« Un scandale sanitaire soigneusement étouffé | Extrait de la première promenade » |
La censure de Vichy
Revue d'histoire de l'enfance "irrégulière", Numéro 3, 2000
L'enfant de justice pendant la guerre et l'immédiat après-guerre
2) La censure de Vichy
... le film fut surtout amputé d'une séquence essentielle et qu'il importe ici de restituer. Nous sommes de nouveau dans les scènes se déroulant à l'Hôtel du Parc, quand Jean Victor accompagné de ses deux acolytes, Malory et Ferrand, tente d'obtenir d'un fonctionnaire guindé l'autorisation d'ouvrir son centre de rééducation en se livrant à un réquisitoire contre les « bagnes d'enfants » :
Jean Victor : « Il ne faut plus que l'on traite les enfants comme des bêtes et que les pénitenciers soient des fabriques de révoltes. On les bride, on les écrase sous prétexte de les redresser et puis [ensuite] on les rejette à la rue comme des épaves. Ce système-là a fait faillite. C'est une honte pour notre pays de l'avoir toléré si longtemps... Il ne doit plus y avoir de bagnes pour les enfants » [...]
Le fonctionnaire : « Il ne faut rien exagérer ! Moi qui vous parle, j'ai appartenu autrefois à l'administration pénitentiaire. Je connais bien la question... je vous assure qu'il court beaucoup de légendes sur les pénitenciers de jeunes délinquants »
Jean Victor se contenant : « Pourtant il y a des faits qui ne sont pas niables »
Le fonctionnaire dit tranquillement avec son sourire sceptique : « Oui... quelques petits abus... des cas isolés... dont la presse s'était emparée avant la guerre... permettez-moi de vous le dire... heureusement ils ont été d'ailleurs sévèrement réprimés... maintenant tout cela est très surveillé, croyez-moi... Ces jeunes chenapans sont conduits avec beaucoup plus de douceur qu'on ne l'imagine... »
Malory, incapable de se contenir s'est levé d'un bond : « Eh bien ! vous en avez un culot, vous ! »
Le fonctionnaire stupéfait balbutie : « Comment ? »
Jean Victor intervient : « Excusez mon ami, Monsieur. Il est étonné et il y a de quoi ! Si vous êtes de bonne foi... alors c'est qu'on vous cache tout »
Ferrand, ouvrant tout à coup sa chemise et montrant sur son cou une longue cicatrice, crie à son tour : « Et ça ? C'en est de la douceur ? Un coup de poinçon d'un gardien à l'atelier de menuiserie à Eysses... »