Catégorie: Les classiques
Des accusations dans les divers gouvernements
Montesquieu (1748), De l’esprit des lois
Première partie, chapitre VIII
Des accusations dans les divers gouvernements
À Rome, il était permis à un citoyen d'en accuser un autre. Cela était établi selon l'esprit de la république, où chaque citoyen doit avoir pour le bien public un zèle sans bornes, où chaque citoyen est censé tenir tous les droits de la patrie dans ses mains. On suivit, sous les empereurs, les maximes de la république ; et d'abord on vit paraître un genre d'hommes funestes, une troupe de délateurs. Quiconque avait bien des vices et bien des talents, une âme bien basse et un esprit ambitieux, cherchait un criminel dont la condamnation pût plaire au prince : c'était la voie pour aller aux honneurs et à la fortune, chose que nous ne voyons point parmi nous.
Nous avons aujourd'hui une loi admirable ; c'est celle qui veut que le prince, établi pour faire exécuter les lois, prépose un officier dans chaque tribunal, pour poursuivre, en son nom, tous les crimes ; de sorte que la fonction des délateurs est inconnue parmi nous, et, si ce vengeur public était soupçonné d'abuser de son ministère, on l'obligerait de nommer son dénonciateur.
Dans les Lois de Platon, ceux qui négligent d'avertir les magistrats, ou de leur donner du secours, doivent être punis. Cela ne conviendrait point aujourd'hui. La partie publique veille pour les citoyens ; elle agit, et ils sont tranquilles.
Quand une assistante sociale dénonce un sans-papiers • Une affaire révélée par un avocat, sur son blog. Le Sénégalais a été arrêté puis libéré, selon «Le Monde».
LIBERATION.FR : dimanche 29 juin 2008, extrait
La délation, ça se pratique toujours. Une assistante sociale a récemment dénoncé à la police un sans-papiers hébergé chez une femme où elle intervenait. L’affaire a été révélée par un avocat anonyme du barreau de Paris, qui sous le pseudonyme de «Maître Eolas», tient sur son blog une chronique de la justice et du droit devenue célèbre dans les milieux judiciaires.
Le château
Château, le [Franz Kafka], roman inachevé de Franz Kafka, composé en 1922 et publié à titre posthume en 1926 par Max Brod, sous le titre Das Schloss.
Arrivé un soir d’hiver dans un village, K. entreprend de s’y installer et d’y exercer la profession d’arpenteur, pour laquelle il prétend avoir été convoqué, ce que l’administration du Château, siège de toute autorité au village, semble d’abord admettre. Il devient l’amant de Frieda, serveuse à l’auberge du Pont et ancienne maîtresse de Klamm, tout-puissant chef du 10e bureau. Cependant, contrairement à ses espoirs, ses tentatives d’accéder au Château ou d’obtenir un entretien avec Klamm pour régulariser sa situation restent vaines. Pis, son acharnement, sacrilège aux yeux des villageois, à défier une administration impénétrable compromet son implantation dans la communauté, lui vaut mille déconvenues, brise son couple et le rapproche des parias du village (la famille d’Amalia, coupable d’avoir repoussé les avances d’un fonctionnaire). Lorsque Bürgel, secrétaire de liaison du Château, lui fait entrevoir l’infime espoir d’une issue, K. est trop épuisé pour l’entendre. L’histoire s’interrompt alors qu’on ignore le sort final de l’arpenteur.
Le Château, l’un des romans les plus énigmatiques et les plus fascinants de ce siècle, a suscité d’innombrables tentatives de déchiffrement d’ordre psychologique, politique ou spirituel.
Plus d'infos sur fr.encarta.msn.com.
Procès, le [Franz Kafka], roman de Franz Kafka, publié après la mort de l’auteur, en 1925, sous le titre original Der Prozess.
Transgressant l’ordre de son ami qui lui avait demandé de détruire tous ses manuscrits après sa mort, Max Brod a choisi de publier ce livre inachevé qui est devenu par la suite, en partie grâce aux nombreuses adaptations qui en ont été tirées au théâtre, à l’opéra et au cinéma (par Orson Welles en 1962 notamment), le roman le plus populaire et le plus lu de Kafka. Écrit pour l’essentiel entre 1913 et 1915, ce roman est un texte charnière situé entre la Colonie pénitentiaire (1919) et le Château (posthume, 1926), et où pour la première fois Kafka tente d’élaborer une réponse à la question qui le hante, celle de l’existence d’un « tribunal invisible », comme il le note dans son Journal.
Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence
Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence
Montesquieu, 1721
Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice, lorsqu’on va, pour ainsi dire, noyer des malheureux sur la planche même sur laquelle ils s’étaient sauvés.
