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Le double meurtre de Montigny-les-Metz
STRASBOURG (Reuters), août 2007 - La mère de l'un des deux enfants dont le meurtre avait été imputé à Patrick Dils puis à Francis Heaulme a décidé d'assigner l'Etat pour "fonctionnement défectueux du service de la justice" consécutif à "une faute lourde" et à "un déni de justice".
L'audience se tiendra le 4 septembre devant la première chambre civile du tribunal de grande instance de Nancy, a-t-on appris auprès l'avocate de la mère de Cyril Beining qui réclame 300.000 euros en réparation du dommage subi.
Me Boh-Petit estime que l'enquête menée après le double meurtre est entachée de nombreuses lacunes et négligences, notamment sur la pose des scellés et la recherche de traces d'ADN.
"On s'est contenté des aveux d'un gamin (Patrick Dils), point barre. Et on a vu ce que ça a donné puisque 15 ans plus tard, il a été acquitté", a-t-elle déclaré à Reuters.
Cyril Beining et Alexandre Beckrich, tous deux âgés de huit ans, avaient été tués à coups de pierre alors qu'ils jouaient près d'une voie ferrée en 1986 à Montigny-les-Metz (Moselle), .
Patrick Dils, âgé de 16 ans à l'époque des faits, a été condamné à la réclusion à perpétuité pour ces deux crimes avant d'être innocenté en 2002, après 15 ans de prison, lors de l'appel de son procès en révision, devant la cour d'assises du Rhône.
Ce nouveau verdict s'appuyait sur les soupçons pesant sur le tueur en série Francis Heaulme.
Mis en examen en 2006 dans le cadre d'une nouvelle information judiciaire ouverte à Metz, il pourrait bénéficier d'un non-lieu si le parquet suit les conclusions du juge d'instruction.
Les psychiatres sont incapables de répondre à l'énigme Patrick Dils
Le Monde, édition du 20.04.02, extrait
Lorsque les premiers experts psychiatres ont rencontré Patrick Dils, deux semaines seulement après son arrestation et sept mois après le double meurtre de Montigny-lès-Metz, ceux-ci, semble-t-il, n'ont pas douté. A cette date, l'ex-apprenti cuisinier de presque 17 ans leur répétait ses aveux en ajoutant : « Je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit. Il fallait que ça arrive. » Ou encore : « Je suis soulagé. Mais je vais faire souffrir les parents des victimes et mes parents. » Les faux aveux existent, expliquent les experts, mais réitérés devant eux, c'est une interrogation. « Il n'y avait ni délire ni hallucination », témoigne le docteur Josette Volpillière, qui brosse, jeudi 18 avril, le portrait d'un adolescent timide, élevé « dans un milieu protestant un peu rigide ». Il était « solitaire, introverti, froid, sans émotion, obstiné, replié sur lui-même ». Bien sûr, il y avait la possibilité d'un « noyau psychotique » pour expliquer l'éventuel passage à l'acte dans une vie en apparence « banale » et rangée. Mais les quinze années de détention sont désormais là pour l'affirmer : Patrick Dils n'a jamais sombré dans la psychose. « Nous aurions aimé que ce sujet soit psychotique, va-t-elle même jusqu'à confesser. Cela aurait expliqué... »
Réduite aux hypothèses, en cas de culpabilité, Mme Volpillière en déduit : « Comme tout timide, il a pu exploser. » Elle évoque la possibilité d'un « trouble explosif isolé ». Sur ce thème, le docteur Jacques Leyrie, qui a rencontré l'accusé en 1987 après sa rétractation, développe un possible « syndrome de la Cocotte-Minute », le passage à l'acte type crime passionnel, sans pour autant préciser quel aurait pu être « le facteur déclenchant ». Patrick Dils, estime-t-il, était un garçon « anormalement sage », vivant une relation « extrêmement étroite avec sa mère », soumis à quelques traits obsessionnels, non pathologiques, liés à son goût pour les collections. Il se souvient de son « attitude très scolaire », lors de l'entretien, et, surtout, de son ton calme pour dire son innocence, « tonique » cependant pour dénoncer les conditions de l'enquête et de l'instruction.