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La psychiatrie - et la justice - à l'épreuve du scientisme
La psychiatrie à l'épreuve du scientisme
Par Bernard Odier
Paru dans l'Information Psychiatrique
Revue mensuelle des psychiatres des Hôpitaux
Volume 80, numéro 7, septembre 2004
Pages 557 et suivantes
Extraits de l'article
[38] Weber M. Le savant et le politique. Paris : La Découverte, 2003
Présentation de l'éditeur, nouvelle traduction d'octobre 2003.
"La profession et la vocation de savant", "La profession et la vocation de politique" sont deux conférences célèbres de Max Weber qui ont fait l'objet d'une première traduction française en 1959 sous le titre Le Savant et le Politique. Prononcées respectivement en novembre 1917 et en janvier 1919, elles portent la marque de la période où elles furent conçues, celle de l'effervescence révolutionnaire de la fin de la Première Guerre mondiale.
Mais l'ampleur de la perspective que prend Weber sur les thèmes proposés leur a conféré le statut de classiques de la sociologie et de la théorie politique. Pour étudier les figures du savant et de l'homme politique, Weber conjugue une approche historico-sociologique, attentive aux conditions concrètes d'exercice de chacune des "professions", et une interrogation éthique sur le sens que peuvent avoir l'une et l'autre, qui autorise à les vivre comme "vocations", ainsi que sur les responsabilités qu'elles engagent. Jouant de ce double registre, il invite à comprendre les formes que revêtent aujourd'hui aussi bien la pratique de la science que l'exercice de la politique comme deux aspects du destin des sociétés modernes, marquées au sceau de la rationalisation et de l'intellectualisation.
Ces deux conférences sont ici proposées dans une traduction nouvelle qui vise à satisfaire les exigences de rigueur qu'impose la réception la plus récente. En tenant compte des commentaires et des interprétations qui se sont multipliés durant ces vingt dernières années, la présente traduction veut offrir au lecteur un texte précis qui permet d'apprécier la signification de certains mots-clés, naguère traduits d'une façon approximative
De « Plaidoyer pour le mensonge », par Laurent Lèguevaque...
Des pages 30-31 : « Prévoir la norme ne suffit pas. Il faut aussi en imaginer tous les dévoiements possibles... »
Page 58, qui est très clair et l'auteur d'insister, il a été juge d'instruction durant treize ans : « En cela, la psychiatrie mérite son titre de science exacte. En ce qu'elle est, dans sa version moderne, soeur et fille de la pharmacologie. Pour le reste, comme ses cousines en science humaines - psychologie, psychanalyse -, elle a autant de fondements scientifiques que l'horoscope chinois. »
Page 61, « Rien de grave cependant : l'avis de l'expert ne lie pas le juge »
Le placement familial ; ses secrets et ses paradoxes
Le placement familial
Ses secrets et ses paradoxes
Pierre Sans
L'Harmattan, mars 1998
Collection Placement familial et familles d'accueil
Ce qui se passe quotidiennement du côté des familles d’accueil de l’Aide sociale à l’enfance est particulièrement démonstratif de cette négation de la liberté individuelle et familiale, ici, comme ailleurs, en France, et il faut bien le dire partout dans le monde dit “civilisé”. Au nom de l’intérêt supposé de l’enfant, tout paraît permis aux équipes ; elles peuvent entrer partout, poser toutes les questions qu’elles souhaitent, même les plus indiscrètes, dans la plus totale impunité. Bref, la famille doit être transparente. Du côté des familles d’accueil des “placements familiaux spécialisés” ou des “accueils familiaux thérapeutiques” les procédures sont un peu moins inélégantes, elles sont plus enrobées de scientisme et de blabla psy, mais au fond les choses sont identiques. Au nom cette fois-ci du “transfert”, ou de l’étude des “systèmes” et des “interactions”, des investigations de la plus totale indiscrétion peuvent être menées sur la vie familiale, des conclusions rédigées, placées dans des dossiers, transmises à d’autres équipes, voire à des services administratifs, “analysées” en réunion, en toute bonne foi.
