Catégorie: Rumeur et crédibilité
La fabrique du consentement
Un appel à résister
Karl Kraus, contre l'empire de la bêtise
Le Monde diplomatique, août 2005, extrait
Une démarche dont on pourrait dire qu’elle est d’inspiration krausienne consisterait à dénoncer le règne du faux-semblant généralisé dans lequel sont installées les puissances occidentales. Contrairement aux apparences, ce monde « développé » moderne ne connaît ni la paix, ni la prospérité, ni la liberté pour tous, sinon en trompe-l’œil comme privilèges de minorités dominantes, masquant une réalité fondamentalement faite de violence, d’inégalité et d’oppression. La barbarie moderne n’a pas diminué, mais elle a appris à se farder davantage.
Kraus ne s’attaquait pas à une idée métaphysique de la bêtise, mais à ses manifestations et incarnations concrètes dans la société de son temps. En démontant ses multiples formes environnantes, il en dégageait des aspects essentiels, parfaitement reconnaissables à notre époque encore, dont le trait commun est l’incapacité d’analyser rationnellement la réalité et d’en tirer les conséquences.
Extraits d'un article de l'Humanité du 4 juillet 2002...
La fabrique du consentement
Malin, Chomsky, s’il remonte au début du XXe siècle et dissèque les effets de la propagande outre-Atlantique, c’est pour mieux mettre à l’index l’ensemble des " démocraties " occidentales. Il évoque donc la commission Creel qui, sous les auspices du président Wilson, eut pour mission, en 1916, de transformer un peuple pacifiste en une horde belliciste. Et ce grâce à une propagande dont les principes n’ont pas changé d’un iota : taire les arguments de l’opposition et jeter l’anathème sur l’ennemi idéal.
(...) Cette stratégie repose sur une conception foncièrement antidémocratique qui veut que, dans " l’intérêt du plus grand nombre " - en fait celui des élites - et du " bien commun " - accaparé par quelques-uns -, le pouvoir politique soit entre les mains d’un petit groupe. Paranoïa ? Hélas non : Walter Lippman, l’une des figures de proue du journalisme, dans la première moitié du XXe siècle, plaidait pour une " révolution dans l’art d’exercer la démocratie ", avec comme but la " fabrique du consentement ". Le peuple se voit taxé de " troupeau dérouté " réduit au rôle de " spectateur ". Qu’importe s’il se lobotomise devant le foot ou une sitcom, il faut tout faire pour éviter que les opposants se regroupent, que les non-dits s’entendent, que la population s’organise.
Des photographies de propagande nazie provoquent un malaise
LE MONDE | 11.04.08 | Extrait
La préférence de Zucca pour les beaux jours ensoleillés s'expliquerait techniquement : lentes, les pellicules auraient exigé une forte lumière. "Ce qui est impressionnant, c'est la prouesse technique du photographe", commente Jean Derens. Prouesse technique ou non, ces images peuvent vite devenir odieuses. Zucca est arrêté en octobre 1944. Son dossier classé, il se retire à Dreux et se fait photographe de mariages et de fêtes.
Par une coïncidence heureuse, l'artiste Christian Boltanski, né en 1944, présente au même moment à Paris sa pièce nommée Signal, inconnue en France. Il ne l'a exposée qu'une fois, à Mönchengladbach, en Allemagne, et l'a publiée en livre en 2004 à Berlin. Le principe est simple : Boltanski a choisi dans vingt numéros du bimensuel nazi des pages telles que le face-à-face de deux photographies mette en évidence la confusion des nouvelles et les mensonges officiels, par exemple David, de Michel-Ange, face aux tombes des soldats morts, le casque de fer bien en évidence. Pas de collage, pas de montage : rien que la juxtaposition des images telles que la mise en page de chaque numéro les proposait.
L'analyse que Boltanski obtient est d'une efficacité terrible. Signal a été montré pour la première fois en France à l'Ecole normale supérieure, à Paris, le 10 avril, le temps d'une soirée. Il faut souhaiter une présentation plus longue, car cette oeuvre à le pouvoir d'ouvrir les yeux.
Jacques Bouveresse
Satire & prophétie : les voix de Karl Kraus
Agone, 9/2007
Propagande, médias et démocratie
Propagande, médias et démocratie
Noam Chomsky, Robert W. McChesney
Echosociété, Q4 2004
Il a raison. Je veux dire par là qu'il faut en effet être dérangé pour admettre des truismes moraux élémentaires et pour décrire des réalités qu'il ne faut pas décrire. C'est probablement vrai.
Au Tibet, la Chine va présenter "sa" version des émeutes à la presse internationale
LEMONDE.FR avec AFP | 26.03.08
La Chine a annoncé, mardi 25 mars, qu'une dizaine de journalistes étrangers se rendraient, mercredi, à Lhassa pour un voyage de presse destiné à leur faire connaître "la vérité" sur les violentes émeutes des dernières semaines dans la capitale tibétaine. "Une dizaine de journalistes vont partir pour Lhassa mercredi, ils effectueront des visites dans les lieux touchés par les émeutes et pourront aussi interviewer les blessés", a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Qin Gang.
"Nous pensons que cela leur permettra de connaître la vérité sur les émeutes de Lhassa", a-t-il ajouté, sans fournir plus de détails. Les journalistes ont été désignés par le ministère qui encadrera leur voyage. Selon des sources journalistiques, le voyage de presse sera de trois jours. Parmi les médias choisis, selon des critères non précisés, figurent notamment les agences de presse américaine Associated Press et japonaise Kyodo, la télévision du Qatar Al-Jazira, le quotidien économique britannique Financial Times et le Wall Street Journal. Des médias de Hongkong et Taïwan seront également du voyage, selon ces mêmes sources.
La Chine, qui a interdit aux journalistes étrangers l'accès libre au Tibet et aux provinces voisines touchées par des manifestations, a critiqué la couverture de certains médias occidentaux, les accusant de déformer les faits.
« Plus efficace encore que les dictatures »
Le lavage de cerveaux en liberté
En une du Monde diplo d'août 2007 :
Rachats de grands journaux – le « Wall Street Journal » aux Etats-Unis, « Les Echos » en France – par des hommes fortunés habitués à plier la vérité au gré de leurs intérêts (lire aussi, dans ce numéro, « Prédateurs de presse et marchands d’influence », par Marie Bénilde), médiatisation outrancière de M. Nicolas Sarkozy, cannibalisation de l’information par les sports, la météo et les faits divers, le tout dans une débauche de publicités : la « communication » constitue l’instrument de gouvernement permanent des régimes démocratiques. Elle est, pour eux, ce que la propagande est aux dictatures. Dans un entretien accordé au journaliste de France Inter Daniel Mermet, l’intellectuel américain Noam Chomsky analyse ces mécanismes de domination et les replace dans leur contexte historique. Il rappelle, par exemple, que les régimes totalitaires se sont appuyés sur les ressorts de la communication publicitaire perfectionnés aux Etats-Unis au lendemain de la première guerre mondiale. Au-delà, il évoque les perspectives de transformation sociale dans le monde actuel, et ce à quoi pourrait ressembler l’utopie pour ceux qui, malgré la pédagogie de l’impuissance martelée par les médias, n’ont pas renoncé à changer le monde.