Des délits et des peines
Oeuvre de Voltaire,
des délits et des peines
1766
Extraits
II. — Des supplices
Les supplices recherchés, dans lesquels on voit que l’esprit humain s’est épuisé à rendre la mort affreuse, semblent plutôt inventés par la tyrannie que par la justice.
III. — Des peines contre les hérétiques
L’habitude devient loi; et depuis ce temps jusqu’à nos jours, c’est-à-dire pendant plus de sept cents années, on a brûlé ceux qui ont été ou qui ont paru être souillés du crime d’une opinion erronée.
X. — Des sorciers
Les médecins cherchèrent encore la marque satanique. Ils la trouvèrent à un petit seing noir sur une de ses cuisses. Ils y enfoncèrent l’aiguille. Les tourments de la question avaient été si horribles que cette pauvre créature expirante sentit à peine l’aiguille elle ne cria point ; ainsi le crime fut avéré. Mais comme les moeurs commençaient à s’adoucir, elle ne fut brûlée qu’après avoir été pendue et étranglée.
Tous les tribunaux de l’Europe chrétienne retentissaient alors de pareils arrêts. Les bûchers étaient allumés partout pour les sorciers, comme pour les hérétiques. Ce qu’on reprochait le plus aux Turcs, c’était de n’avoir ni sorciers ni possédés parmi eux. On regardait cette privation de possédés comme une marque infaillible de la fausseté d’une religion.
Un homme zélé pour le bien public, pour l’humanité, pour la vraie religion, a publié, dans un de ses écrits en faveur de l’innocence, que les tribunaux chrétiens ont condamné à la mort plus de cent mille prétendus sorciers. Si on joint à ces massacres juridiques le nombre infiniment supérieur d’hérétiques immolés, cette partie du monde ne paraîtra qu’un vaste échafaud couvert de bourreaux et de victimes, entouré de juges, de sbires, et de spectateurs.
X. — De la peine de mort
On a vu des juges qui aimaient à faire couler le sang; tel était Jeffreys, en Angleterre ; tel était, en France, un homme à qui l'on donna le surnom de coupe-tête. De tels hommes n'étaient pas nés pour la magistrature ; la nature les fit pour être bourreaux.
XII. — De la question
La loi ne les a pas encore condamnés, et on leur inflige, dans l’incertitude où l’on est de leur crime, un supplice beaucoup plus affreux que la mort qu’on leur donne, quand on est certain qu’ils la méritent.
La torture dans la République
La torture dans la République
Pierre Vidal-Naquet
Editions de Minuit, février 2004
Chapitre 8, Désordre dans la justice
Bourreaux et victimes
Bourreaux et victimes
La psychologie de la torture
De Françoise Sironi
Chez Odile Jacob
1999 (reédition de 2006)
Dans les régimes totalitaires, toute différence avec l'ordre social établi est considéré comme une déviance mentale, une maladie, inhérente à la nature du sujet. L'internement psychiatrique abusif entre dans la catégorie de la torture blanche(*). En ex-URSS des internements psychiatriques abusifs ont pu avoir lieu en vertu d'un glissement nosographique vers un socio-diagnostic. Les psychiatres soviétiques, formés dans un pays où l'idéologie tenait lieu de pensée, pathologisaient l'écart à la norme. Dans leur nosographie psychiatrique, les Soviétiques avaient rajouté le diagnostic de `' schizophrénie torpide " : cette maladie était décrite comme une atteinte mentale grave à l'origine du comportement antisocial des opposants politiques. La schizophrénie torpide était caractérisée par de l'agressivité, une démotivation, un délire interprétatif et `' une perte du sentiment civique(**) ". On comprend aisément pourquoi les ex-détenus de l'ex-URSS sont encore plus méfiants que la population générale à l'égard de la psychiatrie. Ils sont à l'affut de l'intentionnalité de leur interlocuteur, ils cherchent, au dela de ses paroles, à mettre à jour sa théorie, comment il pense l'autre.
*) Elle ne laisse pas de trace, de visu.
**) ... Mais gardons nous de montrer du doigt ces psychiatres là et de faire après coup de l'anti-communisme à peu de frais. A l'heure du mondialisme, de plus en plus de psychologues et de psychiatres pathologisent les chômeurs et les laissés-pour-compte de notre société.
De Plaidoyer pour le mensonge, de Laurent Lèguevaque, ancien magistrat :
La plupart de mes convictions entraient en collision avec la pratique de cette infâme profession, dont l'insane vanité fait oublier qu'il s'agit juste de punir, de châtier, tâche vile s'il en est. Juste une carrière de bourreau.
