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Deux mamans se disputent leur petite fille
Vienne / Faits De Société / Justice / Tribunal De Grande Instance
Poitiers
Deux mamans se disputent leur petite fille
La Nouvelle République, le 16 juillet 2008
Séverine et Francesca ont eu une fillette ensemble. Aujourd'hui séparées, elles se disputent au tribunal leurs droits respectifs sur l'enfant.
C'est une affaire fort simple comme on en voit trop souvent, où des parents séparés règlent leurs différends au travers d'un enfant : dès le début de ses réquisitions, le procureur de la République, Jean Lacotte, tient à mettre les points sur les « i ». Pas question de transformer ce procès en débat de société mais seulement de sanctionner un délit, celui de « non présentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer ».
Et pourtant, qu'on le veuille ou non, le procès qui s'est déroulé hier devant le tribunal correctionnel est bien un procès hors normes. Les deux parents qui se querellent autour des droits de visite sur une petite fille de cinq ans sont deux femmes. Et si l'homoparentalité est aujourd'hui un sujet de débat national, si quelques juges des affaires familiales ont déjà eu à connaître des conflits nés de cette nouvelle conception de la famille, il est exceptionnel qu'elle vienne occuper une juridiction pénale.
Conflit de loyauté
L'affaire, c'est vrai, est fort simple : en 2002, Séverine et Francesca, qui vivent ensemble, décident d'avoir en enfant. C'est Séverine, la plus jeune du couple, qui, après avoir subi une insémination artificielle, portera le bébé, élevé par les deux femmes jusqu'à leur séparation, trois ans plus tard.
Après une brève tentative de garde alternée, les relations se dégradent encore et Séverine décide de nier tout droit à son ancienne compagne. Il faudra qu'un juge intervienne pour que Francesca obtienne gain de cause et se voie octroyer un droit de visite. Enfin, la mère biologique de la fillette ayant persisté à refuser de la présenter, c'est le tribunal correctionnel qui est saisi du dossier.
Me Patricia Coutand, qui défend Francesca, se cantonne à une plaidoirie très classique dans un dossier de non-présentation d'enfant : pour elle, la fillette, qui « n'est pas autorisée à voir sa deuxième maman », est victime d'un « conflit de loyauté » entre ses deux conceptrices.
Solution d'apaisement
Me Simone Brunet, elle, conteste fermement les prétentions à la maternité de la plaignante : « Les adultes n'ont pas un droit à l'enfant. A ce jour, en l'état actuel du droit, Mme X n'est pas la mère biologique de cet enfant. » De là à lui dénier tout droit sur cette fillette de cinq ans, il y a un pas que l'avocate ne franchit pas.
En fait, tout le monde, avocates, parquet et finalement le tribunal lui-même est d'accord pour trouver une solution d'apaisement. Depuis quelques jours, un lieu neutre a été désigné pour que les visites puissent reprendre. Si Séverine, reconnue coupable, se plie à cette nouvelle organisation, le 5 mars prochain, elle sera dispensée de peine. Comme dans n'importe quel procès opposant deux parents, dès lors que ceux-ci font finalement passer l'intérêt de l'enfant avant leur animosité respective.