« Le démariage. Justice et vie privée | Un homme se coupe un doigt et l'envoie à Rachida Dati » |
La France de Vichy
La France de Vichy, 1940-1944 (Poche)
de Robert O. Paxton,
Stanley Hoffmann (Préface), Claude Bertrand (Traduction)
Seuil
Poche, collection Points Histoire, nouvelle édition, novembre 1999
Description. Est-il aujourd'hui possible d'écrire une histoire politique du régime de Vichy ? Un universitaire américain, Robert 0. Paxton, répond ici par l'affirmative : refusant de prendre au pied de la lettre la kyrielle des témoignages pro domo dont la littérature politique s'est enrichie, passé la guerre et la libération, il a appuyé toute son étude sur les écrits contemporains des événements et surtout mis à profit la richesse des archives allemandes et américaines qui remettent en question, sur tant de points, les assertions de ceux qui avaient voulu, à la faveur d'une défaite nationale et sous l'oeil de l'occupant, entreprendre une nouvelle restauration. Cet ouvrage iconoclaste est devenu un classique. La présente édition a été revue, corrigée et augmentée en fonction des recherches les plus récentes.
Le droit sous Vichy - Das Europa der Diktatur
Sous la direction de Bernard Durand, Jean-Pierre Le Crom et Alessandro Somma
Vittorio Klostermann GmbH
Histoire du droit, ISBN 10-3-465-04013-9, 09/2006
Cet ouvrage rassemble les contributions d’un séminaire qui s’est déroulé du 16 au 19 septembre 2004 à Blankensee (Berlin) dans le cadre du programme de recherche "L’Europe des dictatures", dirigé par Dieter Simon et organisé par le Max-Planck-Institut fur europiiische Rechtgeschichte de Frankfurt am Main avec la collaboration de la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften. Il n’a pas pour ambition de traiter le droit sous Vichy de manière générale. Certains domaines, comme le droit social ou la législation antisémite, ont en effet déjà fait l’objet de travaux de recherche faisant autorité. Par ailleurs, il était impossible de couvrir l’ensemble de la législation vichyste, extrêmement abondante et diversifiée. Pour autant, la plupart des grandes questions est ici abordée. Après une introduction générale (Margairaz), une première partie interroge différents aspects du droit civil, que ce soit le droit de propriété, le droit rural, le droit de la famille ou le droit successoral (De Vita, Durand, Montazel, Amodio, Bilon).
Rétrolecture 1973
"La France de Vichy", par Thomas Wieder
LE MONDE | 08.08.08 | Extrait
Que démontre l'historien ? D'abord que la collaboration, loin d'avoir été une "exigence allemande à laquelle certains Français ont répondu par sympathie ou par ruse", fut en réalité une "proposition de la France, qu'Hitler repoussa en dernière analyse". Selon Paxton, le régime de Vichy bénéficia d'une marge de manoeuvre plus large que ce qu'en dirent ses défenseurs. Et Pétain ne fut donc pas le "bouclier" qu'il prétendit être, à la Libération.
Car pour le chef de l'Etat français - et c'est le second volet de la thèse - la collaboration fut bien un choix politique au service d'un projet de société. En acceptant l'armistice et en sacrifiant l'indépendance nationale, il pensait "opérer un bouleversement tel que la France n'en avait pas connu dans son histoire depuis 1870, voire 1789". Ce faisant, Paxton insiste sur la cohérence de la révolution nationale , rappelant au passage que toutes les réformes de Vichy n'ont pas été abrogées par la IVe République.
Le bilan est implacable. Beaucoup plus sévère que celui dressé par Robert Aron dans Histoire de Vichy (Fayard, 1954), jusqu'alors l'ouvrage le plus complet sur la période. Pour Paxton, qui étoffe certaines thèses déjà avancées (notamment par Yves Durand, Eberhard Jäckel et Henri Michel), il est fallacieux de distinguer entre un "bon" Vichy (celui de Pétain) et un "mauvais" Vichy (celui de Laval). C'est le régime qui n'a pas su "éviter le pire". Notamment vis-à-vis des juifs. "Il est indispensable de montrer que les premières mesures ayant frappé les israélites (dès l'automne 1940) sont bien le fait du gouvernement français, car dans nul autre domaine on n'a autant insisté sur les pressions de l'Allemagne et la passivité de la France", écrit-il.
BIENTÔT GRAND TÉMOIN
Les réactions les plus négatives viennent de la droite. Ancien secrétaire d'Etat à la marine de Vichy et président de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain, l'amiral Auphan dénonce "un livre émaillé de lacunes et d'erreurs" qui cherche à "dresser l'opinion américaine contre la France traditionnelle". Vichy, ajoute-t-il dans une lettre publiée dans Le Monde, est "une affaire qu'il convenait de traiter entre Français". Dans L'Aurore, Dominique Jamet reproche à l'historien son "incompétence", sa "mauvaise foi" et ses "flagrantes contre-vérités". La flèche la plus assassine est cependant décochée par le politologue Alain-Gérard Slama : "Le savant livre de Paxton... se lit comme un roman. Le malheur est que c'est un roman."
Plus largement, c'est toute une génération bercée par le mythe gaullien d'une nation majoritairement résistante qui se sent visée par le livre. Paxton, en effet, insiste sur la popularité du régime au sein de la population. A gauche, et chez les plus jeunes, l'accueil est en revanche nettement plus positif. L'historien Jean-Pierre Rioux salue un "grand travail", Marc Ferro un livre "fort" et "rafraîchissant".
La France de Vichy aura eu la chance de paraître au bon moment. Un an après la grâce accordée par le président Georges Pompidou à l'ancien milicien Paul Touvier, deux ans après la censure du documentaire de Marcel Ophuls Le Chagrin et la Pitié (produit pour la télévision, il n'y sera diffusé qu'en 1981), Paxton satisfait la curiosité parfois inquisitoriale des enfants du baby-boom à l'égard de leurs aînés. Comme l'analysera Henry Rousso, ce livre incarne alors la "caution scientifique du retour du refoulé".
Vendu à 12 000 exemplaires la première année, réédité en poche dès 1974, La France de Vichy finira par s'imposer. Certaines de ses analyses seront certes nuancées, en particulier sur le soutien, massif et durable selon l'auteur, dont le régime aurait joui dans l'opinion publique. Mais le cadre général reste valide. Le nom de Paxton s'imposera comme une évidence quand des historiens seront appelés à la barre des témoins lors des procès Touvier (en 1994) et Papon (en 1997).