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Frères et soeurs placés : pourquoi les séparer ?
« On ne dispose aujourd’hui en France d’aucune statistique globale sur cette question. Pas plus qu’il n’existe de politique générale. Et les situations restent encore très variables d’un département à l’autre », résume Paul Durning, directeur de l’Oned (Observatoire national pour l’enfance en danger).
Trop souvent encore, et aussi étonnant que cela puisse paraître, les frères et sœurs sont tout simplement « oubliés ». C’est ce qu’a constaté Hayat Ghazal qui, dans le cadre de sa thèse de psychologie, étudie les dossiers de jeunes adultes (âgés de 18 à 21 ans), placés dans la région de Tours et d’Orléans : on trouve dans ces dossiers très peu d’éléments sur les frères et sœurs, les liens qu’ils peuvent avoir avec eux… Et il n’est parfois même pas mentionné s’ils en ont.
Paru dans La Croix du 08/11/2006
Frères et soeurs placés : pourquoi les séparer ?
Par négligence ou manque de structures adaptées, de nombreuses fratries sont encore aujourd'hui séparées
Albert, 66 ans, abandonné et placé à l’âge de 3 ans, a dû attendre d’avoir 21 ans pour découvrir qu’il avait un frère et une sœur, qui vivaient non loin de chez lui. « Quand je posais la question à l’assistante sociale, elle me répondait : “Ça ne te regarde pas.” C’était comme ça », dit-il avec fatalisme. Jacqueline, 65 ans, a eu davantage de « chance ».
Dans le 9-3, même bronx que dans le 9-5 ?
Pour en savoir plus,
Justice, la bombe à retardement : Dans les coulisses du tribunal de Bobigny
Olivia Recasens, Jean-Michel Décugis et Christophe Labbé
Robert Laffont, mars 2007
Présentation de l'éditeur. En première ligne face à la violence des banlieues, le TGI de Bobigny est le deuxième tribunal de France. Les auteurs de Place Beauvau ont choisi de vivre un mois en immersion complète dans cet incroyable théâtre. Ils ont assisté à des centaines d'audiences, rencontré des dizaines d'avocats et de magistrats. Avec leur habituelle indépendance d'esprit, ils ont choisi de raconter, sans a priori, tout ce qu'ils voyaient, tout ce qu'ils entendaient. Des magistrats débordés qui n'ont simplement pas les moyens de faire front, des victimes qui ont l'impression d'être méprisées, des bandes qui font du tribunal leur territoire... Le verdict est sans appel : la Justice n'est pas adaptée à une délinquance de plus en plus jeune, de plus en plus violente. Aucun rapport d'homme politique, aucun témoignage de haut fonctionnaire ou de magistrat, aucune enquête sociologique même ne peut atteindre la force du constat de ce récit : au TGI de Bobigny, au cœur de la France malade, l'État a démissionné.
Biographie de l'auteur. Olivia Recasens, Jean-Michel Décugis et Christophe Labbé ont publié avec succès Place Beauvau aux Éditions Robert Laffont, en 2006. Ils sont tous les trois journalistes au Point.
05/04/2007 N°1803 Le Point
Délinquance - Ces jeunes dont personne ne sait quoi faire
En Seine-Saint-Denis, l’association En temps accueille des mineurs à la dérive. Mais les méthodes musclées de son directeur sont controversées.
Les affrontements de la gare du Nord entre policiers et jeunes de banlieue ont remis la sécurité au coeur de la campagne. La droite et la gauche s’écharpent à nouveau sur la délinquance des mineurs et le problème des multirécidivistes. Face à Nicolas Sarkozy qui réclame l’ « impunité zéro », Ségolène Royal brandit la carte de l’armée pour prendre en charge les jeunes délinquants de plus de 16 ans.
Une fois encore, Le Point est allé mesurer sur le terrain combien la réalité est éloignée des discours. A la rencontre de jeunes souvent déstructurés, ultraviolents, qui ont été éjectés du système scolaire et dont personne ne veut. Des mineurs qui se retrouvent dans des structures « expérimentales » aux méthodes controversées. Dans le « 9-3 », où deux tiers des vols avec violence sont commis par des mineurs, c’est l’association En Temps qui récupère les cas les plus lourds. A sa tête, Serge Beaugrand, un autodidacte qui mène ses troupes d’une main de fer avec un conseil d’administration rachitique, uniquement composé d’un président et d’un trésorier. Nous avons demandé à Serge Beaugrand de nous expliquer ses méthodes. Créée en 2001, l’association est financée par l’Aide sociale à l’enfance de Seine-Saint-Denis à hauteur de 4 millions d’euros par an. En temps accueille soixante enfants arrivés en France sans papiers, et surtout une vingtaine de mineurs de 12 à 18 ans en grande difficulté.
