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Ni père, ni mère
L'infériorité de stature
Lorsque la malformation transparaît dans les archives, il est toujours difficile de déterminer si, congénitale, elle a hâté l'abandon de l'enfant par ses parents, ou si les circonstances de l'abandon et les mauvaises conditions de placement l'ont crée de toute pièce. Sous la Troisième République, les enfants en dépôt ont la croissance la plus complète : 6 % seulement sont peu développés ou affligés d'une malformation. A l'inverse, les trouvés ont énormément pâti de leur condition d'abandon : un tier grandit de manière anormale.
... En revance, les troubles de la croissance sont très fréquents chez les pupilles. ... 30 % des pensions sont accordées pour insuffisance de croissance (rachitisme ou faiblesse de constitution). En 1907, l'agence de Varzy (Nièvre) alloue cinquante-cinq pensions extraordinaires, dont trente et une (soit 56%) pour développement insuffisant. Tout au long de la période, on rencontre de nombreux cas de pupilles malingres. En 1891, un garçon de neuf ans est « petit pour son âge et chétif ».
Ni père ni mère, p. 158-159
Histoire des enfants
de l'assistance publique
(1874-1939)
Ivan Jablonka, chez Seuil
Page 52
Page 53
Le monde disparu des pupilles
Le Monde, édition du 23.03.06
Par Anne Chemin, extrait
Ivan Jablonka, auteur d'une étude sur un pupille devenu célèbre, Jean Genet (Le Monde du 21 janvier 2005), suit pas à pas ces milliers d'enfants que l'Assistance publique voulait, au nom de la réhabilitation de l'individu, arracher à la pestilence de la grande ville pour les confier à des familles habitant à la campagne. Placés dans des fermes, souvent exposés au froid, à la maladie et à la honte, les petits portaient, jusqu'à 6 ans, un cordon de soie et une médaille sur laquelle était gravé leur numéro d'immatriculation. A 13 ans, ils étaient « gagés » comme ouvriers agricoles ou domestiques, subissant souvent injures et humiliations. « De 1874 à 1939, l'ascension sociale des pupilles a été considérée comme une tâche très mineure, derrière les missions augustes - le combat hygiéniste, l'instruction élémentaire, la greffe territoriale et le renflouement de l'agriculture », note l'historien.
Ivan Jablonka ne se contente pas de retracer l'histoire d'une institution et de ses ambitions républicaines. S'appuyant sur le dépouillement de plus de 400 dossiers, il raconte, en citant des centaines de lettres et de rapports, le quotidien de ces enfants abandonnés : une pupille de 2 ans déplacée parce que sa literie n'a pas été aérée depuis six mois, un garçon de 17 ans qui menace, en 1919, de ne plus aller travailler car il lui est impossible « d'aller tout nu et sans chaussures », mais aussi un pupille de 16 ans séparé de ses parents nourriciers qui leur écrit en 1918 : « J'aime mieux qu'on me flanque une balle dans la peau que de me laisser vivre dans un pareil chagrin séparé de vous. »
L'Humanité, 26 juin 2004
Sébastien, kidnappé par la justice
Après avoir vécu huit ans avec ses grands-parents, Sébastien, quatorze ans, a été placé de force chez son père. Depuis, il menace de se suicider pour retrouver enfin sa " Mémé Mireille ".