Polybe nous dit que, de son temps, les serments ne pouvaient donner de la confiance pour un Grec, au lieu qu'un Romain en était, pour ainsi dire, enchainé • Chapitre X, De la corruption des Romains
Portails universitaires, classiques, revues et recherche
Des incontournables sur Internet pour qui souhaiterait revoir ses classiques ou approfondir un thème particulier :
- http://www.revues.org/, Revue d'histoire de l'enfance irrégulière ; Clio, histoire, femmes et société ; Champ pénal ; Cahiers de recherche médiévale ; Cultures & conflits ; etc
- http://www.erudit.org/, un vaste portail de promotion et de diffusion de la recherche universitaire
- http://classiques.uqac.ca/, 7 collections disponibles regroupant 3,131 oeuvres originales de 1 006 auteurs différents
- http://www.gip-recherche-justice.fr/, présentation des programmes de recherche interdisciplinaire français et européens sur le droit et la justice
- http://www.cairn.info/, 150 revues de sciences humaines et sociales
Extrait de la première promenade
Extrait de la première promenade
LES REVERIES DU PROMENEUR SOLITAIRE, 1782
Jean-Jacques Rousseau
La diffamation, la dépression, la dérision, l'opprobre dont ils m'ont couvert ne sont pas plus susceptibles d'augmentation que d'adoucissement; nous sommes également hors d'état, eux de les aggraver et moi de m'y soustraire. Ils se sont tellement pressés de porter à son comble la mesure de ma misère que toute la puissance humaine, aidée de toutes les ruses de l'enfer, n'y saurait plus rien ajouter. La douleur physique elle-même au lieu d'augmenter mes peines y ferait diversion. En m'arrachant des cris, peut-être, elle m'épargnerait des gémissements, et les déchirements de mon corps suspendraient ceux de mon coeur.
Qu'ai-je encore à craindre d'eux puisque tout est fait? Ne pouvant plus empirer mon état, ils ne sauraient plus m'inspirer d'alarmes. L'inquiétude et l'effroi sont des maux dont ils m'ont pour jamais délivré: c'est toujours un soulagement. Les maux réels ont sur moi peu de prise; je prends aisément mon parti sur ceux que j'éprouve, mais non pas sur ceux que je crains.
Mon imagination effarouchée les combine, les retourne, les étend et les augmente. Leur attente me tourmente cent fois plus que leur présence, et la menace m'est plus terrible que le coup. Sitôt qu'ils arrivent, l'événement, leur ôtant tout ce qu'ils avaient d'imaginaire, les réduit à leur juste valeur. Je les trouve alors beaucoup moindres que je ne me les étais figurés, et même au milieu de ma souffrance je ne laisse pas de me sentir soulagé. Dans cet état, affranchi de toute nouvelle crainte et délivré de l'inquiétude de l'espérance, la seule habitude suffira pour me rendre de jour en jour plus supportable une situation que rien ne peut empirer, et à mesure que le sentiment s'en émousse par la durée ils n'ont plus de moyens pour le ranimer. Voilà le bien que m'ont fait mes persécuteurs en épuisant sans mesure tous les traits de leur animosité. Ils se sont ôté sur moi tout empire, et je puis désormais me moquer d'eux.
Il n'y a pas deux mois encore qu'un plein calme est rétabli dans mon coeur. Depuis longtemps je ne craignais plus rien, mais j'espérais encore, et cet espoir tantôt bercé tantôt frustré était une prise par laquelle mille passions diverses ne cessaient de m'agiter. Un événement aussi triste qu'imprévu vient enfin d'effacer de mon coeur ce faible rayon d'espérance et m'a fait voir ma destinée fixée à jamais sans retour ici-bas. Dès lors je me suis résigné sans réserve et j'ai retrouvé la paix.
La méprise d’Arras
Il ne serait pas mal qu’à la porte de tous les ministres il y eût un autre crieur, qui dît à tous ceux qui viennent demander des lettres de cachet pour s’emparer des biens de leurs parents et alliés, ou dépendants...
PROCÈS CRIMINEL
DU SIEUR MONTBAILLI ET DE SA FEMME.
La méprise d’Arras, Voltaire (1771)
Des délits et des peines
Oeuvre de Voltaire,
des délits et des peines
1766
Extraits
II. — Des supplices
Les supplices recherchés, dans lesquels on voit que l’esprit humain s’est épuisé à rendre la mort affreuse, semblent plutôt inventés par la tyrannie que par la justice.
III. — Des peines contre les hérétiques
L’habitude devient loi; et depuis ce temps jusqu’à nos jours, c’est-à-dire pendant plus de sept cents années, on a brûlé ceux qui ont été ou qui ont paru être souillés du crime d’une opinion erronée.