Déviances et modalités de contrôle, la France et l’Allemagne en perspective
Déviances et modalités de contrôle
La France et l’Allemagne en perspective
Déviance & Société
2005 ~Vol. 29 ~N°3
Editions Médecine et Hygiène
Revue publiée avec le concours
Du Centre National de la Recherche Scientifique
Un scandale sanitaire soigneusement étouffé
Avant la récente épidémie propagée par un fromage d’Époisses, la listériose avait massivement tué en France en 1992. Un scandale sanitaire soigneusement étouffé. Listériose : ces 63 morts que l’on a cachés en 1992.
Enquête, révélation.
Un article de l'Humanité du 19 mars 1999, extraits
Les services vétérinaires, actuellement au centre d’une enquête administrative, avaient, à l’époque, protégé l’industriel responsable.
L’affaire paraissait incroyable. Elle est exacte, vérifiable, choquante.
... Le fabricant n’a pas été inquiété. Son nom a été tenu secret. Il n’y a eu aucune mise en garde précise des consommateurs, aucun appel à retirer des rayons les produits suspectés d’être dangereux. On a comptabilisé les victimes, sans leur permettre de demander des comptes à l’industriel présumé responsable de leurs deuils.
Contactée, la Direction générale de l’alimentation ne dément pas nos informations. Un contrôleur vétérinaire nous répond : " Si les choses se sont passées comme vous le dites, c’est que nous avions des consignes venues d’en haut. " Il justifie ce qui s’est passé en agitant le spectre du chômage : " Si le nom de l’entreprise avait été rendu public, il aurait fallu la fermer. " Alors pourquoi avoir rendu public celui de deux fromageries, récemment, dans des épidémies de moindre ampleur ? Faut-il poser la question en opposant santé publique et emploi ? La mort ou le chômage ? Un débat douteux.
Ce fonctionnaire nous renvoie finalement vers la Direction des fraudes (DGCCRF). Le ping-pong habituel. Là, une chef de service nous développe une argumentation en cinq points : 1ø) La listériose est une maladie fréquente et la plupart du temps anodine. 2ø) Elle ne frappe que des personnes imprudentes qui n’ont pas respecté les consignes sanitaires habituelles (voir encadré). 3ø) La société exige un risque zéro complètement irréaliste. 4ø) Ce n’est pas parce qu’il y a décès qu’il y a eu faute grave. 5ø) Aucun journaliste ne pourra jamais établir que les 63 décès ont une seule et même cause.
Un journaliste ? Comment contester les propos du directeur général de l’alimentation de l’époque, Jean-François Guthmann ? Le 29 septembre 1993, au cours d’une conférence organisée par le SNVIMA (Syndicat national des vétérinaires inspecteurs du ministère de l’Agriculture), un dialogue édifiant s’est engagé entre ce haut fonctionnaire et un éminent juriste, le professeur Yves Mény, sur un thème passionnant : confusion des rôles, conflits d’intérêts et déficience des contrôles dans de nombreux États européens.
Yves Mény : " La meilleure chance pour que les fonctions de contrôle soient reconnues est l’apparition d’un scandale, car les administrations et les hommes politiques ont un agenda ronronnant mais des attitudes réactives, sans prendre l’initiative. Il faudrait un scandale pour les services vétérinaires... "
Jean-François Guthmann : " Je dois donc comprendre que les agents des services vétérinaires travaillent trop bien puisqu’il n’y a pas eu de scandale à la suite des épidémies de listériose... "
Yves Mény : " Je m’étonne que l’opinion publique ne se soit pas mobilisée sur les problèmes de rillettes et de langues de porc (...). Les Français n’aiment pas beaucoup la transparence, car elle entraîne souvent des conflits. Par exemple, le responsable de l’affaire des langues de porc n’a jamais été cité. "
Jean-François Guthmann : " À la date où le nom du responsable a été connu, après huit mois de corrélations statistiques, l’entreprise avait déjà mis en ouvre les mesures correctives indispensables. Fallait-il alors mettre l’entreprise concernée au ban, avec les enjeux économiques que cela comporte ? "
Cette répartie du directeur général de l’alimentation nous apporte trois réponses capitales. Il y a eu faute puisqu’il y a eu " mesures correctives ". La responsabilité de l’épidémie est attribuée à un seul responsable. Ce nom, connu, a été gardé secret. Était-ce parce qu’il s’agissait d’un établissement qui aurait dû être soumis à des services vétérinaires réguliers ? La réaction du professeur Mény mérite d’être méditée : " Est-ce qu’une personne qui a tué quinze personnes sur la route mais qui n’est plus en possession de son véhicule au moment de son arrestation ne doit pas être poursuivie ? "
Les familles des victimes apprécieront.