Soyons clairs : je ne prétend pas qu’il ne soit pas licite d’étudier la structure des familles candidates à l’accueil, et pourquoi pas leurs motivations, si on s’en sent capable, puis qu’il ne soit indispensable de les suivre pour vérifier que ce qui s’y passe est à peu près conforme à l’intérêt de l’enfant, de l’adolescent, de l’adulte ou de la personne âgée placée. Ce que je conteste est l’esprit dans lequel cela est souvent fait, le manque de critique des risques politiques qui s’y glisse, l’absence d’éthique et parfois du plus élémentaire bon sens.
« On nous disait que c’était nécessaire, qu’il fallait l’interner »
Une sœur dans un asile de douleur • A l’occasion de la sortie de son documentaire, «Elle s’appelle Sabine», l’actrice Sandrine Bonnaire est retournée pour «Libération» sur les lieux où a été internée sa sœur, dressant un constat alarmant de la psychiatrie publique.
Libération, le 29/01/08, extrait
Sandrine Bonnaire n’est pas en colère. Ou alors, elle le cache par délicatesse. De retour d’une visite aux deux hôpitaux psychiatriques où sa sœur, Sabine, a été internée pendant près de quatre ans, Sandrine semble se parler à elle-même : «Sabine a été endormie, enfermée, droguée, et tout cela a servi à quoi ? Pendant ces années-là, on ne comprenait pas. On nous disait que c’était nécessaire, qu’il fallait l’interner. Et nous, avec mes sœurs, on voyait Sabine décliner, décliner»…
Quand la prison usurpe la plume des psys • De faux avis psychiatriques auraient été établis pour justifier des sanctions contre des détenus.
Libération, Samedi 26 août 2006 - 06:00
C'était en mars 2005, à la prison d'Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône), un détenu a foncé sur François Arnaud, son psychiatre, le chef de service du Spad (1). «Il était fou de colère, raconte le médecin, il m'a lancé : "C'est scandaleux, vous avez violé le secret médical et en plus vous avez dit n'importe quoi !"» A sa grande stupeur, le médecin découvre l'imprimé que lui tend son patient et intitulé «rapport d'enquête», retraçant un incident en prison dans lequel était impliqué le prisonnier. Y figure un paragraphe intitulé : «Eléments de personnalité : maîtrise de la langue française, observations recueillies auprès du service médical, avis du psychiatre le cas échéant.» Rien que cela est déjà très bizarre, puisque cela revient à demander aux médecins de violer leur secret professionnel. De balancer, en fait, des informations confidentielles dans le cadre d'une enquête interne à la prison, après une faute commise par un détenu. La finalité est une sanction, très souvent le mitard. Pire encore, le psychiatre peut y lire son prétendu avis : «Détenu qui connaît bien la détention et cherche toujours à se défiler. Il a toujours à l'esprit un scénario pour se disculper.» Cette fois, c'est le médecin qui est fou de rage. «Non seulement ce paragraphe nommé "Avis du psychiatre" est totalement antinomique avec notre éthique, nos missions et notre déontologie, mais en plus il s'agit de faux utilisés par l'administration pénitentiaire !»
Acquittement pour la mère ayant tuée sa fille handicapée
Le 9 avril. Née prématurée avec une grave infirmité motrice cérébrale, Anne-Marie était invalide à 90%. A 26 ans, elle avait l'âge mental d'un enfant de 5 ans, souffrait d'épilepsie et de vomissements à répétition. Ces vingt dernières années, la justice française a, le plus souvent, prononcé des peines de prison avec sursis à l'encontre des parents meurtriers ou assassins de leurs enfants handicapés.
VERSAILLES (AFP), le 17 avril - Le procureur général de la cour d'appel de Versailles a annoncé jeudi à l'AFP qu'il interjetait appel de la décision d'acquittement de Lydie Debaine qui avait tué en 2005 sa fille handicapée motrice cérébrale de 26 ans.