X. — Des sorciers
Les médecins cherchèrent encore la marque satanique. Ils la trouvèrent à un petit seing noir sur une de ses cuisses. Ils y enfoncèrent l’aiguille. Les tourments de la question avaient été si horribles que cette pauvre créature expirante sentit à peine l’aiguille elle ne cria point ; ainsi le crime fut avéré. Mais comme les moeurs commençaient à s’adoucir, elle ne fut brûlée qu’après avoir été pendue et étranglée.
Tous les tribunaux de l’Europe chrétienne retentissaient alors de pareils arrêts. Les bûchers étaient allumés partout pour les sorciers, comme pour les hérétiques. Ce qu’on reprochait le plus aux Turcs, c’était de n’avoir ni sorciers ni possédés parmi eux. On regardait cette privation de possédés comme une marque infaillible de la fausseté d’une religion.
Un homme zélé pour le bien public, pour l’humanité, pour la vraie religion, a publié, dans un de ses écrits en faveur de l’innocence, que les tribunaux chrétiens ont condamné à la mort plus de cent mille prétendus sorciers. Si on joint à ces massacres juridiques le nombre infiniment supérieur d’hérétiques immolés, cette partie du monde ne paraîtra qu’un vaste échafaud couvert de bourreaux et de victimes, entouré de juges, de sbires, et de spectateurs.
X. — De la peine de mort
On a vu des juges qui aimaient à faire couler le sang; tel était Jeffreys, en Angleterre ; tel était, en France, un homme à qui l'on donna le surnom de coupe-tête. De tels hommes n'étaient pas nés pour la magistrature ; la nature les fit pour être bourreaux.
XII. — De la question
La loi ne les a pas encore condamnés, et on leur inflige, dans l’incertitude où l’on est de leur crime, un supplice beaucoup plus affreux que la mort qu’on leur donne, quand on est certain qu’ils la méritent.
Léviathan
Léviathan
Thomas Hobbes
ou Matière, forme et puissance de l'Etat chrétien et civil
Traductions, introduction, notes et notices par Gérard Mairet
Folio, 375, essais
En histoire, c'est le jugement qui doit dominer, car la bonne histoire réside dans la méthode, dans la vérité, et dans le choix des actions qu'il est plus profitable de connaître. L'imagination n'a pas sa place, sauf pour embellir le style.
Dans les propos élogieux et injurieux, l'imagination prédomine, par ce que le but n'est pas de dire la vérité, mais d'honorer quelqu'un ou de l'humilier - ce qui se fait à l'aide de comparaisons nobles ou basses. Le jugement ne fait que suggérer quelles circonstances produisent une action louable ou condamnable.
Dans les exhortations et les plaidoiries, selon que le but est de dire la vérité ou de la dissimuler, c'est le jugement ou l'imagination qui est le plus nécessaire.
Lors d'une démonstration que l'on fait ou d'un conseil que l'on donne, comme en toute recherche rigoureuse de la vérité, c'est le jugement qui fait tout, sauf quand, parfois, il est besoin pour se faire comprendre de les introduire en recourant à une analogie appropriée ; et ainsi il y a de quoi faire usage de l'imagination. En revanche, en ce qui concerne les métaphores, elles sont, dans ce cas, complètement exclues. En effet, étant à l'évidence destinées à tromper, ce serait manifestement de la sottise que d'y recourir pour donner des conseils ou pour raisonner.
Et, quel que soit le discours, si la déficience dans le discernement est visible, si fantaisiste que soit l'imagination, l'ensemble du discours sera considéré comme le signe d'un manque d'intelligence ; mais il n'en sera jamais ainsi si le discerenement est manifeste, si pauvre soit l'imagination.
Séance de rentrée de
l’Ecole de formation du barreau de Paris
le 3 janvier 2007
Guy Canivet
Premier président de la Cour de cassation
La loyauté est aussi un devoir de l’avocat comme du magistrat. On ne trompe, par des manœuvres ou mensonges, ni son client ni son adversaire lorsque l’on est avocat, on ne tend aucun piège au justiciable lorsque l’on est juge… même juge d’instruction, on transcrit dans le dossier tout ce que l’on fait, tout ce que l’on sait, on ne dissimule rien, on ne ment ni par action, ni par omission… En justice, ne trompe pas qui peut !
L'esprit des lois
L'esprit des lois
Montesquieu, 1758
Il y a trois espèces de gouvernements : le RÉPUBLICAIN, le MONARCHIQUE et le DESPOTIQUE. Pour en découvrir la nature, il suffit de l'idée qu'en ont les hommes les moins instruits. Je suppose trois définitions, ou plutôt trois faits : l'un que le gouvernement républicain est celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance; le monarchique, celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies ; au lieu que, dans le despotique, un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices.
Livre II. - Des lois qui dérivent directement de la nature du gouvernement
Chapitre I. De la nature des trois divers gouvernements
Les misérables
Les misérables,
Victor Hugo, 1862.