L’industriel a-t-il été protégé parce que son établissement bénéficiait de contrôles vétérinaires réguliers ?
La censure de Vichy
Revue d'histoire de l'enfance "irrégulière", Numéro 3, 2000
L'enfant de justice pendant la guerre et l'immédiat après-guerre
2) La censure de Vichy
... le film fut surtout amputé d'une séquence essentielle et qu'il importe ici de restituer. Nous sommes de nouveau dans les scènes se déroulant à l'Hôtel du Parc, quand Jean Victor accompagné de ses deux acolytes, Malory et Ferrand, tente d'obtenir d'un fonctionnaire guindé l'autorisation d'ouvrir son centre de rééducation en se livrant à un réquisitoire contre les « bagnes d'enfants » :
Jean Victor : « Il ne faut plus que l'on traite les enfants comme des bêtes et que les pénitenciers soient des fabriques de révoltes. On les bride, on les écrase sous prétexte de les redresser et puis [ensuite] on les rejette à la rue comme des épaves. Ce système-là a fait faillite. C'est une honte pour notre pays de l'avoir toléré si longtemps... Il ne doit plus y avoir de bagnes pour les enfants » [...]
Le fonctionnaire : « Il ne faut rien exagérer ! Moi qui vous parle, j'ai appartenu autrefois à l'administration pénitentiaire. Je connais bien la question... je vous assure qu'il court beaucoup de légendes sur les pénitenciers de jeunes délinquants »
Jean Victor se contenant : « Pourtant il y a des faits qui ne sont pas niables »
Le fonctionnaire dit tranquillement avec son sourire sceptique : « Oui... quelques petits abus... des cas isolés... dont la presse s'était emparée avant la guerre... permettez-moi de vous le dire... heureusement ils ont été d'ailleurs sévèrement réprimés... maintenant tout cela est très surveillé, croyez-moi... Ces jeunes chenapans sont conduits avec beaucoup plus de douceur qu'on ne l'imagine... »
Malory, incapable de se contenir s'est levé d'un bond : « Eh bien ! vous en avez un culot, vous ! »
Le fonctionnaire stupéfait balbutie : « Comment ? »
Jean Victor intervient : « Excusez mon ami, Monsieur. Il est étonné et il y a de quoi ! Si vous êtes de bonne foi... alors c'est qu'on vous cache tout »
Ferrand, ouvrant tout à coup sa chemise et montrant sur son cou une longue cicatrice, crie à son tour : « Et ça ? C'en est de la douceur ? Un coup de poinçon d'un gardien à l'atelier de menuiserie à Eysses... »
« L’adoption internationale aujourd’hui », intervention de Rama Yade
L’adoption internationale aujourd’hui
Intervention de Mme Rama Yade en clôture du colloque de l’Agence Française de l’Adoption
Paris, 8 novembre 2007
Monsieur le Président,
Madame la députée,
Mesdames et messieurs,
Je viens clôturer vos travaux chargée du poids de l’actualité récente au centre de laquelle se trouvent les enfants.
C’est une occasion importante pour moi, une occasion que je n’aurais voulu rater pour rien au monde. C’est en effet la première fois que j’interviens publiquement sur le sujet depuis que Bernard Kouchner m’a demandé de prendre en charge la question de l’adoption internationale. C’est d’ailleurs avec lui aussi que nous avons reçu Jean-Marie Colombani dans le cadre de la mission que lui a confié le Président de la République.
Il s’agit d’abord de rappeler avec force quelques valeurs essentielles que nous partageons.
Les droits de l’enfant priment sur toutes les autres considérations. Le désir d’enfant peut être très fort, très généreux, mais il n’en reste pas moins que ce n’est pas parce qu’on veut un enfant qu’on y a droit. Le respect des droits de l’enfant c’est le premier devoir des familles.
