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Aude, Jamel et leurs bébés placés : le carnet rose vire au cauchemar
Aude, Jamel et leurs bébés placés : le carnet rose vire au cauchemar
Justice. Des parents privés de façon contestée de leur fils de 15 mois et de leur nourrisson.
ONDINE MILLOT
QUOTIDIEN : samedi 5 juillet 2008
Elle garde les mains jointes, le regard triste et baissé. Il lève la tête, ravale sa douleur pour expliquer. Aude et Jamel, 35 et 36 ans, sont parents de deux très jeunes enfants (1). Basile, l’aîné, a 15 mois, et Laïla, sa petite sœur, vient de naître, le 16 juin. Leurs journées devraient être rythmées par le tourbillon épuisant et joyeux des biberons, couches et jeux. Au lieu de ça, les voilà seuls.
Evanouissement. Leurs bébés sont «quelque part dans le département». C’est la seule information qu’ils ont. L’aide sociale à l’enfance (ASE) des Hauts-de-Seine les a placés le 26 juin. Une décision «brutale et injustifiée», dit Karine Shebabo, leur avocate. Dans ce dossier, de nombreux acteurs administratifs contactés par Libération admettent que la séparation «n’aurait jamais dû avoir lieu». Et évoquent «un regrettable enchaînement ». «Si je ne m’étais pas évanouie, si mon mari n’était pas sorti faire les courses, les enfants seraient là», se culpabilise Aude. A regarder les photos de Basile, petit visage pointu au regard plein de vie, à lire son carnet de santé, qui retrace les premiers mois d’un enfant en forme et régulièrement suivi, on se demande ce que les parents peuvent avoir à se reprocher.
Mais eux devancent la question, habitués maintenant à se justifier. Aude est dépressive, elle a besoin de prendre un traitement. Lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte de Laïla, elle arrête les médicaments. «J’avais peur que cela fasse du mal au bébé.» Encore plus déprimée, elle ne fait pas suivre sa grossesse. Et se présente à la maternité de Neuilly, dans la nuit du 16 juin, sur le point d’accoucher, sans aucun dossier. «Ils étaient mécontents qu’on n’ait pas les papiers», dit Jamel, ce que confirme la maternité.
Entre le père et le personnel médical, les choses se passent mal. Jamel se braque aux questions qu’on lui pose sur leur vie. Il les trouve indiscrètes. Le lendemain de l’accouchement, Aude est dans un état de «grande faiblesse» psychologique et physique. Mais la psychiatre qui la soigne trouve qu’elle réagit «bien» au traitement donné, qu’elle se retape vite. D’autres membres du personnel médical sont plus inquiets. Lorsqu’elle quitte la maternité, le 25 juin, ils alertent l’ASE.
Le lendemain, jeudi 26 juin, une éducatrice de l’ASE et une puéricultrice de la Protection maternelle infantile (PMI) se rendent au domicile. Jamel est sorti faire les courses, Aude et les enfants dorment. Sonnée par les médicaments, elle a du mal à répondre aux questions. Les visiteurs trouvent que l’appartement est «sale», et s’inquiètent de l’état de la mère. Ils reviennent une heure plus tard avec des policiers. Choquée, Aude s’évanouit. Les pompiers l’emmènent aux urgences d’un hôpital voisin, d’où on la laisse repartir peu de temps après. Mais trop tard. Jamel est injoignable. Le parquet des mineurs de Nanterre décide d’un placement provisoire des bébés.
«Doudous». La mesure aurait pu ne durer que quelques heures. Mais la juge des enfants est en vacances, l’audience pour décider du sort de Basile et Laïla est repoussée au 10 juillet. Certes, il y a bien une deuxième juge pour traiter des «urgences». Elle considère visiblement que ce n’en est pas une. A la demande de l’avocate, elle accorde toutefois un droit de visite de deux heures tous les jours aux parents. Il ne sera pas respecté par l’ASE. Depuis neuf jours de séparation, les parents n’ont pu voir leurs enfants que deux fois une heure. «On a apporté leurs doudous, leurs biberons, leurs vêtements, et une écharpe avec le parfum d’Aude, explique Jamel au bord des larmes. Les gens de l’ASE nous ont dit que c’était bien.» Jointe par téléphone, l’ASE des Hauts-de-Seine explique qu’elle n’a «pas les moyens» de respecter le droit de visite de deux heures par jour. Et justifie le placement en expliquant avoir détecté un «danger imminent» pour les enfants.