Acquittement pour la mère ayant tuée sa fille handicapée
E.A. (lefigaro.fr) avec AFP
09/04/2008 | Mise à jour : 18:49
Lydie Debaine était jugée pour avoir mis fin aux jours de sa fille de 26 ans, handicapée motrice cérébrale dont l'état de santé se dégradait.
La parole de l'enfant
La parole de l'enfant
Aspects juridiques, éthiques et politiques
De Jean-Pierre Rosenczveig et Pierre Verdier
Dunod, 1999
Page 72
Justice et psychiatrie ; Normes, responsabilité, éthique
Justice et psychiatrie ;
Normes, responsabilité, éthique
Sous la direction de Claude Louzon et Denis Salas
Erés, 1998
Ce livre est issu de sessions à l'Ecole nationale de la magistrature organisées par Anne Valentini et Michel Doumenc, maîtres de conférences, et placés sous la direction de Claude Louzoun (psychiatre, psychanaliste, président du Comité européen : droit, éthique et psychiatrie) et de Denis Salas (magistrat, membre de l'Institut des hautes études sur la justice).
Déontologie : pourquoi les garde-fous peuvent sauter
NDLR : Un article succinct, clair et précis. De même, la justice des mineurs et le secteur de la protection de l'enfance ont beau élaborer des chartes et des guides de bonnes pratiques (chaque région adoptera les siennes et le juge du siège a une jurisprudence qui lui est propre), l'énoncé de ces principes cadrera mal avec des pratiques caractérisées par le foisonnement des normes (le droit de la famille et son interpretation) et des injonctions, parfois contradictoires.
Déontologie : pourquoi les garde-fous peuvent sauter
LE MONDE ECONOMIE | 11.02.08
L'affaire de la Société générale montre à quel point les pratiques professionnelles sont susceptibles de déraper. Les grandes entreprises ont pourtant multiplié les codes de bonne conduite et autres chartes éthiques censés aller au-delà de la seule réglementation pour limiter le risque de telles défaillances. Les règles de bonne gouvernance devaient aussi améliorer le contrôle et la transparence et clarifier les responsabilités. Mais l'énoncé de ces principes cadre mal avec des organisations du travail caractérisées par le foisonnement des normes et des injonctions, parfois contradictoires
Tromperie chez Credit Suisse
A lire sur LeTemps.ch, 26 mars 2008
CRISE. Les manipulations comptables de traders vont coûter 2,9 milliards de francs à la banque.
« En justice, ne trompe pas qui peut ! », selon Guy Canivet
Séance de rentrée de
l’Ecole de formation du barreau de Paris
le 3 janvier 2007, sur le site de la cour de cassation
Guy Canivet
Premier président de la Cour de cassation
(...) Aux uns comme aux autres, on dira ce qui se fait et s’évite ; aux uns comme aux autres, on apprendra les « convenances » de leur métier. C’est précisément le sens étymologique de la déontologie, « connaître ce qui est convenable ».
(...) Par exemple, pour l’un comme pour l’autre, on cite l’indépendance. Certes, l’indépendance de l’avocat n’est pas la même que celle du magistrat, mais elle vise à la même chose : la crédibilité. C’est parce que l’avocat est indépendant de toute subordination qu’il est écouté dans ce qu’il défend, c’est parce que le jugement ne répond à aucune instruction, à aucune influence, à aucune complaisance qu’il fait autorité dans ce qu’il décide.
(...) Tous ces principes éthiques : honneur, probité, dignité, visent en réalité, à travers le comportement de ceux qui la servent, à protéger le crédit de la justice. Rien dans le comportement des uns et des autres ne doit porter atteinte à l’institution à laquelle ils participent selon des modalités différentes. Dans une audience, c’est, indistinctement, le comportement des uns et des autres qui fait la qualité du débat, qui donne l’impression d’une justice sereine.
