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L’OSE en question : piques et polémiques
Quelle est donc la politique de l’OSE? Selon un rabbin, qui a préféré taire son identité, «l’organisme a une politique purement laïque. Elle ne prend pas en compte la dimension identitaire et religieuse des enfants car il n’y a pas de volonté de donner une tonalité plus juive à leur système». Selon lui, «les dirigeants actuels de l’association ont une vision surannée de l’OSE». Celle de l’OSE d’il y a cinquante ans… «Ils ont fait de grandes choses pendant la guerre et nous devons beaucoup les remercier, mais le passé ne justifie pas les actes du présent.»
Françoise Atlan, de Sos Nechama, monte au créneau. «Cela fait trente ans que l’on perd des enfants!»
L’OSE en question : piques et polémiques
Tribune Juive n° 9
L’Oeuvre de Secours aux Enfants est chargée du placement des enfants juifs. Ils sont de plus en plus nombreux à être hébergés au sein de familles non-juives. Et malgré l’obligation qui leur est faite de respecter la religion de l’enfant, peu le font. Les familles et les associations s’inquiètent.
Keren, onze mois, hurle d’impatience en voyant sa famille arriver. Depuis deux jours, elle ne l’a pas vue. Pour Sonia Flah, sa mère, ce sera la dernière visite de la semaine. Scène douloureuse mais assez banale dans cette pouponnière du 10e arrondissement de Paris, où la petite fille a été placée par la justice. Quelques moments de tendresse, une puéricultrice ouvre la porte et fait signe à la mère que son temps de visite est écoulé. Sonia repartira seule. Une situation qui dure depuis presque un an, depuis la prise charge de son enfant par un organisme de l’État. La famille Flah se bat pour récupérer sa fille et a bien du mal à comprendre les raisons de son placement. «Vous savez quand la machine administrative s’emballe… », déclare-t-elle, désabusée. Maigre consolation pour cette maman. Mais ce que redoute aujourd’hui Sonia Flah, c’est que sa fille soit placée dans une famille d’accueil. «Je sais que beaucoup d’enfants juifs sont placés dans des familles non-juives par l’OSE. Mais pour Keren c’est hors de question, ce serait la perdre une deuxième fois.»
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« Pénurie » de familles juives
Ce que redoute Sonia, des dizaines de familles juives le vivent depuis des années. Régulièrement, des enfants juifs dont les parents ne peuvent plus s’occuper, sont remis par les juges à l’Œuvre de secours aux enfants (OSE). Reconnu par l’État, l’organisme se charge d’accueillir ces enfants dans des foyers ou bien de les placer chez des familles. «C’est normal, répond Jean Kahn, le président du Consistoire central de France, l’OSE est un organisme juif. C’est un peu la vitrine de la communauté pour les services de l’État.» Seulement, depuis trente ans, la célèbre institution confie de nombreux enfants juifs à des familles non-juives, des familles catholiques, musulmanes ou laïques. Faute, diton à l’OSE, d’un nombre suffisant de familles d’accueil volontaires au sein de la communauté juive. Pour répondre à cette «pénurie», en 2000, Jean Kahn a créé l’association Sos Nechama (« âme » en hébreu). Orchestrée par le Consistoire, une campagne de recrutement a été lancée pour mobiliser des familles juives. Une centaine a répondu à l’appel, une trentaine a obtenu l’agrément de la DASS, mais aucune n’a trouvé un écho favorable auprès de l’OSE. C’est le cas de la famille Zana, qui habite Créteil. Une fois l’agrément de la DASS en poche, Marcelle Zana a postulé auprès de l’OSE. «Mais ils m’ont répondu que l’agrément de la DASS ne leur suffisait pas, et que de toute façon, il n’y avait pas d’enfants juifs à placer.» De son côté, l’OSE affirme pourtant ne pas avoir assez de familles juives… Elles sont surtout jugées «trop orthodoxes », selon un des dirigeants. Il faut savoir d’autre part que l’accueil d’enfants représente aussi un revenu pour la famille d’accueil. Elle touche en moyenne 1200 € par mois, et l’OSE perçoit 2500 € de l’État pour chaque enfant placé. Marcelle Zana, à qui d’autres organismes agréés par la DASS ont confié des enfants non-juifs, ne comprend toujours pas l’attitude de l’OSE. Elle s’interroge. «L’organisation a-t-elle, oui ou non, la volonté d’intégrer ces enfants dans des familles juives?» Aujourd’hui, il est difficile de recenser le nombre d’enfants juifs placés dans des familles non-juives. «Une omerta pèse sur les chiffres de l’OSE. Ils se cachent derrière le secret professionnel», confie Françoise Atlan, vice-présidente de Sos Nechama.