La psychiatre qui a suivi Aude à la maternité ne semble pas de cet avis. Certes, elle pense que la famille a besoin d’aide, une assistance éducative pour les enfants et un suivi médical pour leur mère. Mais elle atteste dans un certificat que Aude est tout à fait «apte à s’occuper de ses deux enfants au domicile», et que le placement est «disproportionné». «Quand on a vu Basile, on a essayé de lui expliquer ce qui se passait, raconte Aude. On lui a surtout dit qu’on ne l’abandonnerait jamais.»
(1) Les prénoms ont été modifiés.
2 commentaires
Pour celles et ceux qui, comme moi, n’aiment pas rester les bras ballants, fatalistes, je vous copie ci-après le courrier que j’ai rédigé ce matin sur le site web de La Défenseure des Enfants, en accompagnement-motif de ma saisine de cette autorité pour l’affaire exposée dans l’article de Libé et dans mon article ci-dessus.
Je vous suggère de vous rendre sur ce site et de saisir cette autorité à votre tour et individuellement en utilisant ce courrier après l’avoir adapté à votre situation.
Rien ne vous empêche d’informer ensuite, comme je l’ai fait, le Conseil Général du 92 et son ASE (Patrick Devedjian, Président) de votre démarche auprès de la Défenseure des Enfants et, d’une manière générale, de faire le plus grand bruit possible autour de cette affaire afin qu’elle ne retombe pas dans l’oubli tant que les têtes des travailleurs sociaux et de santé du coin n’auront pas suffisamment refroidi pour fonctionner correctement et leur permettre de faire à nouveau un meilleur travail!
Merci de faire passer dans cette discussion toutes infos, liens, etc…que vous jugeriez utiles à l’action.
BJ
Chère Madame,
Je vous prie instamment d’intervenir auprès des services de l’Aide Sociale à l’Enfance du département des Hauts de Seine (92) afin que ces 2 très jeunes enfants - 15 mois et 21 jours! - soustraits du foyer familial 24 heures après signalement soit le 26 juin 2008 par mesure de protection face à un “danger imminent” qui n’a toujours pas été prouvé à ce jour, soient rendus de toute urgence à leurs parents avec lesquels ils n’ont eu aucun contact direct depuis cette date.
Je vous interpelle en mon nom personnel, en tant que père de 6 enfants également en attente d’un heureux évènement fin juillet avec ma compagne, en tant que professionnel de la petite enfance en contact quasi permanent avec des nouveau-nés ou bambins réellement victimes de défauts de soins ou de maltraitance et parce que j’ai été alerté par l’article de liberation.fr dont voici le lien vers:
http://www.liberation.fr/actualite/soci … 118.FR.php
Je vous remercie par avance pour l’action que vous mènerez afin de dédramatiser le climat autour de ces 2 bébés qui ont droit à vivre à nouveau paisiblement et affectueusement avec leurs deux parents, droit que nul n’est autorisé à aliéner sans être sanctionné, comme vous le savez fort bien.
Je vous prie de croire, Madame la Défenseure des Enfants, en l’assurance de mon plus profond respect.
Bruno Jean PALARD
Après mon appel par message ci-dessus, je lis avec satisfaction dans liberation.fr du 11 juillet 2008 et grâce à Bruno Kant qui me l'a transmis:
"Basile et Laïla ont retrouvé leurs parents
O.M.
QUOTIDIEN : vendredi 11 juillet 2008
Le 26 juin, Basile, 15 mois et Laïla, 10 jours, avaient été placés par la justice (Libération du 5 juillet). Cette décision avait indigné plusieurs acteurs administratifs proches du dossier, qui estimaient qu’elle n’aurait «jamais dû avoir lieu». Et évoquaient un «regrettable enchaînement». Lors d’une visite des services sociaux, la mère s’était évanouie, et le père n’était pas joignable. Pendant les quinze jours de séparation, les parents auraient dû voir leurs bébés deux heures par jour, mais faute de «moyens», l’aide sociale à l’enfance n’a organisé que quatre visites d’une heure. Hier, la justice a ordonné la main levée du placement. Les parents se sont déclarés favorables au soutien éducatif qui va être mis en place."
Le lien vers la page de liberation.fr:
http://www.liberation.fr/actualite/societe/338426.FR.php
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C'est plutôt une bonne nouvelle mais là encore je reste vigilant comme vous, membres du site justice.cloppy.net.
Car après les mots "soutien éducatif" employés, il y aura les "employés au soutien éducatif" en actes.
Faisons le pari qu'ils sauront d'abord être d'authentiques soutiens à la parentalité.
Bonne journée,
Bruno Jean PALARD