Ce devoir doit être exercé avec responsabilité et je sais bien que c’est le cas de vous tous, pays, organismes et familles réunis ici.
Ce n’est pas parce qu’on est convaincu qu’il faut sauver un enfant qu’on peut s’affranchir de ses droits les plus élémentaires.
235.155 Danger et conflit. Il a été proposé dans une certaine doctrine ancienne que, comme tout magistrat, l'intervention du juge des enfants se résume à la résolution d'un conflit, dont l'existence aurait recouvert toutes les autres exigences de la loi...
Je suis effarée des conséquences de l’affaire Arche de Zoé pour les enfants. Je suis effarée de la légèreté avec laquelle certains ont cru pouvoir s’affranchir des règles de droit international, national, et de l’environnement culturel et familial de ces enfants.
Le Journal des Accidents et des Catastrophes
Le Journal des Accidents et des Catastrophes
Edité par le CERDACC (Centre Européen de Recherches sur le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes)
Accidents judiciaires,
l'Etat justement condamné pour faute lourde
Par Claude Lienhard,
professeur des Universités, directeur du Cerdacc
Extraits de l'article, un jugement et un arrêt commentés...
L'institution judiciaire, comme toute institution, peut connaitre des dysfonctionnement. Dans un état de droit il importe que les justiciables-citoyens victimes puissent obtenir une réparation symbolique et effective. Le temps de l'omerta est révolu. C'est donc un nouveau champ de recherche qui s'ouvre.
Le JAC, comme en d'autres matières, vous en rendra compte. Deux décisions ont retenu notre attention car elles ont donné gain de cause à des justiciables dont la vie a été brisée ou bouleversée par des décisions révélant a posteriori un dysfonctionnement lourd du systéme judiciaire. Il y a bien des analogies entre les deux situations.
(...) De cela, le tribunal déduit que se trouve caractérisé un fonctionnement défectueux du service public de la justice qui procède d’une faute lourde.
Par contre, le tribunal de Rennes a estimé que la faute ainsi commise avait seulement fait perdre aux époux Esnault une chance d’obtenir gain de cause, une chance que le tribunal a évalué, en fonction de l’ensemble des éléments du dossier, à 50 %.
Il est particulièrement rassurant que le système judiciaire accepte de se remettre en cause lorsque il ne remplit pas le contrat de confiance qui doit exister vis à vis des justiciables dans le cadre de l’exécution d’un service public de qualité. Il s’agit là d’une tendance forte dont on ne peut que se féliciter.
Il s’agit en plus d’une tendance lourde qui traverse l’intégralité du champ d’intervention judiciaire et nous en voulons pour preuve les avancées considérables de la commission d’indemnisation de la détention provisoire (CNIDP) qui n’hésite pas aujourd’hui à allouer des montants conséquents comme elle l’a fait récemment par une décision du 15 décembre 2000 en allouant 1,5 million de francs à un ancien administrateur judiciaire de Nanterre qui avait fait près de 6 mois de détention provisoire avant d’être innocenté.
Les nouvelles sorcières de Salem ; Leçons d'Outreau
Les nouvelles sorcières de Salem ; Leçons d'Outreau
Antoine Garapon et Denis Salas
Seuil, 2006
Si certains refusaient d'entrer dans la communauté des "croyants", s'ils refusaient d'habiter "l'âme collective" décrite par Le Bon, ils étaient progressivement mis à l'écart. Nul ne leur adressait la parole. Une communauté morale, en exigeant une "loyauté" sans faille au pacte qui l'unit, est totalitaire.
La répétition et l'affirmation de ce danger relancé à chaque fait divers provoquent les effets de croyance et de contagion décrits par Le Bon. Orchestrées par les media de masse, nourries d'un flot de mots et d'images, les réactions sociales portent ce mécanisme à l'incandescence. Toutes les attentes se dirigent alors vers une justice présumée capable de nous délivrer enfin du mal.
Dans les slogans de l'urgence morale, l'activisme est de bon ton. "Se taire, c'est laisser faire." La prudence se mue en attentisme, le respect des droits en laxisme, la mesure en indifférence coupable. "Plus personne ne pourra dire : je ne savais pas." Un culte de la précaution suspicieuse envahit toutes les sphères de la vie sociale. Seul compte la démonstration que tout a été fait pour éviter le pire.
