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Maître Eolas fait appel de sa condamnation pour diffamation
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Affaire Éolas : coup d'arrêt à la liberté d'expression sur Internet ?
Condamné pour diffamation et injure envers l'Institut pour la justice (IPJ), Me Éolas, le célèbre avocat blogueur, a fermé son compte Twitter.
Par Marc Leplongeon
Publié le 06/10/2015 à 16:34 - Modifié le 06/10/2015 à 16:47 | Le Point.fr
À l'origine, une histoire de caca. En vue de l'élection présidentielle de 2012, le très droitier Institut pour la justice (IPJ), chargé par ses adhérents de faire du lobbying auprès des parlementaires pour durcir la législation pénale, publiait sur Internet un "pacte 2012 pour la justice". À l'époque, l'Institut proposait une "impunité zéro pour les atteintes aux personnes et aux biens", la "perpétuité réelle pour les grands criminels", "la surveillance à vie des délinquants sexuels", ou encore le "droit pour la victime de contester en appel la remise en liberté de son agresseur". Le tout accompagné d'une pétition regroupant à ce jour plus de 1,7 million de signataires, et du témoignage du père d'un jeune homme tué en 2009.
Un procédé démagogique, avaient tancé de nombreux juristes, arguant que le droit ne devait se laisser gouverner ni par l'émotion ni par les faits divers. Me Éolas, célèbre avocat blogueur, était allé plus loin : "Je me torcherais bien avec l'Institut pour la justice (IPJ) si je n'avais pas peur de salir mon caca", avait-il vulgairement tweeté à ses dizaines de milliers de followers (il en avait plus de 186 000 avant de fermer son compte). Surtout, l'avocat avait dénoncé une "manipulation" et affirmé que le compteur de la pétition était "bidon". "Des gens m'ont contacté pour me dire : J'ai signé la pétition sous le nom de Napoléon Ier", avait-il dit à son procès, selon des propos relatés par Rue89. Avant de fournir aux juges un graphique censé étayer ses propos.
Ses arguments ne semblent pas avoir convaincu les juges. Mardi, Me Éolas a été condamné pour diffamation et injure à 2 000 euros d'amende avec sursis et 5 000 euros de dommages et intérêts. Il a dix jours pour faire appel. Mais la première réaction de l'avocat ne s'est pas fait attendre : il a fermé son compte Twitter. L'Institut pour la justice s'est quant à lui réjoui "de voir son honneur, son intégrité et son honnêteté rétablis à la suite de cette condamnation".
Suite à la condamnation de Maitre Eolas, communiqué de l'@InstitutJustice pic.twitter.com/FLythDSoie
— Julien Mucchielli (@JMucchielli) 6 Octobre 2015
"La twittosphère y perd beaucoup"
Le coup de sang de Me Éolas sème la consternation sur la Toile. Son fil Twitter offrait à de très nombreuses personnes, juristes professionnels ou amateurs, des éclairages fort utiles sur les points compliqués d'une loi ou d'un fait de société. C'était un modèle de pédagogue, un vulgarisateur juridique hors pair qui se faisait un malin plaisir de décortiquer l'instrumentalisation des faits divers. Reste que la "parole d'un avocat n'est pas totalement libre. Il ne doit pas injurier ou diffamer, et est tenu par des règles déontologiques très strictes", rappelle @Herminator71, un avocat de l'est de la France. Le juriste sait de quoi il parle : il y a quelques jours, dans une note envoyée à tous les avocats de son barreau, son conseil de l'Ordre a révélé son vrai nom, et fustigé ses "tweets, blogs et autres distractions infantiles" peu "respectueux des principes de la profession". Un procédé qui avait provoqué, sur Twitter, une levée de boucliers de nombreux confrères solidaires. "La version moderne du pilori, sourit l'intéressé sous le couvert de l'anonymat. On insulte quelqu'un, et on en fait profiter tous ses pairs."
"En ce qui me concerne, c'est suite à un procès kafkaïen de mon ordre que j'ai décidé de ne plus tweeter, ajoute l'avocat. Pour Éolas, c'est différent. Sa décision – que je déplore – de fermer son compte a été prise librement. C'est peut-être une réaction un peu épidermique à une décision de justice qui ne concernait que quelques tweets." Contacté par Le Point, Éolas n'a pas souhaité commenter.
A-t-il fermé provisoirement son compte pour protester contre ce qu'il estime être une atteinte à la liberté d'expression ? Le célèbre blogueur aurait ainsi voulu envoyer un avertissement à sa communauté de lecteurs. "Il a peut-être également craint une audience disciplinaire devant le Conseil de l'ordre de Paris, ose une autre robe noire. C'est souvent le cas lorsqu'un avocat est condamné pénalement. Il risque un blâme, une suspension provisoire ou, dans les cas les plus graves, une interdiction d'exercer. Éolas est une grande gueule. Il parle de tous les sujets, y compris politiques. Il s'est fait de nombreux ennemis…"
Le juge Dadouche, un magistrat habitué des réseaux sociaux, relativise : "Cela dit, Éolas a d'abord existé par son blog et j'espère bien que ça ne s'arrêtera pas ! Et si ça lui permet de republier plus fréquemment des billets, nous n'aurons pas tout perdu dans cette histoire consternante. Les réponses les plus efficaces aux méthodes de l'Institut pour la justice, c'est par ses billets qu'il les a apportées."
Il ne me reste plus qu'à me concentrer sur ma passion : la violation des droits de l'homme et de la défense. #Eolas
— Simone (@simoneduchmole) 6 Octobre 2015
2 commentaires
HAHAHA @Klaire merci pour ce moment, Eolas devrait apprécier 😀 https://t.co/rgafrNE64M #CacaGate
— Maître Pandavocat (@Pandavocate) 16 Octobre 2015
@legrugru Des milliers de followers/followés ont finalement découvert qu'ils ne pesaient pas lourd face à une contrariété...
— Atg (@13Atg) 16 Octobre 2015