont donc rapidement mis en place une stratégie de défense. "Mohamed Merah, c'est l'exercice le plus difficile pour nous, explique un responsable. Il s'autoradicalise, c'est manifestement une démarche solitaire. Si le gars mûrit seul son projet dans son coin, on ne peut pas explorer son inconscient. C'est vrai pour le terrorisme comme pour le droit commun, d'ailleurs."
Mohamed Merah serait donc un "loup solitaire". Il a effectué plusieurs séjours en Aghanistan et au Pakistan en2010 et 2011, mais sans faire appel à un réseau, selon M.Molins. A la suite de ses voyages, la DCRI l'a inscrit dans ses fichiers et l'a interrogé. "Il avait même été convoqué en novembre 2011 par un service régional de renseignement intérieur, afin qu'il explique de façon plus précise ce qu'il était allé faire en Afghanistan et au Pakistan, a expliqué Claude Guéant, mercredi, sur TF1. Il avait alors expliqué, force photos à l'appui, qu'il avait fait un voyage touristique."
VERSION OFFICIELLE
"Lorsqu'un individu revient de ce type de voyage, on observe son comportement, confirme un policier de la DCRI. Selon les cas, on évalue, on engage un travail et puis on fait un bilan. Mais ce n'est pas parce qu'il adopte une attitude radicale vis-à-vis de la religion que ça fait de lui un terroriste." Si l'homme se fait remarquer sur Internet, engage des contacts avec d'autres personnes signalées, la surveillance passe au stade supérieur. Mais dans le cas de Mohamed Merah, un policier souligne la grande discrétion du jeune homme: "Il n'en est rien sorti." Les enquêteurs qui épluchent ses contacts téléphoniques depuis mardi n'ont d'ailleurs pas grand-chose à se mettre sous la dent.
Des individus signalés pour des voyages suspects au Pakistan et en Afghanistan, la DCRI en décompte plusieurs centaines. Etre signalé, cela ne signifie pas automatiquement des écoutes téléphoniques ou une surveillance des communications sur Internet. Et encore moins des filatures. Cela pose le problème des moyens physiques et techniques. "Aucun service ne peut surveiller plusieurs centaines de personnes", explique le criminologue Alain Bauer. "On ne peut pas savoir ce qu'ils font au jour le jour", confirme un magistrat spécialisé. Se pose par ailleurs la question du respect de la vie privée et de l'intimité des correspondances. "On ne peut pas surveiller abusivement quelqu'un qui n'a pas démontré de dangerosité", rappelle Floran Vadillo, chercheur à Bordeaux et spécialiste des questions de renseignement.
Interpellations préventives.
Ces explications sont crédibles si Mohamed Merah était effectivement un homme seul. Les premières révélations sur le profil de son frère, mis en cause il y a quelques années dans le cadre d'une enquête sur des filières d'envoi de djihadistes en Irak, pourraient faire vaciller la version officielle.
"QUOI QU'ON FASSE, ON SE FAIT TIRER DESSUS"
Quant au lien avec les milieux salafistes toulousains, M. Guéant a anticipé les critiques, jeudi matin, sur RTL: "Les gens qui sont engagés dans la mouvance salafiste sur Toulouse et que la DCRI suit de très près, comme sur l'ensemble du territoire, ne manifestent pas de propension ou d'inclination au meurtre. Dans le parcours des salafistes toulousains comme dans celui de Mohamed Merah, jamais n'est apparue une tendance criminelle."
"Quoi qu'on fasse, on se fait tirer dessus", juge, amer, un responsable de la DCRI. "Quand on arrête quelqu'un avant le passage à l'acte, on a toutes les organisations de défense des droits de l'homme et les avocats sur le dos. Tout le monde explique que c'est une construction de la police", ajoute un autre.
Le système antiterroriste français est effectivement très critiqué. Il repose en grande partie sur l'article 421-2-1 du code pénal qui dispose que "constitue un acte de terrorisme le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation" d'un acte de terrorisme. Ces dernières années, la DCRI a multiplié les interpellations préventives dans le milieu de l'islamisme radical. Le code pénal laisse ainsi une certaine latitude aux policiers et aux magistrats. La Ligue des droits de l'homme (LDH) a récemment dénoncé le procès prévu les 29 et 30 mars d'Adlène Hicheur, un physicien franco-algérien qui conversait régulièrement par Internet avec un homme soupçonné d'appartenir à Al-Qaida au Maghreb islamique. Son avocat, Me Patrick Baudouin, a dénoncé la "dérive de l'antiterrorisme" : "Il n'y a jamais eu le début d'intention de mise en œuvre d'un projet précis."
Reste à voir si la polémique rebondira sur le terrain politique. Le patron de la DCRI, Bernard Squarcini, a fait l'objet de vives contestations, notamment pour avoir été mis en examen dans l'affaire des fadettes du Monde, mais ces critiques n'ont pas porté sur l'efficacité de la DCRI. Floran Vadillo, qui a travaillé pour la fondation Terra-Nova, proche du PS, défend "la bonne maîtrise de l'antiterrorisme en France". Mais un responsable socialiste s'interroge: "Squarcini affirmait que la stratégie d'anticipation de la DCRI est un succès parce qu'il n'y a pas eu d'attentat sur le sol français depuis 2008. S'il a raison, l'affaire de Toulouse et de Montauban est un échec pour le service."
Yves Bordenave et Laurent Borredon
Pages: 1 · 2