Léviathan
Léviathan
Thomas Hobbes
ou Matière, forme et puissance de l'Etat chrétien et civil
Traductions, introduction, notes et notices par Gérard Mairet
Folio, 375, essais
En histoire, c'est le jugement qui doit dominer, car la bonne histoire réside dans la méthode, dans la vérité, et dans le choix des actions qu'il est plus profitable de connaître. L'imagination n'a pas sa place, sauf pour embellir le style.
Dans les propos élogieux et injurieux, l'imagination prédomine, par ce que le but n'est pas de dire la vérité, mais d'honorer quelqu'un ou de l'humilier - ce qui se fait à l'aide de comparaisons nobles ou basses. Le jugement ne fait que suggérer quelles circonstances produisent une action louable ou condamnable.
Dans les exhortations et les plaidoiries, selon que le but est de dire la vérité ou de la dissimuler, c'est le jugement ou l'imagination qui est le plus nécessaire.
Lors d'une démonstration que l'on fait ou d'un conseil que l'on donne, comme en toute recherche rigoureuse de la vérité, c'est le jugement qui fait tout, sauf quand, parfois, il est besoin pour se faire comprendre de les introduire en recourant à une analogie appropriée ; et ainsi il y a de quoi faire usage de l'imagination. En revanche, en ce qui concerne les métaphores, elles sont, dans ce cas, complètement exclues. En effet, étant à l'évidence destinées à tromper, ce serait manifestement de la sottise que d'y recourir pour donner des conseils ou pour raisonner.
Et, quel que soit le discours, si la déficience dans le discernement est visible, si fantaisiste que soit l'imagination, l'ensemble du discours sera considéré comme le signe d'un manque d'intelligence ; mais il n'en sera jamais ainsi si le discerenement est manifeste, si pauvre soit l'imagination.
Séance de rentrée de
l’Ecole de formation du barreau de Paris
le 3 janvier 2007
Guy Canivet
Premier président de la Cour de cassation
La loyauté est aussi un devoir de l’avocat comme du magistrat. On ne trompe, par des manœuvres ou mensonges, ni son client ni son adversaire lorsque l’on est avocat, on ne tend aucun piège au justiciable lorsque l’on est juge… même juge d’instruction, on transcrit dans le dossier tout ce que l’on fait, tout ce que l’on sait, on ne dissimule rien, on ne ment ni par action, ni par omission… En justice, ne trompe pas qui peut !
La violence institutionnelle
La violence institutionnelle
Une violence commise sur des personnes vulnérables par des personnes ayant autorité
Myriam Lagraula-Fabre
Chez l'Harmattan, 10/2005
Rapport 2004 du SCPC
Rapport 2004 du SCPC
Paris, Direction des journaux officiels, 2005
III. - LES CONFLITS D'INTÉRÊTS DES PROFESSIONNELS DE JUSTICE
Les médias dénoncent régulièrement des comportements déviants imputables à des professionnels de justice.
Bordu F., « Les coups tordus des notaires », Capital, mars 2003, p. 126.
Decugis J.-M., « Ces juges qui dérapent », Le Point, 28 novembre 2003, p. 64.
Gattegno H., « Une enquête menace les administrateurs judiciaires parisiens », Le Monde, 8 avril 1999, p. 8.
Gaudino A., La Mafia des tribunaux de commerce, Albin Michel, 1998.
Gay M., Enquête sur les notaires, Stock, 1998.
... Les pratiques déviantes observées dans le monde de la justice, et plus particulièrement celles qui prennent la forme du conflit d'intérêts, font partie intégrante des préoccupations actuelles concernant l'exercice des professions de justice.
Littéralement et par opposition à l'amateur, le professionnel peut se définir comme la personne qui a fait d'une activité son métier et qui en vit. Cela suppose qu'il en maîtrise la théorie et la pratique, qu'il en partage la culture et les valeurs et qu'il en respecte l'éthique. Ces premiers éléments permettent de comprendre que le professionnel inspire naturellement la confiance à ceux qui sont susceptibles de faire appel à ses services.
...
1. LES MAGISTRATS
1.1. L'impartialité et l'indépendance
Les situations de conflits d'intérêts constituent une menace pour l'indépendance ou l'impartialité du professionnel concerné. En cela, elles mettent en cause les fondements du système judiciaire. Comme le souligne un auteur : « Qu'attend en effet l'usager de la justice, si ce n'est d'abord l'objectivité de celui devant lequel il se présente et entre les mains duquel il remet sa vie familiale, ses engagements contractuels, sa liberté ou son honneur ? ».
