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Enfants, graines de délinquants ?
NDLR : Voir également Chirac trop laxiste avec son chien
20.35 FRANCE 5
DOCUMENTAIRE
Marina Julienne et Christophe Muel (Fr., 2008)
Enfants, graines de délinquants ?
Article paru dans l'édition du Monde du 02.11.08
En 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, suscitait une de ces polémiques qu'il affectionne, en recommandant le dépistage des troubles du comportement dès la crèche pour prévenir la délinquance. Devant le tollé des professionnels de la petite enfance et l'inquiétude des parents, le projet a finalement été écarté par le gouvernement. Mais l'idée qu'il est possible de prédire les comportements déviants dès la plus tendre enfance a continué à faire son chemin : « De plus en plus se dessine une société de l'enfance sous contrôle », met en garde Enfants, graines de délinquants ? de Marina Julienne et Christophe Muel.
La force de leur documentaire tient au fait qu'il dépasse le débat français pour s'intéresser aux origines anglo-saxonnes de la polémique. Les auteurs se sont rendus au Québec où, dès la maternelle, les enfants les plus agités sont repérés. On leur fait suivre des thérapies de groupe d'inspiration comportementaliste pour leur apprendre à adopter « la bonne attitude » : bien répondre, rester assis, ne pas être insolent. Quand ils sont plus âgés, on les soumet à un test informatique, le « Dominique interactif », censé repérer leurs prédispositions aux troubles psychiques. La caméra s'introduit aussi dans une classe « Répit-transit », un programme de dix semaines d'acquisition comportementale, présenté comme la « dernière chance » des enfants difficiles. « Quand on a acquis une série d'attitudes, on est réputé être fonctionnel pour vivre dans une classe régulière », affirme sans ciller le directeur du programme.
Ces méthodes séduisent par leur simplicité et leur apparent bon sens. Mais en France, elles sont récusées par la quasi-totalité des psychologues et des éducateurs. « Le dressage est toujours plus efficace, à court terme, que l'éducation, pour produire des individus formatés, conformes et adaptables, relève ainsi Philippe Meirieu, chercheur en sciences de l'éducation. Mais je récuse cette efficacité. Un enfant n'est pas un objet. »
Malgré les tentatives d'intrusion de la culture anglo-saxonne dans le soin psychique, la France continue de privilégier une approche inspirée de la psychanalyse. Pour les éducateurs et les soignants, le comportement difficile d'un enfant est d'abord considéré « comme le signe d'une souffrance ». Mais pour combien de temps ? Montrant comment les tests de dépistage de troubles psychiques s'infiltrent petit à petit dans les écoles, ce documentaire appelle parents et enseignants à la vigilance.