Maât ; L'ordre juste du monde
Maât ; L'ordre juste du monde
Bernadette Menu,
Michalon, 2005
Les bagnes d'enfants, dieu merci, ça n'existe plus
Les bagnes d'enfants, dieu merci, ça n'existe plus
Jacques Fresco,
ed. Maspero, avril 1974
S'écarter des normes sociales, c'est s'exposer à connaitre l'institution spécialisée. Si cette "prise en charge" s'opère dans un lieu spécifique - internat, externat, hôpital, foyer, ... -, on parle alors de "placement". Les jeunes des foyers de Flers et des Cytise sont dits "placés".
Le comportement a-normal (c'est à dire différent de celui de la moyenne des gens ou différent de l'attente du pouvoir en place ?) peut concerner la vie sociale (par exemple : oisiveté, vol, agressivité), la vie affective et intellectuelle (bizarrerie, étrangeté, débilité), ou meme la situation familiale (pupille, reccueilli temporaire).
Ils - les ados de de Flers et les jeunes filles des Cytises à Caen - contestaient la marginalité réputée des "voyous" en général, et du placé en institution. La popularisation de leur lutte, les échanges avec la population, furent ainsi pour eux particulièrement fructueux.
Ils contestaient le hasard de leur placement. Ils trouvaient qu'il suffit de peu pour que toute une vie soit chamboulée.
Ils contestaient enfin la repression dont ils étaient l'objet dans l'institution où ils étaient placés.
... Ils évoquent toujours au départ leur demande d'aide ou celle de leurs parents, indispensable devant les conditions éprouvantes qu'ils rencontrent.
Des délits et des peines
Oeuvre de Voltaire,
des délits et des peines
1766
Extraits
II. — Des supplices
Les supplices recherchés, dans lesquels on voit que l’esprit humain s’est épuisé à rendre la mort affreuse, semblent plutôt inventés par la tyrannie que par la justice.
III. — Des peines contre les hérétiques
L’habitude devient loi; et depuis ce temps jusqu’à nos jours, c’est-à-dire pendant plus de sept cents années, on a brûlé ceux qui ont été ou qui ont paru être souillés du crime d’une opinion erronée.
X. — Des sorciers
Les médecins cherchèrent encore la marque satanique. Ils la trouvèrent à un petit seing noir sur une de ses cuisses. Ils y enfoncèrent l’aiguille. Les tourments de la question avaient été si horribles que cette pauvre créature expirante sentit à peine l’aiguille elle ne cria point ; ainsi le crime fut avéré. Mais comme les moeurs commençaient à s’adoucir, elle ne fut brûlée qu’après avoir été pendue et étranglée.
Tous les tribunaux de l’Europe chrétienne retentissaient alors de pareils arrêts. Les bûchers étaient allumés partout pour les sorciers, comme pour les hérétiques. Ce qu’on reprochait le plus aux Turcs, c’était de n’avoir ni sorciers ni possédés parmi eux. On regardait cette privation de possédés comme une marque infaillible de la fausseté d’une religion.
Un homme zélé pour le bien public, pour l’humanité, pour la vraie religion, a publié, dans un de ses écrits en faveur de l’innocence, que les tribunaux chrétiens ont condamné à la mort plus de cent mille prétendus sorciers. Si on joint à ces massacres juridiques le nombre infiniment supérieur d’hérétiques immolés, cette partie du monde ne paraîtra qu’un vaste échafaud couvert de bourreaux et de victimes, entouré de juges, de sbires, et de spectateurs.
X. — De la peine de mort
On a vu des juges qui aimaient à faire couler le sang; tel était Jeffreys, en Angleterre ; tel était, en France, un homme à qui l'on donna le surnom de coupe-tête. De tels hommes n'étaient pas nés pour la magistrature ; la nature les fit pour être bourreaux.
XII. — De la question
La loi ne les a pas encore condamnés, et on leur inflige, dans l’incertitude où l’on est de leur crime, un supplice beaucoup plus affreux que la mort qu’on leur donne, quand on est certain qu’ils la méritent.
La torture dans la République
La torture dans la République
Pierre Vidal-Naquet
Editions de Minuit, février 2004
Chapitre 8, Désordre dans la justice
Léviathan
Léviathan
Thomas Hobbes
ou Matière, forme et puissance de l'Etat chrétien et civil
Traductions, introduction, notes et notices par Gérard Mairet
Folio, 375, essais
En histoire, c'est le jugement qui doit dominer, car la bonne histoire réside dans la méthode, dans la vérité, et dans le choix des actions qu'il est plus profitable de connaître. L'imagination n'a pas sa place, sauf pour embellir le style.
