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NDLR : En cherchant un peu, pour répondre à Maître Seban, nous trouverions rapidement quelques enfants arrachés, cachés ou retenus par la protection de l'enfance, un univers où beaucoup de professionnels pourraient fonctionner comme de vrais prédateurs, de vrais pédocriminels. Bien sûr, on nous assurera que lorsqu'un enfant est « placé » par la justice, en France, les parents n'ont jamais aucun motif d'inquiétude ni de se plaindre...
Interview
Société | Faits divers
"On finira bien par trouver un cas en France"
11 mai 2013 | Mise à jour le 12 mai 2013, le JDD
Maître Didier Seban est spécialisé dans les affaires de disparitions d'enfants.
INTERVIEW - Il est le fondateur du seul cabinet d'avocats français spécialisé dans les affaires de disparitions d'enfants, notamment celle d'Estelle Mouzin, dont on est sans nouvelle depuis dix ans.
Que vous inspire l'affaire de Cleveland?
Des signaux d'alerte n'ont pas été pris en compte. Dans la plupart des dossiers de disparitions, on ne prend pas assez au sérieux la plupart des témoignages, peut-être parce qu'ils sont trop imprécis. En France, on ne travaille pas assez sur les tentatives d'enlèvement avortées. Les étudier permettrait de remonter certaines affaires non élucidées. Combien de fois on nous a signalé des cas où les parents avaient averti la police et puis il ne s'est rien passé derrière, pas même un début d'enquête? On peut imaginer que celui qui fait une tentative d'enlèvement est tout à fait susceptible de recommencer ou d'avoir déjà agi.
Le dénouement de Cleveland redonne-t-il de l'espoir aux familles?
Oui, évidemment, mais c'est un espoir douloureux. Les parents d'enfants disparus ont besoin de penser que leur enfant ne vit plus, parce qu'autrement chaque instant est insupportable. Cette idée que l'enfant soit en vie quelque part et puisse souffrir de la séquestration est une idée terrible. Cela ravive au fer rouge la douleur. Cela renforce pour eux cette exigence d'action urgente, car, dans des affaires assez anciennes, ils ont l'impression de ne plus avoir l'écoute de la police, de ne plus être une priorité.
La justice en France a-t-elle les moyens suffisants pour poursuivre les recherches?
Les moyens de l'enquête criminelle sont extrêmement faibles. La police scientifique en France a quinze ans de retard sur les Anglais. Le rythme de l'enquête en France n'est pas du tout en rapport avec l'exigence des familles. L'addition de dénouements comme ceux de Natascha Kampusch en Autriche et des filles de Cleveland laisse à penser que l'on va bien finir par trouver un cas similaire en France. La découverte de Cleveland nous prouve que l'acharnement doit être de mise. Il faut absolument agir dans le but que tout aura été tenté. Peut-être que la solution dans des affaires comme la disparition d'Estelle Mouzin se trouve derrière la porte d'une maison. Mais il ne faut pas céder à la paranoïa, penser que son voisin séquestre potentiellement une jeune femme. On ne doit pas tomber dans la délation. On ne va pas transformer la France en un vaste État policier parce que peut-être trois personnes sont séquestrées quelque part.
L'existence de l'alerte enlèvement est tout de même une avancée…
Oui, bien entendu. Mais pour moi, le seul plus que l'on ait, c'est paradoxalement le temps qui passe. Le fait qu'une histoire criminelle se construise, que des gens soient arrêtés, jugés, que des faits se reproduisent… Cette analyse de ce qui s'est passé depuis l'enlèvement d'un enfant ou d'une jeune fille dans l'histoire criminelle d'une région peut donner des pistes à exploiter. Dix ans après, il est plus facile de parler, les risques sont moins grands et les nouveaux dispositifs de témoignage sous X facilitent la communication des informations utiles à l'enquête.
Combien de mineurs disparaissent par an?
En 2011, le fichier national des personnes recherchées pour disparition comptait près de 65.000 noms, dont plus de 50.000 mineurs, dont 10.000 "disparitions inquiétantes", mais dedans il y a également les fugues, donc cela rend difficile toute analyse. Il n'y a aucune liste officielle des enfants disparus en France, il faut aller sur des sites d'associations de parents d'enfants disparus ou sur le site d'Interpol. Cela fait des années que l'on demande aux gardes des Sceaux successifs de tenter d'établir cette liste, y compris pour pouvoir mettre en rapport telle affaire avec telle autre. On a encore l'impression de prêcher dans le désert.
Adeline Fleury - Le Journal du Dimanche
samedi 11 mai 2013