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L'appel des 100
Quels sont les reproches que vous adressez à ce projet de loi ?
J'aurais souhaité que l'on aille plus loin. L'Etat, depuis qu'il a décentralisé l'aide sociale à l'enfance [aux conseils généraux], considère que ce n'est plus de sa responsabilité. Or, selon moi, il a la responsabilité notamment de s'assurer que de Lille à Marseille, de Strasbourg à Brest, l'aide sociale à l'enfance (ASE) soit mise en place de façon à ce qu'il ait un véritable suivi de l'enfant. Attention, je ne dis pas qu'il faille recentraliser l'ASE – les départements ayant plutôt bien réussi depuis qu'ils gèrent ce secteur –, mais l'Etat doit assurer un rôle de coordination.
Deuxième point, je trouve que l'on n'a pas été assez loin concernant la formation continue des travailleurs sociaux, qui peuvent aujourd'hui traverser toute une carrière sans en suivre. J'aurais été favorable à ce que la formation continue soit obligatoire et que les travailleurs sociaux puissent régulièrement aller recueillir des connaissances sur ce qui évolue.
J'estime enfin que la loi fait l'impasse sur la situation des familles. La famille aujourd'hui n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était il y a quinze ou vingt ans. Ce sont des familles monoparentales, des familles éclatées... Je regrette que toutes ces questions n'aient pas été prises en compte dans le projet de loi. Enfin, je trouve qu'il aurait fallu s'opposer plus clairement à la loi sur la prévention de la délinquance, qui risque de nuire à la prévention de l'enfant.
Entretien avec Claude Roméo, directeur de l'enfance et de la famille dans un conseil général
"Le projet de loi sur la protection de l'enfance est satisfaisant, mais il aurait pu aller plus loin"
Le Monde, 09.01.07
Claude Roméo est directeur de l'enfance et de la famille au conseil général de la Seine-Saint-Denis (PS) et à l'origine, avec le juge pour enfants Jean-Pierre Rosenczveig, de l'"appel des 100" qui visait à ouvrir un large débat sur la réforme de la protection de l'enfance.
Que pensez-vous du projet de loi actuellement discuté à l'Assemblée nationale ?
Avec l'"appel des 100", nous avons obtenu satisfaction sur la question du débat puisque les deux tiers des départements ont tenu des conférences départementales, que le ministre a organisé douze journées thématiques sur la question et qu'il a mis en place un comité national chargé de la corrélation de la loi.
A l'origine, nous aurions souhaité une loi d'orientation sur la protection de l'enfance, c'est-à-dire une loi où l'on revienne sur la définition de la protection de l'enfance. Cela n'a pas été possible puisque le souhait du ministre – avec lequel nous étions d'accord – était que cette loi soit adoptée avant la fin de la législature, donc avant mars. Mais je suis satisfait de ce projet de loi – je suis à l'origine de la rédaction d'une partie –, car les trois axes que l'on avait définis y ont été intégrés.
Le premier point est celui de la prévention parce qu'il est nécessaire de détecter le plus rapidement possible les problèmes que peuvent rencontrer des enfants et leur famille. Le deuxième est celui du signalement avec l'affirmation du président du conseil général comme chef de file de la protection de l'enfance. Le dernier axe est celui de la question des prises en charge, qui se doivent d'être plus personnalisées.
Concrètement, que va-t-il changer s'il est adopté ?
Ce qui va changer, par exemple au niveau de la prévention, c'est l'entretien systématique au quatrième mois de la grossesse. On sait qu'un certain nombre de problèmes – grossesses non désirées, problèmes psychologiques – arrivent à ce moment-là. Désormais, avant même que l'enfant soit né, on va s'interroger pour savoir comment cet enfant va arriver et comment aider la maman dans son futur rôle de mère. On va également réfléchir à la mise en place d'un réseau entre la PMI [protection maternelle infantile] et la maternité qui va permettre de travailler ensemble pour permettre à la maman de faire face à ses nouvelles responsabilités.
Sur le signalement, normalement, il n'y aura plus qu'un seul chef de file qui sera le président du conseil général. C'est-à-dire que l'on ne fera plus du signalement n'importe comment et n'importe quand. Il n'y aura plus qu'une seule adresse où on les communiquera, la cellule centralisée, avec l'avantage que celui qui a fait le signalement sera informé de ce que l'on en a fait.
Enfin, sur la question des alternatives au placement, je crois que depuis plusieurs années, un certain nombre d'expériences ont été menées dans les départements. La loi devait les prendre en compte. Je pense notamment à la question des adolescents. Comment travailler avec des adolescents qui parfois ne sont pas encore en rupture avec leur famille mais qui risquent d'y basculer ? Comment discuter avec eux ? La loi prévoit que, désormais, on pourra les accueillir soixante-douze heures dans un lieu où l'on va travailler autour de la médiation entre le jeune en difficulté et ses parents.
Quels sont les reproches que vous adressez à ce projet de loi ?
J'aurais souhaité que l'on aille plus loin. L'Etat, depuis qu'il a décentralisé l'aide sociale à l'enfance [aux conseils généraux], considère que ce n'est plus de sa responsabilité. Or, selon moi, il a la responsabilité notamment de s'assurer que de Lille à Marseille, de Strasbourg à Brest, l'aide sociale à l'enfance (ASE) soit mise en place de façon à ce qu'il ait un véritable suivi de l'enfant. Attention, je ne dis pas qu'il faille recentraliser l'ASE – les départements ayant plutôt bien réussi depuis qu'ils gèrent ce secteur –, mais l'Etat doit assurer un rôle de coordination.
Deuxième point, je trouve que l'on n'a pas été assez loin concernant la formation continue des travailleurs sociaux, qui peuvent aujourd'hui traverser toute une carrière sans en suivre. J'aurais été favorable à ce que la formation continue soit obligatoire et que les travailleurs sociaux puissent régulièrement aller recueillir des connaissances sur ce qui évolue.
J'estime enfin que la loi fait l'impasse sur la situation des familles. La famille aujourd'hui n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était il y a quinze ou vingt ans. Ce sont des familles monoparentales, des familles éclatées... Je regrette que toutes ces questions n'aient pas été prises en compte dans le projet de loi. Enfin, je trouve qu'il aurait fallu s'opposer plus clairement à la loi sur la prévention de la délinquance, qui risque de nuire à la prévention de l'enfant.
Propos recueillis par Raphaëlle Besse Desmoulières