« Les linottes | Heureux les agents publics : ils seront couverts » |
Avoir conscience de la dimension humaine de la justice
Dossier multimédia
Radio France, lundi 20 février 2006
Pas assez de culture du doute ? Il est aujourd’hui reproché à l’ENM de ne pas faire assez de place dans sa formation à la culture du doute. Critique qui fait grincer des dents Daniel Ludet, ancien directeur de l’ENM, aujourd’hui avocat général à la Cour d’appel de Paris… Une formation satisfaisante Olivier Beauvallet est juge d’instruction à Roanne. En poste depuis septembre 2004, il estime que la formation qui lui a été dispensée à l’ENM lui a permis d’arriver dans de bonnes conditions à son cabinet… La justice française à bout de souffle Délaissée par l’Etat depuis la IIIème République, la justice en France est arrivée à un point de rupture, explique le sociologue Philippe Robert, directeur de recherches au CNRS et ancien directeur du GERN…
Cellule de réflexion sur les métiers de la fonction publique
Groupe Justice,
D. Botteghi ; A. Garapon ; E. Goldstein ; F. Mion ; J-F de Montgolfier ; V. Pécresse ; A. Savie
rapport, IEP de Paris, mai 2001, extrait
2.1.2. Avoir conscience de la dimension humaine de la justice.
A l'issue de l'E.N.M., on a pu observer que la plupart des auditeurs de justice ne sont pas suffisamment armés pour affronter la dimension humaine, parfois violente, à laquelle ils sont confrontés en juridiction. Les magistrats sont au contact de la grande pauvreté et de ses réalités comme l'alcoolisme, l'inceste, la violence conjugale ou les troubles psychiques. Ces problématiques sociales sont abordées seulement de manière ponctuelle à l'E.N.M. Il serait bon que l’I.E.P. donne à ceux qui le souhaitent les moyens de travailler sur ces questions dans le cadre, par exemple, d'un enseignement optionnel sur la sociologie de la grande pauvreté ou sur les comportements de déviance sociale. Les futurs magistrats auraient ainsi le temps d'appréhender ces problèmes dans un contexte dépassionné et pourraient acquérir les outils intellectuels nécessaires pour travailler sur la juste distance à adopter entre les faits et l'affectivité. D'un point de vue pratique, des visites en prison, dans les services de police et dans les services sociaux, dans les maisons de justice et du droit, et plus largement dans les juridictions et dans les cabinets d'avocat, pourraient être organisées et proposées aux étudiants. Le semestre de stage devrait être obligatoire pour l'obtention de la majeure Magistrature.
Enfin, les futurs magistrats doivent apprendre à écouter et à douter. C’est en effet le doute qui pousse le juge à envisager les multiples facettes du cas qui lui est soumis, et contribuer à la qualité de sa décision. Cette culture du doute pourrait être favorisée par un enseignement de philosophie du droit et par des exercices du type taking-side pratiqués dans les universités anglo-saxonnes (apprentissage du raisonnement juridique, prise de position, capacité à exprimer une argumentation complexe).
Devenir juge malgré la "dette" d'Outreau
LE MONDE | 01.02.06 | Extrait
Les nouveaux auditeurs — élèves — de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), réunis pour leur rentrée, lundi 30 janvier, à Bordeaux, ont reçu l'affaire d'Outreau en héritage. Comme une dette. "On va avoir plus de pression. On va nous attendre au tournant, ajoute Stéphanie Perrin. La culture du doute, c'est clair, on devra l'avoir tout le temps."
C'est le premier matin de leur formation de juge, qui s'achèvera en septembre 2008. Mais Michel Dobkine, le directeur de l'ENM, ne s'est pas attardé sur les félicitations : "Il m'a été dit que vous serez la première promotion de l'après-Outreau. C'est un peu écrasant, un peu lourd." Ils sont 250 dans l'amphithéâtre. Très jeunes, 25 ans en moyenne. Des filles, à 80 %.