L'esprit des lois
L'esprit des lois
Montesquieu, 1758
Il y a trois espèces de gouvernements : le RÉPUBLICAIN, le MONARCHIQUE et le DESPOTIQUE. Pour en découvrir la nature, il suffit de l'idée qu'en ont les hommes les moins instruits. Je suppose trois définitions, ou plutôt trois faits : l'un que le gouvernement républicain est celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance; le monarchique, celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies ; au lieu que, dans le despotique, un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices.
Livre II. - Des lois qui dérivent directement de la nature du gouvernement
Chapitre I. De la nature des trois divers gouvernements
Le contradictoire en assistance éducative
Le contradictoire en assistance éducative
par Michel Rissmann
en réponse à Michel Huyette
JDJ décembre 2000, n° 200
La procédure devant le juge des enfants serait archaïque et moyenâgeuse : elle ne respecterait pas les droits fondamentaux des parents, bref, il serait temps, nous dit-on, de mettre fin à des siècles d'absolutisme judiciaire.
Nos cabinets seraient donc ainsi devenus, plutôt que le lieu symbolique où la loi se décline, un espace de non droit où règne l'arbitraire et la tyrannie sociale ; cette façon de présenter le travail des magistrats de la jeunesse, si elle heurte bien sûr notre sensibilité de professionnels, nous paraît surtout en contradiction avec l'esprit et la procédure judiciaire authentique (dans laquelle le contradictoire a véritablement toute sa place), mais aussi très originale par ses aspects relationnels, sur le fond, dans la forme.
Circulaire relative au décret n° 2002-361 du 15 mars 2002 modifiant le nouveau code de procédure civile et relatif à l'assistance éducative
PJJ 2002-01 K2/26-04-2002
NOR : JUSF0250055C
Le respect du droit des personnes exige que le principe du contradictoire soit réaffirmé et garanti par de nouvelles règles de procédure...
Et l’Etat ?
Il faut bien dire qu’il assure une présence en pointillé, considérant qu’il s’agit d’une compétence décentralisée qui relève des conseils généraux. Je cite souvent l’exemple de la circulaire de la Ministre Ségolène Royal de 2001 à l’intention des Préfets, pour leur rappeler leurs compétences en matière de protection de l’Enfance.
Jamais, cette circulaire(*) n’a été mise en oeuvre à part dans un ou deux Départements.
Claude Roméo
Directeur de l’« Enfance et de la Famille »
au Conseil général de Seine-Saint-Denis
dans le dossier de presse de l'appel des 100, mai 2005
*) Circulaire DGAS n° 2001/306 diffusée aux préfets le 3 juillet, relative à la prévention des violences et maltraitances notamment sexuelles dans les institutions sociales et médico-sociales accueillant des mineurs ou des personnes vulnérables
Enfants placés : les « rapts » de l'Administration
Enfants placés : les « rapts » de l'Administration
iFrap, Société Civile N°43, janvier 2005
Entre les deux cas extrêmes de l’enfant abandonné à sa naissance, et de celui dont la mère célibataire doit subir une intervention chirurgicale l’obligeant à rester quelques semaines à l’hôpital, les raisons de placer un enfant en dehors de sa famille ne manquent pas. Dans 20% des cas la famille a demandé le placement parce qu’elle s’estime incapable d’élever son enfant, et dans 80% des cas la décision lui est imposée par un juge, lorsque l’enfant est délinquant, ou "en danger" : battu, insuffisamment nourri, victime de violences sexuelles, ou simplement mal élevé ("victime de carences éducatives" dans le langage administratif).
Le placement peut avoir lieu dans un établissement public - foyer, hôpital ou prison - ou dans une famille, appelée autrefois nourrice, et maintenant "assistante maternelle". Des relations sont maintenues avec ses parents : retours périodiques de l’enfant dans sa famille, visites des parents, contacts téléphoniques ou épistolaires, etc.
Dans tous les cas, même lorsqu’il y a accord de la famille et de l’enfant, le placement est une décision douloureuse, montrant à la famille qu’elle n’est pas capable de s’occuper de l’enfant, et à l’enfant qu’il est rejeté par elle.
C’est souvent pour le juge une décision difficile à prendre. Vaut-il mieux placer l’enfant en dehors de sa famille, ou aider sa mère par une aide financière, ou ménagère, ou des conseils scolaires ou d’éducation ? Qu’est-ce qu’une "carence éducative" ? Comment définir les "troubles du comportement" ? Qu’est-ce qui sépare les câlins des attouchements ? Qu’est-ce qu’un alcoolique ? A quel degré une mésentente conjugale empêche-t-elle le développement de l’enfant ? La réponse à toutes ces questions n’est pas simple. A l’intérieur d’une famille, les relations parents/enfants, comme les relations conjugales, ne sont pas toujours sereines, et la gravité de leurs perturbations difficile à apprécier. Alors comment les apprécier, vues de l’extérieur ?
