« La dialectique éristique | Revue Ethnopsychiatrica, n° 1 » |
Le laid, l'étrange et « un bébé sur le tard », un dossier des maternelles
« L'art doit faire son affaire de ce qui est mis à l'index en tant que laid, non plus pour l'intégrer, l'atténuer ou le réconciler avec son existence par l'humour qui est plus repoussant que toute chose repoussante, mais pour dénoncer, dans le laid, le monde qui le crée et le reproduit à son image... » Adorno, Théorie esthétique, cité par Bourahima Ouattara, Adorno, une éthique de la souffrance, p. 140, L'Harmattan, 2004
Volume 56, Issues 4-5, Pages 173-326
Enfants d'ailleurs. Vivre les différences
Congrès de Paris, 1er et 2 juin 2007
Edited by A. Plantade
servicevie.com, semaine du 1er mai 2000, extraits
La naissance d'un enfant trisomique et l'impact chez la mère
Imaginez-vous dans la peau d'une mère qui a désiré son enfant pendant des mois et qui se rend compte que l'enfant qu'elle tient dans ses bras n'est pas celui qu'elle avait imaginé...
Donner naissance à un enfant trisomique demande de faire le deuil de l'enfant qu'on avait imaginé. Personne ne souhaite avoir un enfant atteint d'une déficience. Au contraire, le premier souhait d'une mère est que son bébé soit en santé, qu'il lui ressemble ou qu'il ait les traits de son père. Mais voilà que la vie en a décidé autrement : la mère se retrouve dans une situation à laquelle on ne l'a pas préparée.
Lorsque souffrance rime avec impuissance ...
Et la culpabilité ? ...
Étapes de deuil:
- Choc
- Négation
- Culpabilité
- Colère
- Marchandage
- Détachement
- Adaptation
La durée de chacune de ces étapes varie d'une personne à une autre et certaines personnes peuvent s'arrêter à une étape et y rester toute leur vie. On parle alors d'inadaptation.
Jean-François Martin
Parent, professeur en Techniques d'éducation spécialisée
et membre du Regroupement pour la trisomie 21
Dossier Mères sur le tard, les maternelles
Des bébés toujours plus tard
« Il n’y a plus d’âge pour être mère » : il est vrai qu’insensiblement, l’âge au premier enfant n’a cessé de reculer : il était de 27,2 ans en 1970, de 27,4 ans en 1986, de 29,2 ans en 1997 et de 29,4 ans en l’an 2000.
Le nombre des grossesses tardives proprement dites, c’est à dire à plus de 40 ans, augmente lui aussi, quoique restant marginal même s’il est très monté en épingle par les média : Isabelle Adjani, Kim Basinger, Cherie Blair ont bien fait la une... Et cette année, une femme de 64 ans a été mère des œuvres de son frère et d’un ovocyte d’une jeune femme américaine !
Mais, en fait, 2,5% des nouveau-nés seulement ont une mère de 40 ans et plus, et, pour 15% d’entre elles seulement, il s’agit d’une première grossesse... Soit 21000 nouveau-nés qui ont une mère de plus de 40 ans (en 1998).
Les grossesses hors-normes communément admises restent donc très minoritaires. Mais la « tendance » existe bel et bien, s’affirmant chaque année, confortée par les progrès de la science et de la biologie...En effet, chez les 35-39 ans, cette fois, le nombre des bébés est passé, en dix ans, de 47000 à 95000, soit 13% des naissances !
Pourquoi les femmes ont-elles décidé d’attendre pour faire leur premier enfant ? Choix de vie individuelle, de carrière professionnelle, lent mûrissement d’un projet de parentalité, traduction sur les conceptions d’enfants du recul de tous les autres seuils de la vie ?
La sortie de l’adolescence, la fin des études, l’entrée dans la vie active, la vie en couple, le mariage, le seuil de la vieillesse, tout a été repoussé à plus tard, au cours de ces cinquante dernières années, ce qui témoigne d’une certaine forme de progrès humain, de bien-être et aussi d’acquis individuels et collectifs de liberté : « un enfant quand je veux, si je veux », comme le disait le slogan de 70 qui s’appuyait sur les formidables possibilités ouvertes par la contraception...
