« N° de pourvoi : 05-17883 | Qu'est-ce qu'un procédurier ? » |
« En justice, ne trompe pas qui peut ! », selon Guy Canivet
Séance de rentrée de
l’Ecole de formation du barreau de Paris
le 3 janvier 2007, sur le site de la cour de cassation
Guy Canivet
Premier président de la Cour de cassation
(...) Aux uns comme aux autres, on dira ce qui se fait et s’évite ; aux uns comme aux autres, on apprendra les « convenances » de leur métier. C’est précisément le sens étymologique de la déontologie, « connaître ce qui est convenable ».
(...) Par exemple, pour l’un comme pour l’autre, on cite l’indépendance. Certes, l’indépendance de l’avocat n’est pas la même que celle du magistrat, mais elle vise à la même chose : la crédibilité. C’est parce que l’avocat est indépendant de toute subordination qu’il est écouté dans ce qu’il défend, c’est parce que le jugement ne répond à aucune instruction, à aucune influence, à aucune complaisance qu’il fait autorité dans ce qu’il décide.
(...) Tous ces principes éthiques : honneur, probité, dignité, visent en réalité, à travers le comportement de ceux qui la servent, à protéger le crédit de la justice. Rien dans le comportement des uns et des autres ne doit porter atteinte à l’institution à laquelle ils participent selon des modalités différentes. Dans une audience, c’est, indistinctement, le comportement des uns et des autres qui fait la qualité du débat, qui donne l’impression d’une justice sereine.
(...) La loyauté est aussi un devoir de l’avocat comme du magistrat. On ne trompe, par des manœuvres ou mensonges, ni son client ni son adversaire lorsque l’on est avocat, on ne tend aucun piège au justiciable lorsque l’on est juge… même juge d’instruction, on transcrit dans le dossier tout ce que l’on fait, tout ce que l’on sait, on ne dissimule rien, on ne ment ni par action, ni par omission… En justice, ne trompe pas qui peut !
(...) Il y aurait encore l’humanité. Regarder celui qui réclame justice ni comme un bénéficiaire de prestation, un pur agent économique, ni comme un importun, ni comme un ennemi, ni comme un menteur, mais comme un homme dans une situation difficile qui se défend ou revendique son droit.
Calliclès : Cet homme-là ne cessera pas de dire des pauvretés. Socrate, réponds-moi : n'as-tu pas honte, à ton âge, d'éplucher ainsi les mots, et de croire que tu as cause gagnée lorsqu'on s'est mépris sur une expression ? Penses-tu que par les plus puissants j'entende autre chose que les meilleurs ? Ne te dis-je pas depuis longtemps que je prends ces termes de meilleur et de plus puissant dans la même acception ? T'imagines-tu que ma pensée est qu'on doit tenir pour des lois ce qui aura été arrêté dans une assemblée composée d'un ramas d'esclaves et de gens de toute espèce, qui n'ont d'autre mérite peut-être que la force du corps ?
Platon,
Gorgias ou De la Rhétorique
Les propos ne sont pas contradictoires : ce que disent les avocats ou les acquittés ne fait l'objet d'aucune vérification. Par exemple, il est reproché avec véhémence au juge Burgaud, lors de son audition, de n'avoir pas prononcé de non-lieu pour un jeune handicapé. Sous la pression de la médiatisation et ne pouvant s'appuyer sur une référence précise au dossier, il oublie de préciser qu'il ne l'a en réalité jamais mis en examen ! Et ses avocats ne peuvent intervenir... Avec la méthode et le dispositif qui la soutient, disparaissent aussi les garanties.
Antoine Garapon et Denis Salas,
Les Nouvelles Sorcières de Salem, seuil, octobre 2006, p79-80