«Les critiques ignorent la réalité»
Quand on demande au vice-président de l’OSE, Lucien Moatti, si l’Œuvre prospecte auprès de la communauté juive ou les médias pour trouver des familles, il répond que l’OSE n’a pas à faire de publicité. À l’OSE, «on préfère le bouche à oreille et les relations dans la communauté» pour trouver les perles rares. Pour eux, l’essentiel «est que les familles d’accueil soient volontaires, capables d’apporter l’amour et l’éducation», même s’il s’agit de familles non-juives. «Il nous arrive de recevoir des critiques sur ce point, concède Lucien Moatti. Mais pour nous, elles témoignent d’une telle ignorance de la situation réelle que nous préférons laisser dire.» Pourtant, depuis des années, l’OSE se targue aussi de préserver l’identité juive des enfants. Dans ses lettres d’information, Lucien Moatti répète que «l’OSE se doit de transmettre une éducation juive et ses traditions aux enfants. Nous avons même un conseiller rabbinique au Placement Familial. C’est lui qui étudie les cas». Il s’agit en effet de Haïm Korsia, conseiller du grand rabbin de France au Consistoire, dont le président n’est autre que Jean Kahn, lequel défend le droit des enfants à être placés dans des familles juives. Quelle est donc la politique de l’OSE? Selon un rabbin, qui a préféré taire son identité, «l’organisme a une politique purement laïque. Elle ne prend pas en compte la dimension identitaire et religieuse des enfants car il n’y a pas de volonté de donner une tonalité plus juive à leur système». Selon lui, «les dirigeants actuels de l’association ont une vision surannée de l’OSE». Celle de l’OSE d’il y a cinquante ans… «Ils ont fait de grandes choses pendant la guerre et nous devons beaucoup les remercier, mais le passé ne justifie pas les actes du présent.» Françoise Atlan, de Sos Nechama, monte au créneau. «Cela fait trente ans que l’on perd des enfants!» Aujourd’hui, elle voit dans l’attitude de l’OSE «un véritable abus de confiance». Vis-à-vis du juge pour enfants et de la communauté juive. «L’OSE joue sur la fibre juive mais ne fait rien pour pérenniser l’identité religieuse des enfants. Leurs foyers pour enfants ne sont même pas cachers.»
Les enfants en rupture identitaire
Spécialisée dans le droit de la famille, Laurence Amouyal Kouhana est avocate au barreau de Paris. Elle travaille avec l’association Sos Nechama pour accompagner les parents dans leurs démarches face aux services sociaux. Exemples à l’appui, elle affirme que «les enfants placés dans des familles non juives sont en véritable rupture identitaire : ils ne savent plus qui ils sont vraiment, ils perdent leurs repères. Surtout si la famille d’accueil a une religion qu’elle pratique». Pour elle, « un enfant placé a besoin de recréer un environnement qui lui est familier et la religion a une part importante ». En effet, lorsqu’il est accueilli, l’enfant a, selon son âge et selon son histoire, déjà commencé la construction de sa personnalité. Il est influencé par la culture de sa famille d’origine. Le président du Consistoire central, Jean Kahn, s’inquiète lui aussi. «Il y a un réel danger pour la communauté. Un enfant qui a été très tôt dans une famille non-juive a moins de chance de pérenniser son lien communautaire.» Ces enfants perdent peu à peu leurs racines dans ces familles d’accueil. S’estompe ainsi toute trace de leur judéité. «C’est une triste réalité et une évidence», mais pas pour le vice-président de l’OSE, Lucien Moatti qui considère que « les enfants élevés dans ces familles ne sont pas plus exposés à l’assimilation que les autres ». La question se pose alors de la compatibilité entre les «deux familles» de l’enfant. Comment tout à la fois respecter la culture et la religion de l’enfant accueilli et permettre son intégration dans une famille d’accueil ? Le placement familial pose aussi des problèmes pour les autres communautés, chrétienne et musulmane. «C’est très difficile, que la famille d’accueil ait une religion ou non», reconnaît Catherine Gadot, catholique fervente, qui s’est vu retirer sa fille Angélique à l’âge de 10 mois. « Ma fille a été placée dans une famille musulmane. Mais nous n’avons ni les mêmes croyances, ni les mêmes pratiques, ni le même mode de vie. Je n’ai pas pu transmettre mes croyances à ma fille alors que j’en avais parfaitement le droit. » Aujourd’hui, Catherine est présidente de l’association Le Fil d’Ariane qui se bat justement pour les droits des parents. Elle pointe du doigt les dysfonctionnements du placement familial en France qui met trop souvent les parents à l’écart de l’éducation de leurs enfants. «D’après le Code civil et le Code de la famille, nous gardons pleine autorité sur nos enfants quand ils sont placés. Je n’ai rien contre le placement en soi. Je mène une lutte, avant tout, contre le manque d’écoute, contre le mépris dont sont victimes les parents d’enfants placés. Quand on m’a retiré ma fille, l’affaire a été entendue en une demi-heure. Je ne la voyais que le week-end, le reste du temps, personne ne me tenait au courant de son quotidien. J’ai mis dix ans pour me reconstruire. Ce que je veux dénoncer, c’est l’emballement des procédures.
