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Les concepts de violence et de maltraitance institutionnelle
Les concepts de violence et de maltraitance
Par Éliane Corbet, Docteur en psychopédagogie,
conseillère technique, Creai Rhône-Alpes
adsp n° 31 juin 2000, pages 24 et suivantes, extrait
Les travaux sur l’enfance maltraitée ont conduit à ceux sur les violences institutionnelles.
Les « violences institutionnelles » sont celles que subissent les usagers dans les institutions spécialisées, sociales et médico-sociales. Elles ne sont pas exercées seulement par des professionnels, mais aussi par des usagers de l’institution entre eux.
La notion de violence institutionnelle a été mise en lumière en 1982 par Stanislaw Tomkiewicz. Celui-ci a montré combien la relativité de la notion même de violence peut rendre l’appréciation d’actes délicate et mobile, mais n’en empêche pas pour autant l’analyse, au contraire elle conduit à réfléchir à leurs causes ou aux options qui les gouvernent. Les intentions des acteurs peuvent paradoxalement leur paraître les meilleures ou guidées dans l’intérêt de l’enfant, comme celles qui mènent aux « violences faites pour le bien de l’enfant ».
Alice Miller avait quant à elle dénoncé la « pédagogie noire » conduite aussi « pour le bien de l’enfant » et qui tient l’enfant pour coupable dès que ses parents ou ses éducateurs ne le comprennent pas.
C’est au regard de ses conséquences, en termes de souffrance, qu’est définie la violence institutionnelle.
S’intéressant plus particulièrement aux violences subies par les enfants accueillis dans les institutions spécialisées, Tomkiewicz appelle « violence institutionnelle toute action commise dans et par une institution, ou toute absence d’action, qui cause à l’enfant une souffrance physique ou psychologique inutile et/ou qui entrave son évolution ultérieure. » C’est actuellement la définition couramment retenue, elle prend en compte les « actes » commis envers l’enfant ou les « ambiances » dans lequel on le fait vivre, les violences agies ou les négligences.
Dans la suite de ces travaux, il nous est apparu que devait s’imposer une définition large qui s’oppose à toute tendance de hiérarchisation d’actes violents, en effet, une telle hiérarchisation comporterait en elle-même un discours de banalisation et de justification, signe d’une absence d’identification à l’enfant, l’adolescent ou l’adulte vulnérable.
La définition que nous avons pu proposer est fidèle à une position clinique préoccupée du développement du sujet accueilli dans l’institution spécialisée et peut être ainsi résumée : « Entre dans le champ de la violence institutionnelle tout ce qui contredit ou contrevient aux lois du développement, tout ce qui donne prééminence aux intérêts de l’institution sur les intérêts de l’enfant. » Le développement est entendu ici dans ses différentes dimensions, psycho-affective, cognitive, physique, sociale.
Cette position conduit à interroger le fonctionnement même des institutions d’accueil en se demandant quelles peuvent être les entraves au développement favorable du sujet accueilli dans une institution spécialisée, ces entraves étant à imputer à une qualité altérée de son accueil.
Maltraitances Institutionnelles
Accueillir et soigner les enfants sans les maltraiter
De Marceline GABEL, Frédéric JESU et Michel MANCIAUX
Edition Fleurus, psycho-pédagogie
Collectif, 1998
Quand des parents, pour des raisons et des durées variables, ne sont pas en mesure d'assurer seuls l'accueil et les soins requis par leurs enfants, ils peuvent - ou doivent - s'adresser à des services, des institutions qui ont reçu à cet effet des missions bien délimitées : apporter compétences et soutiens pour aider ces familles à réduire et si possible à résoudre les problèmes vécus par chacun de leurs membres. Comment faire pour que tous les acteurs impliqués de la sorte soient protégés du risque de voir surgir et proliférer entre eux incompréhensions, dénigrements, délaissements, carences et même violences ? Une institution peut-elle accueillir un enfant sans se substituer à ses parents, sans contourner leurs droits et devoirs à son sujet ? Le soigner, certes en cherchant à lui faire du bien, mais sans l'exposer pour cela à la possibilité de lui faire du mal ? Cet ouvrage collectif rend compte de démarches professionnelles visant à définir et à promouvoir des principes et des pratiques répondant à une véritable obligation éthique contemporaine : accueillir et soigner les enfants non seulement sans les maltraiter, mais plus encore avec un projet délibéré de " bientraitance ".