Autrefois, en effet, on prenait des précautions pour ne pas avoir d’enfant. Aujourd’hui, il faut arrêter la contraception pour en avoir un, ce qui fait une fameuse différence.
Le fait de pouvoir recourir aux procréations médicalement assistées ne force-t-il pas « le trait » ?
Incontestablement, oui. Mais à l’inverse, alors que tout pousse effectivement les femmes à retarder leur maternité, la revendication d’un droit à avoir un enfant « à tout prix », et surtout à celui de lourdes procédures de procréations médicalement assistées, conduit à de nombreuses souffrances, des excès, des risques de complications non négligeables.
Le livre retentissant que vient de publier notre consœur de France-2 Brigitte Fanny-Cohen, « Un bébé mais pas à tous prix : les dessous de la médecine de’ la reproduction » (éditions Lattès) est là pour en témoigner.
Alors, on entend toujours : « Les femmes sont capricieuses, égoïstes, privilégient leurs carrières... », « elles vont être trop âgées pour élever leurs enfants... », faisant toujours planer sur ces grossesses d’autour de la quarantaine une certaine suspicion. Comme si seules les femmes tardaient à concevoir des enfants alors que personne ne songerait à s’offusquer des paternités tardives de si nombreux hommes comme Yves Montand, Serge Gainsbourg et tant d’autres vedettes, qui se refont un bain de jeunesse après leurs démons de midi, s’adonnant publiquement aux joies des « biberonages » médiatiques... Bien sûr, les femmes remettent leurs enfants à plus tard et c’est leur seule façon, si l’on en croit les études de l’INED menées à ce propos, de décoller du bas de l’échelle sociale.
Bien sûr, elles font, comme les hommes, le constat que les couples sont fragiles (1 sur 2 se séparent à Paris, 1 sur 3 pour toute la France) et qu’il vaut mieux mûrir soigneusement la décision de faire un enfant dans l’intérêt du couple et dans celui de sa progéniture.
Bien sûr, elles ont tendance à demander un peu trop facilement à la médecine la possibilité d’obtenir ce qu’elles désirent au moment où elles le désirent depuis que la contraception leur a donné, d’une certaine façon, l’illusion d’une maîtrise totale.
Alors faut-il ou ne faut-il pas conforter cette tendance actuelle ?
Peut-être faudrait-il aujourd’hui nous apprendre à nous tous, hommes et femmes, les règles de la fertilité, comme nous avons intégré celles de la contraception. Mais sans moralisation ni culpabilisation à outrance.
« Ces grossesses tardives ne sont pas une folie. C’est une maltraitance à l’égard des femmes qui décident d’avoir un enfant à 40 ans, une forme de racisme que de le dire », proteste un grand gynécologue-obstétricien comme le Pr Michel Tournaire de Saint-Vincent de Paul. « Arrêtons de glorifier les grossesses tardives », lui répond volontiers sa collègue le Pr Joëlle Bellaisch-Allard de l’Hôpital, de Sèvres. Les deux semblent en fait avoir raison...
De quoi s’agit-il ? De quoi parle-t-on ? Quel est l’objet de cette polémique si celle-ci a véritablement un objet ?
Sur les murs et bus de Chicago, Seattle, New-York (du moins avant les événements dramatiques du 11 septembre dernier), on pouvait voir de grandes affiches représentant un biberon, tétine en bas, tordu en forme de sablier... à moitié vide, avec en lettres capitales ce slogan « Avec les années, vos chances d’avoir des enfants diminuent... ».
En fait, la Société Américaine pour la Médecine Reproductive, auteur de cette campagne, entendait ainsi faire pièce aux effets néfastes de l’actualité présentant les possibilités de concevoir des enfants à 50 voire 60 ans, alors que la période idéale pour concevoir un enfant se situe bien entre 20 et 35 ans. Car le problème se situe, objectivement, froidement, là et non dans l’égoïsme, la légèreté ou on ne sait quelle futilité des femmes modernes...