Le signalement peut se faire par n’importe qui et les services sociaux s’alarment un peu vite.» Quant à la famille d’accueil, elle doit respecter le passé de l’enfant, mais aussi sa liberté de pensée et de religion. Un droit trop souvent bafoué selon maître Kouhana. «La réalité sur le terrain est différente et certaines familles d’accueil entravent la nécessaire liberté religieuse. » Sylvie, placée dès l’âge de 8 ans avec sa sœur, reste ainsi très marquée par sa vie dans cette deuxième famille. Elle parle d’une enfance brisée par de mauvais traitements. «Ils nous traitaient de sales juives et nous battaient. Aujourd’hui, je veux témoigner pour éviter que cela se reproduise.» De son côté, Sos Nechama souhaiterait aujourd’hui obtenir l’agrément de l’État afin de pouvoir choisir des familles d’accueil juives et y placer elle-même des enfants. Devenir, en quelque sorte, un substitut de l’OSE. L’association a donc fait sa demande auprès du ministère de la Justice. Une demande qui est restée lettre morte à ce jour. Tout pourrait quand même s’arranger pour les familles. «Nous avons le cas d’un enfant placé, mais cette fois dans une famille juive», précise maître Kouhana. Il a suffi d’une simple précision sur l’ordonnance du juge pour que l’enfant soit dans cette famille. «Il faut que cela devienne un automatisme», afin que la famille d’accueil devienne le prolongement de la famille d’origine.
Communiqué de l'OSE France du 12/03/2008
A lire : les souvenirs du Dr Gaston Lévy, médecin d'enfants à l'OSE,
dans la collection "Témoignages de la Shoah"
32è opus de la collection « Témoignages de la Shoah » - qui existe par la volonté conjuguée de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de l’OSE et des éditions Le Manuscrit - Souvenirs d’un médecin d’enfants à l’OSE en France occupée et en Suisse 1940-1945 est le récit extraordinaire du Dr Gaston Lévy, pédiatre, qui a consacré sa vie à soulager les souffrances des innocents et à défendre,en tant que praticien et résistant, celles des enfants juifs, pendant les années noires.
Nommé, dès 1941, inspecteur médical des homes d’enfants de l’OSE et directeur de la pouponnière de Limoges, le Dr Lévy contribue à rationaliser et à améliorer l’hygiène dans les maisons d’enfants mais aussi la nutrition, élément crucial du développement de ces petits déjà séparés de leurs parents, si ce n’est orphelins.
A partir de 1942, le Dr Lévy supervise la mise en place dans l’Indre d’un centre clandestin de placement d’enfants dans des familles d’accueil.
Avec Souvenirs d’un médecin d’enfants à l’OSE, le Dr Gaston Lévy laisse la trace d’un itinéraire aussi héroïque qu’impensable pour qui n’aura pas lu son témoignage, celui d’un « parfait honnête homme ».
L’OSE est fière, à travers cet ouvrage, de rendre hommage à un des grands acteurs du sauvetage des enfants pendant la guerre.
Livre disponible au service Archives et Histoire de l’OSE et sur www.manuscrit.com.