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Quelques mots sur « enfants en souffrance », le livre
Le documentaire de Riguet et Laine a été diffusé en septembre dernier, sur France 5, puis un livre paraissait, chez Fayard, au même titre : « enfants en souffrance... la honte ! ». « Le livre noir de la protection de l'enfance ». En regardant le documentaire, j'avais perçu une assez bonne charge contre « l'ASE ». Mais au cours du plateau #LMEF qui a suivi cette diffusion, j'ai plus perçu une campagne, une communication très engagée en faveur de l'adoption...
Le livre de Riguet et Laine que je me suis évidemment procuré a très vite renforcé mon sentiment ; pour le moment, je n'ai survolé qu'un seul chapitre... qui relate une affaire et un dénouement que je connaissais assez bien. A lires ces deux auteurs, le « placement abusif » n'existerait pas, il ne s'agirait donc aussi que d'un mythe, ce que serait également la loi du « silence ». Ces auteurs ont-ils manqué de temps, ont-ils été si mal renseigné ou documentés ? Ou ont-ils simplement manqué de courage, d'audace ? En publiant que les abus de « l'ASE » n'existeraient pas ou seraient si rares, tout à fait exceptionnels, Riguet et Laine n'ont finalement fait qu'en ajouter là où ils prétendaient dénoncer un milieu, toutes ses dérives, et même une « omerta ». Par le passé, des magistrats de la famille de de l'enfance, l'AFMJF, avait déjà réagit de façon assez similaire à des déclarations de ATD Quart Monde : le « placement abusif » n'existe pas ! En 15 à 20 ans, personne n'a donc pu trouver un seul dossier d'un enfant arraché à tord à sa famille
Paul Arcand avait osé nous en faire rire, vers 2005, avec son documentaire « Voleurs d'enfances ». Cet autre documentaire était sur la DPJ, une proche cousine de « l'ASE », qui affiche également des performances rares dans les tribunaux :
Voleurs d'enfance par bkant
Riguet et Laine auraient du chercher mieux. Ils auraient fini par trouver des dossiers d'enfants ou de fratries qui auraient pu ne pas être « placés » si la loi de mars 2007 était déjà mieux appliquée, des dossiers ou histoires d'enfants qui auraient pu bénéficier de prises en charge alternatives au « placement » en foyers, réputés pathogènes, ou en familles d'accueil, parfois pas meilleures ? D'un avis au JORF n°0176 du 31 juillet 2013, ou de ce que j'avais remis à Maître Eolas, fin décembre 2013, dans l'auditorium du Conseil National des Barreaux :
« 1. En France, environ 273 000 mineurs sont pris en charge par les services de protection de l'enfance des conseils généraux et, parmi eux, environ 134 000 sont placés hors de leur milieu familial, en famille d'accueil ou en établissement, à la suite de décisions administratives ou judiciaires (1). Ces chiffres sont en augmentation depuis plusieurs années (2) et le nombre de mineurs placés en France est, en proportion, supérieur à celui de nombreux autres pays européens (3).
...
4. Pour autant, six ans après l'adoption de la loi du 5 mars 2007, la CNCDH constate que les principaux objectifs visés par la réforme n'ont toujours pas été atteints. Ainsi, si la prévention était le maître mot de la loi, depuis 2005, moins de 20 % des financements de l'aide sociale à l'enfance sont consacrés à des programmes de prévention (5). Les moyens consentis à la diversification des réponses et des modes d'accompagnement (AEMO avec hébergement, accueil à la journée, accueil périodique ou modulable, etc.) ― qui constituait un point clé de la réforme ― restent relatifs et très inégalement répartis sur le territoire national (6). Le placement et l'action éducative en milieu ouvert (AEMO) restent les modalités de prise en charge privilégiées, comme en témoigne la grande stabilité des chiffres depuis plusieurs années (7). Alors que la loi rend obligatoire...
...
5. Les auditions des différents acteurs de la protection de l'enfance ont mis en évidence des distorsions entre les textes et la pratique et le manque de mise en œuvre des recommandations des organes internationaux, notamment les directives des Nations unies du 30 octobre 2009 concernant les modes non traditionnels de prise en charge des enfants et la recommandation du 16 mars 2005 du Conseil de l'Europe relative aux droits des enfants vivant en institution. La CNCDH constate que plusieurs recommandations formulées en 2001 n'ont pas été retenues et restent pourtant d'actualité.
