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Luc Tangorre, icône judiciaire des années 80, mis en examen pour « agression sexuelle »
Le Monde.fr | 13.08.2014 à 11h31 • Mis à jour le 13.08.2014 à 15h38 | Par Soren Seelow
Un encombrant fantôme surgi des années 1980 vient de refaire surface dans l’actualité judiciaire. Condamné pour viols et agressions sexuelles en 1983, partiellement gracié par François Mitterrand au terme d’une intense campagne médiatique, de nouveau condamné en 1992, Luc Tangorre n’avait plus fait parler de lui depuis sa sortie de prison en septembre 2000. Il a été mis en examen, mardi 12 août, pour agression sexuelle sur mineure de moins de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire.
C’est sur une aire de jeux du Grau-du-Roi (Gard) que ce violeur multirécidiviste de 55 ans a renoué avec son lourd passé judiciaire. Dimanche 10 août vers 16 h 30, il se serait « frotté » à plusieurs reprises à une petite fille de 12 ans qui jouait sur la plage près d’un château gonflable, selon la plainte déposée peu après les faits par les parents de la victime. A l’arrivée des gendarmes, le suspect, formellement reconnu par la fillette, a été interpellé sans opposer de résistance.
« LE VIOLEUR DES QUARTIERS SUD »
En garde à vue, Luc Tangorre a vigoureusement nié les faits, affirmant être victime d’un « complot ». Un terme qu’il utilisait déjà volontiers dans les années 1980, confortant l’aveuglement de nombreux intellectuels qui avaient pris la plume pour le défendre, convaincus d’assister à une erreur judiciaire.
Quand son nom surgit dans la presse en avril1981, Luc Tangorre est surnommé « le violeur des quartiers sud de Marseille ». Au cours des deux années précédentes, les services de police de la ville ont enregistré seize agressions sexuelles dans les 8e et 9e arrondissements. Interpellé par une patrouille en possession d’un couteau de cuisine, cet étudiant en éducation physique de 22 ans est identifié par plusieurs victimes. Différentes pièces à conviction seront retrouvées chez lui, dont deux armes décrites par des plaignantes.
« INNOCENCE RAYONNANTE »
Luc Tangorre clame son innocence et entame une grève de la faim. Ses proches ne croient pas à sa culpabilité. Un comité de soutien voit le jour. Malgré quelques failles dans la conduite de l’enquête (un alibi le soir de la dernière agression, l’organisation jugée orientée de la séance d’identification…), il est condamné le 24 mai 1983 à quinze ans de prison pour quatre viols, une tentative et six attentats à la pudeur commis entre1979 et 1981.
Habité par le « sentiment d’une innocence rayonnante », l’historien Pierre Vidal-Naquet, dont le frère est alors l’avocat de Tangorre, publie dans Le Monde du 28 décembre 1983 une tribune aux élans dreyfusards intitulée « Pour Luc Tangorre ». En 1984, il préface le livre d’une amie de la famille Tangorre, Gisèle Tichané, chercheuse au CNRS, titré Coupable à tout prix : l’affaire Luc Tangorre.
Le 25 janvier 1985, toujours dans Le Monde, il diffuse un manifeste (« Le viol est un crime, l’erreur judiciaire aussi ») signé notamment par l’éditeur Jérôme Lindon, le mathématicien Laurent Schwartz, le petit-fils du capitaine Dreyfus ou encore l’historien Jean-Pierre Vernant. De nombreux acteurs politiques, de gauche et même de droite (Dominique Baudis, Jean-Claude Gaudin et l'ancien ministre Alain Peyrefitte, éditorialiste au Figaro) se prononcent pour un procès en révision.
4 L VERT POMME
En février 1985, le garde des sceaux, Robert Badinter, dépose un pourvoi « dans l’intérêt de la loi et du condamné », convaincu que seul un nouveau procès pourra trancher le débat qui agite la France. Après le rejet de ce pourvoi par la Cour de cassation, la pression médiatique s’intensifie : Libération, Le Figaro, Le Monde se positionnent en faveur du condamné.