Vers 40 ans, en effet, une femme a deux fois moins de chances d’être enceinte qu’à 25 ans, puisqu’on estime qu’à 20 ans, le délai pour concevoir est de 3,3 mois et qu’il passe à 12mois au moins entre 40 et 45 ans.
Par ailleurs, ces grossesses « précieuses » comme les appellent joliment les obstétriciens, et donc très investies, mûries, (et responsables !) sont aussi plus délicates : par exemple, le risque de trisomie estimé à 1 grossesse sur 200 entre 35 et 39 ans, grimpe à 1 sur 80 entre 40 et 44 ans. (d’où l’amniocentèse systématiquement proposée et remboursée à partir de 38 ans).
L’hypertension artérielle, plus fréquente avec l’âge, est préjudiciable à la future maman et à son bébé qui risque ainsi de manquer d’oxygène, de ne pas prendre assez de poids, de même que le diabète gestationnel qui, au contraire entraîne, une prise de poids trop importante du fœtus.
La durée des accouchements est plus longue après 40 ans, car l’utérus se contracte moins bien. Du coup, le taux de césariennes qui est actuellement de 10% globalement, est multiplié par trois à ces âges là.
A plus de 38 ans, le périnée d’une femme tient bien moins bien le « choc » que celui d’une jeune femme et le taux des incontinences urinaires est alors chez elles de 50%, six mois après l’accouchement alors qu’il n’est que de 9,5% chez une maman de la trentaine.
Le système veineux est lui aussi plus fragile...
Avec les années, c’est vrai, les choses se compliquent, mais moyennant un suivi rigoureux de la grossesse - ce qui est le cas en France -, ces grossesses présentent en réalité peu de dangers : la grossesse d’une femme de 27 ans qui attend des jumeaux est aussi « problématique » que celle d’une femme de 43 ans qui attend son premier enfant.
Alors peut être faut-il vraiment cesser de culpabiliser ces femmes, qui ne sont que des témoins parmi d’autres d’une évolution inéluctable de la société, comme de valoriser à outrance les naissances de mamans grands-mères et de vedettes « mûres » sexy comme aucune femme « dans la réalité » ne peut l’être !
Voir également la bibliographe associée des maternelles.
Ils ne sont pas beaux...
Le devenir psychique de la laideur.
Champ psychosomatique no 26 2002/2, extraits
Parler de la laideur dans un numéro consacré à la beauté du corps, n’est-ce pas un défi ? Ce défi se justifie à partir du postulat que la notion de beauté n’a de sens que par rapport à la laideur, tout comme la vie n’a de sens que par rapport à la mort. Contrairement aux idées reçues, le laid n’évoque pas forcément le déplaisir et il y a un plaisir à voir du laid. Enfin la laideur n’est pas forcément entachée d’une valeur négative, dans la mesure où elle est associée à la souffrance, qui lui confère une valeur positive dans le développement de la philosophie, de la morale et de la religion.
Historiquement, le laid a été peu abordé jusqu’au XXe siècle, comme le signale Murielle Gagnebin (1978), qui a écrit l’un des rares ouvrages sur la question. Le XXe siècle, en revanche, a montré un grand intérêt pour tout ce qui concerne l’idée du laid et force est de constater que le domaine de l’art est de plus en plus envahi par la laideur et ses multiples expressions.
Il faut retracer le vaste parcours qui a rendu possible ce regard que la Modernité porte sur la laideur, en insérant la notion du laid dans les catégories plus générales de l’altérité et l’étrangeté.
... L’historien Marcel Gauchet et la psychiatre Gladys Swain (1980) ont étudié la « mutation anthropologique », qui a été nécessaire pour faire émerger une relation de réciprocité permettant de se penser soi-même comme un autre et l’autre pas fondamentalement étranger à soi-même. Il s’en suit un remaniement de la perception de l’altérité, qui s’inscrit dans le prolongement de la Révolution des Droits de l’Homme. « Vaste phénomène donc, qui de 1770 à 1840, approximativement, a modifié le destin social de tous les êtres affectés d’une manière ou d’une autre dans leur capacité d’échange interhumain » (Gladys Swain, 1994). H.J. Stiker (2001) a montré comment ce mouvement historique a profondément modifié la représentation et le traitement du corps infirme, qui entre dès lors dans la politique de l’État et dans la solidarité collective. Ce mouvement historique tend à valoriser ce qui relève de la catégorie du laid.