Crime et Folie
Crime et Folie
Deux siècles d’enquêtes médicales et judiciaires
M. Renneville, 2003
Présentation de l'éditeur. Comment depuis le XX° siècle, médecins, psychiatres et magistrats ont-ils expliqué les grands crimes ? Le crime est-il une folie et le criminel un malade ? Bosse du crime ; chromosome différent, théorie de Lombroso, le criminel a-t-il des alibis scientifiques ou une responsabilité pénale ?
Biographie de l'auteur. Marc Renneville, maître de conférences à l'université Paris VIII, est responsable du Centre interdisciplinaire de recherches de l'École nationale d'administration pénitentiaire. Il a reçu le prix du meilleur ouvrage de la société française d'histoire de la médecine pour Le langage des crânes, une histoire de la phrénologie.
Revue d'Histoire du XIXe siècle...
2006-33
Relations sociales et espace public
Compte rendu de lecture de Nicole Edelman, extrait
« Comment en est-on venu à l’idée que le criminel est un malade mental, quoique suffisamment responsable pour aller en prison. Où s’arrête le crime ? Où commence la folie ? Faut-il punir les malades mentaux ? Comment la prison est-elle devenue, au début du XXie siècle, « malade de ses fous » ? » (p. 10). Telles sont les questions qui constituent le fil rouge du nouveau livre de Marc Renneville. Si, jusqu’au XVIIIe siècle, le droit considère en effet le criminel comme maître de sa raison, cette certitude ne cesse ensuite de se craqueler. « La folie criminelle », déraison totale qui exclut le fou d’une peine carcérale, se transforme ainsi au XIXe siècle en « folie du crime », catégorie médicale aux contours conceptuels brouillés. Sur ce territoire se confrontent alors droit et médecine ; l’expertise psychiatrique médico-légale étant un des lieux d’échange permanent de ces deux disciplines.
Contribution à l'étude du délit de manipulation mentale préjudiciable
Contribution à l'étude du délit de manipulation mentale préjudiciable
Préface de Christine Lazerges
Guillaume Xavier Bourin
Editeur : Presses Universitaires d'Aix-Marseille - P.U.A.M.
Collection : Institut de Sciences Pénales et de Criminologie - I.S.P.E.C.
Centre de recherches en matière pénale Fernand Boulan
Parution : 01/2005
Plaidoyer pour le mensonge
Plaidoyer pour le mensonge
Laurent Lèguevaque
Chez Denoël, janvier 2006
Des pages 30-31 : « Prévoir la norme ne suffit pas. Il faut aussi en imaginer tous les dévoiements possibles... »
Page 55, la psychiatrie et « le mot - santé - est laché. La folie est une maladie, la maladie mentale. » La psychiatrie, « comment marche-t-elle ? Elle boitille et tatonne, balbutiant depuis deux siècles. »
Page 58, qui est très clair et l'auteur d'insister, il a été juge d'instruction durant treize ans : « En cela, la psychiatrie mérite son titre de science exacte. En ce qu'elle est, dans sa version moderne, soeur et fille de la pharmacologie. Pour le reste, comme ses cousines en science humaines - psychologie, psychanalyse -, elle a autant de fondements scientifiques que l'horoscope chinois. »
Le pouvoir psychiatrique
Le pouvoir psychiatrique
Par Michel Foucault
De la leçon du 5 décembre 1973 au Collège de France...
Et bien pourquoi à cette époque là ; que s'est il passé à cette époque là ? Quel est le support de tout cela ? J'ai longtemps cherché et c'est tout simplement en me posant la question nietzschéenne : « Qui parle ? », qu'il semblait que l'on pouvait peut être être mis sur une piste. En effet, qui formule cette idée ? Où est-ce qu'on la retrouve ?
Ordonner et exclure (entre 1000 et 1150)
Ordonner et exclure (entre 1000 et 1150)
Cluny et la société chrétienne face à l'hérésie, au judaïsme et à l'islam
Iogna-Prat, Champ-Flammarion, 2004
Page 262
Sorcières, Justice et Société aux XVIe et XVIIe siècles
Sorcières, Justice et Société
aux XVIe et XVIIe siècles
Lors de la grande vague de persécutions des « sorcières », une analyse historique des protagonistes : la sorcière, le juge, le village. Une réflexion sur la culture populaire et sur la naissance du monde moderne.
Robert Muchembled,
aux éditions Imago, 1987
Sorcières, justice et société, page 8
Sorcières, justice et société, page 95