... »
Il y a déjà plein de « places », probablement près ou plus de 150 000 (foyers, maisons plus spécialisées, familles d'accueil, tiers dignes de confiance, ...), et alors que depuis mars 2007, nous devrions parler d'avantage de « diversification des réponses et des modes d'accompagnement », des personnalités politiques n'ont pas trouvé mieux à faire que de poser encore des pierres pour de nouvelles « places » :
@Just1M0t La protection de l'enfance ne rapporterait pas de voix? Tu plaisantes? :-) pic.twitter.com/KrdsB4WOGH
— Bruno Kant (@bkant) 4 Octobre 2014
Il aurait fallu être courageux pour s'emparer d'une affaire, d'un dossier, pour l'approfondir, puis pour oser étriller un département ou la justice, critiquer des professionnels de la Dass, critiquer l'un de ces nombreux « placements », et le qualifier « d'abusif ». Courageux, car pour trois phrases mal tournées, des auteurs et un éditeur étaient susceptibles d'être poursuivis au motif de diffamation. Pour « Arthur et Marie », j'avais bien pris position, contre un juge pour enfant, ainsi que contre une « psy », et car il n'était pas souhaitable que ces enfants soient « placés » ; par contre et contrairement à d'autres soutiens de ces deux enfants, j'avais préféré rester prudent sur le différend qui opposaient leurs parents, ou sur ce que disait la mère et ces enfants du père. Sur ce différend, Riguet et Laine semblent avoir repris à la lettre les discours de la mère et de « Arthur et Marie » ; je suppose que ces auteurs ont présenté leur prose au père de ces enfants avant qu'elle ne soit publiée, qu'il a pu formuler des remarques, ou qu'ils en assumeront les éventuelles conséquences... Aller sur ces terrains reprendre mot pour mot ce que disait cette mère était un risque que je ne souhaitais pas prendre, j'en prenais déjà bien assez en publiant moi-même sur cette affaire, pour railler des « professionnels » de la Dass, dont un charlatan, Claire Davidson - « pédo-psychanalyste », reprendra le milieu, dont Hervé Hamon !
Manque de courage, ou faute d'audace, faute de temps, Riguet et Laine auraient du s'abstenir de nous pondre un chapitre sur les « placements abusifs » ? Sur ce thème, les auteurs ne nous ont rien livré de très nouveau. Ils se sont laissés porter par les courants, comme des poissons morts, comme des journalistes, de ceux qui tourbillonnent emportés par le flot des faits divers ou par les cris du peuple - ici, les cris du peuple seraient plutôt ceux du milieu, « l'ASE », qui nous assure que tous ces « placements » étaient ou sont toujours tous parfaitement motivés.
Rien d'autre que l'histoire de « Arthur et Marie » n'a donc pu emporter la conviction de Riguet et Laine. J'aurais pu leur parler du « sauvetage » de ma fille ainée et de multiples abus, de dérives et de couacs, d'un « placement » pour le bien être de quelques uns, puis d'une prorogation de « placement » pour que ne soient surtout jamais remis en cause le travail fabuleux de quelques « professionnels » du milieu. J'aurais également pu leurs parler de ma cadette, que le milieu a un moment envisagé de faire « placer » aussi, ce qui était déjà un abus ; ma cadette n'a jamais été « placée », ni d'ailleurs « suivie », d'aucune façon - bien heureusement. Mais mes « difficultés familiales ou personnelles » n'ont jamais intéressées grand monde, probablement car réfléchir un instant, parcourir des pages et des pages d'un épais dossier et de plusieurs procédures, le tout étalé sur plus de 10 à 15 ans, c'est trop coûteux, épuisant
L'affaire « Sébastien » ou les combats de Mireille Millet auraient pu faire réfléchir Riguet et Laine ; récemment, le ministère public a crée lui-même les conditions pour qu'une telle affaire puisse un jour se produire à nouveau. Le cas de Basile et de Leila aurait pu faire réfléchir aussi : mère gravement dépressive, enfants placés en urgence alors que la mère, vacillante, venait d'ouvrir sa porte, puis quelques jours plus tard, les deux enfants, un bébé et un petit, restitués à leurs parents. Le cas de Valérie Dubois aurait également pu faire réfléchir ; hormi un point rencontre, plus de droits sur ses enfants, avec, à la genèse de ces « difficultés personnelles », faux et usage de faux assortit d'un internement de la mère, saine d'esprit, en psychiatrie ! L'histoire de Valérie Dubois aurait même pu faire réfléchir quelques soutiens de « Arthur et Marie », la plupart du temps, cette mère est « seule contre tous ». L'affaire dite d'Outreau et quelques enfants « placés » simplement par précaution, pas ceux des Lavier, mais ceux de voisins, « placés par mesure de salubrité », aurait également pu faire réfléchir... mais Outreau, il ne faut plus en reparler, ça a déjà suffisamment traumatisé le milieu et la justice plus largement. Je pourrais encore parler ou reparler de beaucoup d'autres histoires, mais je crois que ça n'intéresserait pas non plus nos journalistes, ils auraient réagit, depuis toutes ces années.