Dans les propos élogieux et injurieux, l'imagination prédomine, par ce que le but n'est pas de dire la vérité, mais d'honorer quelqu'un ou de l'humilier - ce qui se fait à l'aide de comparaisons nobles ou basses. Le jugement ne fait que suggérer quelles circonstances produisent une action louable ou condamnable.
Dans les exhortations et les plaidoiries, selon que le but est de dire la vérité ou de la dissimuler, c'est le jugement ou l'imagination qui est le plus nécessaire.
Lors d'une démonstration que l'on fait ou d'un conseil que l'on donne, comme en toute recherche rigoureuse de la vérité, c'est le jugement qui fait tout, sauf quand, parfois, il est besoin pour se faire comprendre de les introduire en recourant à une analogie appropriée ; et ainsi il y a de quoi faire usage de l'imagination. En revanche, en ce qui concerne les métaphores, elles sont, dans ce cas, complètement exclues. En effet, étant à l'évidence destinées à tromper, ce serait manifestement de la sottise que d'y recourir pour donner des conseils ou pour raisonner.
Et, quel que soit le discours, si la déficience dans le discernement est visible, si fantaisiste que soit l'imagination, l'ensemble du discours sera considéré comme le signe d'un manque d'intelligence ; mais il n'en sera jamais ainsi si le discerenement est manifeste, si pauvre soit l'imagination.
Séance de rentrée de
l’Ecole de formation du barreau de Paris
le 3 janvier 2007
Guy Canivet
Premier président de la Cour de cassation
La loyauté est aussi un devoir de l’avocat comme du magistrat. On ne trompe, par des manœuvres ou mensonges, ni son client ni son adversaire lorsque l’on est avocat, on ne tend aucun piège au justiciable lorsque l’on est juge… même juge d’instruction, on transcrit dans le dossier tout ce que l’on fait, tout ce que l’on sait, on ne dissimule rien, on ne ment ni par action, ni par omission… En justice, ne trompe pas qui peut !
La violence institutionnelle
La violence institutionnelle
Une violence commise sur des personnes vulnérables par des personnes ayant autorité
Myriam Lagraula-Fabre
Chez l'Harmattan, 10/2005
Rapport 2004 du SCPC
Rapport 2004 du SCPC
Paris, Direction des journaux officiels, 2005
III. - LES CONFLITS D'INTÉRÊTS DES PROFESSIONNELS DE JUSTICE
Les médias dénoncent régulièrement des comportements déviants imputables à des professionnels de justice.
Bordu F., « Les coups tordus des notaires », Capital, mars 2003, p. 126.
Decugis J.-M., « Ces juges qui dérapent », Le Point, 28 novembre 2003, p. 64.
Gattegno H., « Une enquête menace les administrateurs judiciaires parisiens », Le Monde, 8 avril 1999, p. 8.
Gaudino A., La Mafia des tribunaux de commerce, Albin Michel, 1998.
Gay M., Enquête sur les notaires, Stock, 1998.
... Les pratiques déviantes observées dans le monde de la justice, et plus particulièrement celles qui prennent la forme du conflit d'intérêts, font partie intégrante des préoccupations actuelles concernant l'exercice des professions de justice.
Littéralement et par opposition à l'amateur, le professionnel peut se définir comme la personne qui a fait d'une activité son métier et qui en vit. Cela suppose qu'il en maîtrise la théorie et la pratique, qu'il en partage la culture et les valeurs et qu'il en respecte l'éthique. Ces premiers éléments permettent de comprendre que le professionnel inspire naturellement la confiance à ceux qui sont susceptibles de faire appel à ses services.
...
1. LES MAGISTRATS
1.1. L'impartialité et l'indépendance
Les situations de conflits d'intérêts constituent une menace pour l'indépendance ou l'impartialité du professionnel concerné. En cela, elles mettent en cause les fondements du système judiciaire. Comme le souligne un auteur : « Qu'attend en effet l'usager de la justice, si ce n'est d'abord l'objectivité de celui devant lequel il se présente et entre les mains duquel il remet sa vie familiale, ses engagements contractuels, sa liberté ou son honneur ? ».