L’écart n’est pas forcément un manque, dit Georges Canguilhem (1943) dans son texte fondateur sur le normal et le pathologique. « J’insisterais davantage sur la possibilité et même l’obligation d’éclairer par la connaissance des formations monstrueuses celle des formations normales. Je proposerais avec encore plus de force qu’il n’y a pas en soi et à priori de différence ontologique entre une forme vivante réussie et une forme manquée ». (p. 4). Si l’on considère le laid pas seulement comme le négatif du beau, la laideur pourra faire l’objet d’une réévaluation et ouvrir à de nouvelles pistes de pensée.
... D’emblée j’évoquerai l’un d’eux, personnage bien connu, atteint de nanisme et de diverses difformités, le peintre Toulouse-Lautrec. Écoutons la description qu’Yvette Guilbert fait de lui après leur première rencontre : « la grosse tête de Gnafron posée sur le corps d’un petit nain ! Une tête brune, énorme, la face très colorée et noirement barbue, une peau grasse, huileuse, un nez de quoi garnir deux visages et une bouche ! Une bouche balafrant la figure d’une joue à l’autre, ayant l’aspect d’une large blessure ouverte. Les muqueuses des lèvres, formidables et violet-rose, aplaties et flasques, ourlant cette fente effroyable... et obscène ! » Lors du repas, « les mets s’engouffraient dans la fente de sa bouche, et chaque mouvement de la mastication montrait la manœuvre humide et salivée des énormes muqueuses qu’étaient ses lèvres. Quand vint le poisson sauce rémoulade, ce fut un clapotis extraordinaire. »
Comment vivre avec un tel corps ? Pourtant, ils vivent... Mais comment, en effet ? La réaction spontanée face à une personne difforme est de s’écrier : « Mais on ne peut pas vivre avec cela ! » Le psychanalyste ne peut pas s’arrêter à cette attitude émotionnelle primaire. Pour lui, la question de la laideur devra être interrogée en termes de processus psychiques. Quelles modalités psychiques vont être mis en œuvre dans ce que j’appellerai le devenir psychique de la laideur ?
La clinique de l’enfant handicapé nous donne quelques clés pour comprendre l’expérience subjective de la laideur. En effet, la laideur du corps correspond à la définition que j’ai proposée du handicap (Korff-Sausse, 1995), c’est-à-dire une atteinte invalidante de l’intégrité somato-psychique. Classiquement, le handicap est considéré comme une blessure narcissique. Ce qui est laid n’est pas aimable. Ce qui n’est pas aimable est considéré comme laid. Ainsi, le corps marqué par la laideur fait l’objet d’une double dévalorisation, narcissique et esthétique. Les deux aspects vont de pair. La défaillance narcissique entraîne inévitablement l’appréciation, ou plutôt la dépréciation, esthétique. Et à l’inverse, comment aimer ce corps abîmé, non conforme au modèle, balourd, pataud, disgracieux, non-performant, lent, maladroit ? L’enfant considéré comme laid, malade, abîmé, difforme, handicapé, psychotique suscite une impression « d’inquiétante étrangeté », car il nous renvoie une image déformée, dans laquelle nous n’avons pas envie de nous reconnaître, comme dans un miroir brisé (Sausse, 1996). Il met gravement en danger l’image idéale de l’enfant à laquelle les adultes tiennent tant. Le vilain petit canard d’Andersen est une figure emblématique de la laideur. Il passe par toutes les étapes que connaît l’enfant « différent des autres » et est confronté à toutes les épreuves que connaissent les personnes atteintes d’un handicap. Il est poussé, mordu, bafoué, pour sa laideur, non seulement par les canards, mais même par les poulets. « Il eut bien du chagrin d’être si laid et d’être bafoué par tous les canards de la cour ». Sa mère pourtant à sa naissance l’accepte avec sa laideur : « C’est mon enfant aussi : il n’est pas si laid, lorsqu’on le regarde de près ». Mais tous les autres ne cessent de lui envoyer le même message. « Il est laid. Nous n’en voulons pas ». « Faites-en un autre !», conseille-t-on à la mère.
