« Disparue à l'âge de 9 ans, elle réapparaît onze ans après | A Vercheny, le placement est « toujours transitoire », « 7 ans en moyenne » » |
Enfermements et éducations
RHEI, numéro 7, 2005 - Enfermements et éducations
De l’abandon à la reconquête
La résistance des familles d’origine populaire à l’égard de l’Assistance publique de la Seine (1870-1930)
Par Ivan Jablonka, extrait
À partir de la première guerre mondiale, les familles d’origine populaire résistent davantage à la volonté de l’Assistance publique. Même quand l’enfant ne subit aucun abus de la part de ses nourriciers ou de ses patrons, les parents réclament et finissent par obtenir la rétrocession de la tutelle. Ils adressent sans répit des demandes de remise ou, incitant le pupille à s’évader, mettent l’administration devant le fait accompli. En exploitant toutes les possibilités de la procédure ou en contournant le règlement, ils essaient de rentrer dans leurs droits alors même qu’ils ont fait appel à l’Assistance publique quelques années plus tôt. Cet apparent paradoxe traduit-il les revirements de familles prêtes à assumer de nouveau leurs devoirs dès que leur situation s’est rétablie ? Doit-on considérer que les parents inventent avant l’heure une forme d’allocations familiales ? Au-delà de la question de la légitimité du tuteur, il y a de profondes divergences éducatives entre le petit peuple de Paris et l’Assistance publique de la Seine. De ces divergences naît le conflit.
Conclusion
À la fin du XIXème siècle, divers scandales entachent la réputation des établissements industriels privés avec lesquelles l’Assistance publique a signé un partenariat et révèlent qu’ils dissimulent souvent un « système d’exploitation de l’enfance bien rodé ». Après l’affaire Estran et le procès Délivré, l’affaire la plus grave survient aux Vermireaux, près de Quarré-les-Tombes (Yonne). Depuis les années 1890, les départements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne, mais aussi ceux de la Somme, de la Loire-Inférieure et de l’Aisne, confiaient des pupilles en mauvaise santé à cette institution censée leur dispenser des soins de climatothérapie. En fait, les pensionnaires, vêtus de guenilles achetées chez des chiffonniers, souffraient du froid, de la faim et de maladies. Une révolte de pensionnaires et une enquête de l’administration donnent lieu en 1911 à un procès retentissant. Les condamnations s’échelonnent en première instance de trois ans de prison ferme à deux mois avec sursis pour les 7 inculpés.
Au tournant du siècle, les services d’enfants assistés prennent peu à peu conscience des innombrables inconvénients que comporte le délégation de l’enfance abandonnée aux industriels. Mineurs, isolés, psychologiquement et socialement fragilisés, les pupilles subissent dans les établissements des conditions de travail déplorables. ...