(...) La loyauté est aussi un devoir de l’avocat comme du magistrat. On ne trompe, par des manœuvres ou mensonges, ni son client ni son adversaire lorsque l’on est avocat, on ne tend aucun piège au justiciable lorsque l’on est juge… même juge d’instruction, on transcrit dans le dossier tout ce que l’on fait, tout ce que l’on sait, on ne dissimule rien, on ne ment ni par action, ni par omission… En justice, ne trompe pas qui peut !
(...) Il y aurait encore l’humanité. Regarder celui qui réclame justice ni comme un bénéficiaire de prestation, un pur agent économique, ni comme un importun, ni comme un ennemi, ni comme un menteur, mais comme un homme dans une situation difficile qui se défend ou revendique son droit.
Calliclès : Cet homme-là ne cessera pas de dire des pauvretés. Socrate, réponds-moi : n'as-tu pas honte, à ton âge, d'éplucher ainsi les mots, et de croire que tu as cause gagnée lorsqu'on s'est mépris sur une expression ? Penses-tu que par les plus puissants j'entende autre chose que les meilleurs ? Ne te dis-je pas depuis longtemps que je prends ces termes de meilleur et de plus puissant dans la même acception ? T'imagines-tu que ma pensée est qu'on doit tenir pour des lois ce qui aura été arrêté dans une assemblée composée d'un ramas d'esclaves et de gens de toute espèce, qui n'ont d'autre mérite peut-être que la force du corps ?
Platon,
Gorgias ou De la Rhétorique
Les propos ne sont pas contradictoires : ce que disent les avocats ou les acquittés ne fait l'objet d'aucune vérification. Par exemple, il est reproché avec véhémence au juge Burgaud, lors de son audition, de n'avoir pas prononcé de non-lieu pour un jeune handicapé. Sous la pression de la médiatisation et ne pouvant s'appuyer sur une référence précise au dossier, il oublie de préciser qu'il ne l'a en réalité jamais mis en examen ! Et ses avocats ne peuvent intervenir... Avec la méthode et le dispositif qui la soutient, disparaissent aussi les garanties.
Antoine Garapon et Denis Salas,
Les Nouvelles Sorcières de Salem, seuil, octobre 2006, p79-80
Rapport 2004 du SCPC
Rapport 2004 du SCPC
Paris, Direction des journaux officiels, 2005
III. - LES CONFLITS D'INTÉRÊTS DES PROFESSIONNELS DE JUSTICE
Les médias dénoncent régulièrement des comportements déviants imputables à des professionnels de justice.
Bordu F., « Les coups tordus des notaires », Capital, mars 2003, p. 126.
Decugis J.-M., « Ces juges qui dérapent », Le Point, 28 novembre 2003, p. 64.
Gattegno H., « Une enquête menace les administrateurs judiciaires parisiens », Le Monde, 8 avril 1999, p. 8.
Gaudino A., La Mafia des tribunaux de commerce, Albin Michel, 1998.
Gay M., Enquête sur les notaires, Stock, 1998.
... Les pratiques déviantes observées dans le monde de la justice, et plus particulièrement celles qui prennent la forme du conflit d'intérêts, font partie intégrante des préoccupations actuelles concernant l'exercice des professions de justice.
Littéralement et par opposition à l'amateur, le professionnel peut se définir comme la personne qui a fait d'une activité son métier et qui en vit. Cela suppose qu'il en maîtrise la théorie et la pratique, qu'il en partage la culture et les valeurs et qu'il en respecte l'éthique. Ces premiers éléments permettent de comprendre que le professionnel inspire naturellement la confiance à ceux qui sont susceptibles de faire appel à ses services.
...
1. LES MAGISTRATS
1.1. L'impartialité et l'indépendance
Les situations de conflits d'intérêts constituent une menace pour l'indépendance ou l'impartialité du professionnel concerné. En cela, elles mettent en cause les fondements du système judiciaire. Comme le souligne un auteur : « Qu'attend en effet l'usager de la justice, si ce n'est d'abord l'objectivité de celui devant lequel il se présente et entre les mains duquel il remet sa vie familiale, ses engagements contractuels, sa liberté ou son honneur ? ».