Une fois tous les recours épuisés, François Mitterrand accorde à Luc Tangorre une remise de peine de quatre ans en juillet 1987, ce qui lui vaut d’être libéré le 15 février 1988, en direct au journal de 20 heures. Marguerite Duras le reçoit chez elle, où l'accueillent les nombreuses personnalités qui ont oeuvré pour sa cause.
« PETITE GARCE »
Trois mois plus tard, Carroll et Jennifer, deux étudiantes américaines de 21 ans en visite dans le sud de la France, sont violées par un jeune homme qui les a prises en auto-stop dans le Gard. Elles décrivent une Renault 4 L vert pomme, dans laquelle elles ont aperçu une pile de livres dont le titre débute par un mot, « coupable », illustré du portrait d’un homme à moustache. La jaquette est rapidement associée à l’ouvrage de Gisèle Tichané, qui a récemment revendu sa 4L vert pomme aux parents de Luc Tangorre, désireux de l’offrir à leur fils.
Aucun de ces éléments, pas davantage que le témoignage des victimes, ne fera vaciller la foi de Marguerite Duras. Le 29 novembre 1990, elle écrit une lettre à Luc Tangorre, interpellé deux ans plus tôt, pour l'assurer de son soutien : « Je crois toujours que tu as été victime d'une petite garce qui veut ta défaite coûte que coûte. Si je me trompe aux yeux des gens friands de potins de cour d'assises, je m'en fiche. Tu resteras mon ami ».
« DÉNI DE LA RÉALITÉ »
Le 8 février 1992, Luc Tangorre est condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle. A la lecture du verdict, le jeune homme, qui n’a cessé de dénoncer une « manipulation », s’écrie : « Pas deux fois, pas deux fois! », avant de s’égarer dans un curieux lapsus : « La vérité a gagné une bataille, mais pas la guerre. »
Quelques jours plus tard, Pierre Vidal-Naquet s’excusera publiquement dans Le Monde en publiant une tribune intitulée : « Luc Tangorre et notre erreur ». « Sans mon action, et celle de tant d’autres Français qui m’ont accompagné, ces derniers viols n’auraient pas eu lieu », écrit-il. Il ajoute toutefois que le condamné, dont la « folie propre » consiste en « un formidable déni de la réalité », aurait mérité un véritable examen psychiatrique.
Les conclusions de l’expertise psychiatrique demandée par le parquet n’ont, mardi, donné « aucun résultat significatif », selon la procureure de la République de Nîmes, Laure Beccuau. Luc Tangorre encourt sept ans de prison.
Pierre Vidal-Naquet : « Luc Tangorre et notre erreur »
La réponse de deux magistrats nîmois à Pierre Vidal-Naquet
Archives
COURRIER
A propos du procès de Luc Tangorre
La réponse de deux magistrats nîmois à Pierre Vidal-Naquet
LE MONDE | 06.03.1992 à 00h00
Le Monde du 15 février a publié un article de M. Pierre Vidal-Naquet, intitulé " Luc Tangorre et notre erreur ", dans lequel cet historien analyse le procès qui s'est déroulé à la cour d'assises du Gard du 3 au 8 février 1992 et qui s'est terminé par la condamnation de Luc Tangorre à dix-huit années de réclusion criminelle pour deux viols commis en état de récidive légale.
M. Vidal-Naquet, qui n'a pas assisté aux débats, n'hésite pas à porter un jugement définitif sur le comportement du président de cette cour d'assises, qu'il accuse d'une " incroyable partialité ".
Pour être recevable, une accusation de cette gravité devrait s'appuyer sur des faits précis particulièrement probants. Or le défaut de pertinence des éléments retenus par M. Vidal-Naquet révèle qu'il a été mal informé tant du déroulement des débats que du... La suite, aux archives du Monde
2 commentaires
:-) @Romain__V @27point7 A la maison, de mémoire, ou de réserve. A chacun ses devoirs! pic.twitter.com/KEAG9f4LUU
— Bruno Kant (@bkant) 24 Octobre 2014
"Dans un commissariat parisien, elle est éconduite : «Ils ne m’ont pas du tout prise au sérieux. Ils m’ont dit que c’était quelqu’un de haut placé et qu’on ne pouvait pas porter plainte comme ça.» @prefpolice https://t.co/dHrEUPXxxQ
— Bruno Kant (@bkant) November 7, 2019