... Lorsque la relation émotionnelle à la personne handicapée change, l’appréciation esthétique se modifie. Combien de fois j’ai entendu des éducateurs dire « qu’il est mignon ! » d’un enfant très marqué par le handicap, dont l’aspect physique les avait dans un premier temps rebutés. « C’est curieux, je le vois autrement ». À partir du moment où l’enfant est « vu autrement », il devient autrement.
... . « Mais qu’avez-vous fait pour que je sois ainsi ? » Dans son livre sur la Beauté, Meltzer (1988), en commentant la psychothérapie d’une petite fille handicapée et particulièrement laide (et dont la mère est particulièrement belle...), formule le message que l’enfant exprime dans ses jeux de la façon suivante : « Quel type d’union entre mes parents a produit cela, que ce soit cette laideur ou ce sentiment d’être laide ? » (p. 73)
On ne peut donc pas réduire la laideur à une forme de différence ou de castration. Ces cas cliniques obligent à faire appel à d’autres catégories, comme l’étrangeté ou la monstruosité... Ce rapprochement n’est d’ailleurs ni récent, ni réservé à l’aire culturelle occidentale, comme le montre l’Éloge de la Laideur du penseur chinois Zhu Cunming (2000), qui étudie les multiples images de monstres dans l’art chinois, surtout ancien. « En Chine, le laid est donc souvent associé à l’étrange » (p. 45).
... Le sentiment d’être laid fait appel non seulement aux facteurs psychiques internes, mais également aux représentations sociales concernant la laideur. Dans son livre sur les visages, David Le Breton (1992) [1] montre, à partir d’un certain nombre d’études sociologiques, que la beauté du visage est un avantage, qui favorise la sympathie, la réussite professionnelle, la mansuétude. Les femmes belles sont considérées comme plus intelligentes. Inversement la laideur est un « stigmate », (évoqué aussi par Goffman), qui entrave le devenir social. Malgré les discours officiels prônant le respect de la personne handicapée, il y a en fait une stigmatisation du corps handicapé, parce qu’il ne correspond pas à ce corps promu par les médias et qui se doit d’être beau, intact, et jeune. Ainsi, d’après les socio-logues, il y a une vectorisation du lien social selon des critères esthétiques. Comme le précise Sylvie Ostrowetsky [2] : globalement, le laid est dévalorisé; le beau est valorisé.
Le handicapé est laid; il est donc dévalorisé. Soit, c’est une évidence. Et pourtant... C’est une évidence que j’aimerais remettre en question. Je me hasarderai à dire que les psychanalystes sont particulièrement qualifiés pour percevoir que la valeur du beau et du laid ne se distribue pas de manière binaire en termes d’opposés. Que toute chose peut susciter des désirs contradictoires. Que le désir peut aller se loger là où l’on ne l’attend pas. Et que la laideur peut fasciner ou séduire, tout autant que la beauté...
Toute l’histoire de l’art montre que laid et beau sont indissolublement liés et qu’il y a une beauté de la laideur, tout comme il y a une laideur de la beauté (le kitsch par exemple). L’esthétique ne peut se réduire à la notion du beau.
... Qu’une personne difforme puisse séduire, que la laideur puisse être investie libidinalement et esthétiquement au même titre que la beauté [6], que le corps infirme puisse être érotique tout comme un corps parfait, voilà ce dont témoigne magistralement l’écrivain japonais Mishima dans son roman, Le Pavillon d’Or [7]. ...
[7] Mishima Y. (1956), Le Pavillon d’Or, Paris, Gallimard, 1961. Pour une étude plus approfondie de ce personnage, je renvoie le lecteur au chapitre qui lui est consacré dans mon ouvrage D’Œdipe à Frankenstein. Figures du handicap, paru chez Desclée de Brouwer en 2001.