Que sont devenus les enfants d'Outreau ? par LeNouvelObservateur
Rien d'autre qu'une histoire, celle de « Arthur et Marie », n'a donc pu emporter la conviction de Riguet et Laine. Mais pour avoir entendu et lu absolument de tout, j'imagine aisément ce qui leurs a été présenté d'autre. Dans les courants associatifs et militants, j'ai fréquemment repéré quelques illuminés susceptibles de qualifier tout placement « d'abusif » ; dans ces courants et milieux là, ceux qui protestent contre « l'ASE », je n'ai par ailleurs jamais repéré le moindre intellectuel digne de ce nom, bien au contraire ; ce qui ne veut pas dire que ces dossiers ou affaires ne mériteraient pas parfois aussi un peu d'attention, notamment de la part de journalistes audacieux. Ce n'est pas parce que des parents n'ont pas les capacités, les compétences et les moyens financiers de se défendre que ce qu'ils racontent ou que ce dont ils disposent entre leurs mains, des correspondances, des jugements, serait moins intéressant.
Dans le livre de Riguet et Laine, nous apprenons que « en dix ans de bataille », la mère de « Arthur et Marie » a déboursé « 658 000 euros au total », dont « 137 000 de procédure », « 59 100 de frais médicaux ; 42 000 de frais de transports ; 100 000 de convocations et autres babioles ». Vers 2004, j'ai connu une situation, des parents qui se sont imaginées qu'avec toutes leurs économies, pour un excellent avocat, leur affaire allait être très vite réglée ; pour la première audience, ces parents avaient lâché leur unique cartouche, environ 1 000 euros ; ils ont été déçus. Riguet et Laine exposent également qu'en plus des moyens de leur mère ou de leur famille maternelle, « Arthur et Marie » avaient aussi bénéficié de nombreux soutiens ; j'ai le sentiment qu'avec ce dont les familles concernées ne disposent déjà que très rarement, un dossier suffisamment solide, quelques bonnes cartes au moins, et des moyens, d'assez substantiels, des soutiens en plus, efficaces, peuvent être nécessaires à faire pencher une balance...
Page 243 du livre de Riguet et Laine, en conclusion du chapitre 9, je remarque l'histoire de la fausse experte. On peut évidemment penser au cas de « Arthur et Valentine », l'histoire relatée dans ce « livre noir ». Cet encart peut aussi faire penser aux cas de Valérie Dubois et de Martial Corlouer - il me parait inutile de reparler encore de mes « difficultés personnelles ». A l'époque, en 2009, l'institution judiciaire, cynique à souhait, avait expliqué que toutes les personnes touchées par cette « fausse psychologue » avaient pu user de voies de recours :
En lisant Riguet et Laine, leur chapitre 9, je pense avoir perçu surtout que ces auteurs ignorent beaucoup du droit et principalement des moeurs ou usages qui peuvent sévir dans les tribunaux. Bref, leur bouquin, ce chapitre 9, me déçoit, et lire ou même simplement survoler le reste me fatiguerait probablement autant... J'ai pris la peine de tourner encore quelques pages, des lectures qui m'ont fait repenser à la prose extrême de Maurice berger. Ce dernier aurait pu préfacer l'ouvrage de Riguet et Laine, un ultime « livre noir » qui n'aurait alors pas trop dépareillédans les étagères de Dunod. La page 262 renforce encore mon sentiment, la soirée #LMEF et ce bouquin, malgré tout de bonnes charges contre « l'ASE », n'étaient en réalité pas grand chose de plus qu'une communication assez parcellaire, radicale ou partiale en faveur de l'adoption.
#ASE #éducspé
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— Bruno Kant (@bkant) 4 Octobre 2014
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— Bruno Kant (@bkant) 15 Octobre 2014