« Du bon usage des parents | Assemblée nationale, rapport n° 3125, tome 2 » |
L'affaire Sébastien
JUSTICE
La grand-mère de Sébastien assigne l'État
Paru le : 14-11-2006
Républicain Lorrain
"Un doute légitime sur l'impartialité du juge", "une inimitié manifeste", "l'intérêt de l'enfant systématiquement ignoré"... Dans l'assignation qu'elle a lancée contre l'État pour "fonctionnement défectueux des services de la justice", Mireille Millet, qui poursuit son "combat" pour récupérer la garde son petit-fils, ne mâche pas ses mots. Audience jeudi.
La loi ne permet pas de mettre directement en cause un magistrat mais c'est bien "l'intégrité" et "les méthodes" du juge des enfants de Nanterre que la grand-mère de Sébastien met aujourd'hui en cause, à travers la procédure pour "faute lourde" qu'elle a lancée contre l'État et qui sera plaidée jeudi, devant le tribunal d'instance de Paris. "Par son attitude, depuis le début, ce juge a agi au détriment des intérêts de l'enfant, en violation des conventions internationales", plaidera son avocat, qui cite la Convention internationale sur les droits de l'enfant de l'ONU (1989). "Ce texte impose que dans toutes les décisions qui le concernent, "l'intérêt supérieur de l'enfant" doit être "une considération primordiale". Or, s'agissant de ce petit garçon, les décisions successives de placement du juge ont toutes été prises au mépris de son état psychologique et physique", observe Me Antoine Fittante.
"Tiers dignes de confiance", Mireille Millet et son époux ont, durant près de huit ans et jusqu'en 2003, élevé seuls leur petit-fils, à Tiercelet, l'état de santé de la mère et les visites épisodiques de son père ne permettant pas de lui assurer une éducation suivie. "Jusqu'au jour où, brutalement, Sébastien a été retiré de ce cadre paisible pour être confié à son papa qui l'avait demandé. Face au refus de l'enfant, la décision fut exécutée de force. La suite est connue: tentatives de suicide, anorexie et, finalement, échec de la mesure éducative mise en place", relate Me Fittante.
"Persistance dans l'erreur"
Petit bout de femme impavide et obstinée, Mireille Millet n'a pas toujours été très diplomate. Estimant son petit-fils "en danger", elle profite des grandes vacances pour "récupérer" l'enfant, qu'elle cache un temps chez des amis. Ce qui lui vaudra quelques jours de prison, en décembre 2003. "Le juge de Nanterre décide alors de le placer dans un foyer de la région parisienne", rappelle Me Fittante. Qui joint à son dossier les petits mots que le garçonnet fait alors passer "en douce" à sa mamie. "Mémé, pépé, vous me manquez, j'étouffe", écrit-il. "Si ça continue, je me suiciderai", se désespère-t-il un autre jour. Devant les médias, Mireille Millet pique des colères noires. "Ce qui n'a fait que braquer le juge, qui s'est entêté dans l'erreur comme s'il avait pris ma cliente en grippe et fait de ce dossier une affaire personnelle", dénonce Me Fittante.
En 2005, le juge suspend tout contact entre Sébastien et ses grands-parents. L'enfant maigrit à vue d'oeil. Nouvelle mesure d'assistance éducative: cette fois, Sébastien est renvoyé chez sa mère. "Sous tutelle, en proie à de graves troubles du comportement, celle-ci n'est toujours pas en mesure d'assumer seule l'éducation de son fils", assure Me Fittante. Les grands-parents ont bien demandé à ce que l'autorité parentale leur soit déléguée mais le TGI de Briey a jugé la demande "irrecevable". "Sébastien a aujourd'hui seize ans et ma cliente craint pour son avenir", témoigne l'avocat, qui évoque un "immense gâchis".
Jeudi, à l'audience, il réclamera un euro symbolique de dommages et intérêts.
Garde de Sébastien : l'État assigné pour "faute lourde"
Un article du Républicain Lorrain
Paru le 13 mai 2006 (Lorraine / Faits Divers)
Mireille Millet, qui poursuit son combat pour obtenir la garde de son petit-fils, qu'elle a élevé en grande partie avant que celui-ci ne lui soit retiré, en 2002 à la demande du père, assigne l'État pour "faute lourde".
En mettant en cause l'État, la grand-mère du petit Sébastien, originaire de Tiercelet dans la région de Briey, entend dénoncer "l'inaptitude du service public de la justice des mineurs à remplir sa mission". L'affaire a été plaidée jeudi devant le tribunal d'instance du 13e arrondissement de Paris. Élevé depuis sa plus tendre enfance par ses grands-parents, Sébastien, âgé aujourd'hui de 16 ans, leur avait été retiré de force en octobre 2002 pour être confié à son papa qui en réclamait la garde, en région parisienne. Estimant son petit-fils "en danger> chez son père, Mme Millet avait refusé de le renvoyer en Ile-de-France, allant jusqu'à le cacher chez des amis belges ce qui lui avait valu une mise en examen pour "non-représentation d'enfant" et quelques jours de détention provisoire - elle n'a toujours pas été jugée pour ces faits. L'enfant avait été placé ensuite dans une famille d'accueil. "Depuis, le juge des enfants est resté inflexible alors que toutes les mesures prises depuis que Sébastien fut retiré à mes clients se sont révélées désastreuses", déplore Me Antoine Fittante, conseil des grands-parents. "Il n'est pas resté chez son père, où il ne souhaitait d'ailleurs pas aller. Son placement en famille d'accueil fut encore plus épouvantable: Sébastien a commencé par déprimer, puis il s'est désocialisé. Il a tenté de se suicider et s'est trouvé rapidement en situation d'échec scolaire. Il a écrit des dizaines de lettres à sa mamie, la suppliant de le faire revenir à Tiercelet".
Convention de New York
Depuis août 2005, l'enfant vit chez sa mère, dans la région de Longwy. "Mes clients revendiquent toujours sa garde mais le problème n'est pas là. Ce que nous dénonçons, c'est le refus obstiné de la justice, après deux échecs successifs, à ne pas vouloir restituer Sébastien à ses grands-parents, chez lesquels il s'était toujours épanoui", insiste l'avocat.
Dans la procédure qu'il a engagée contre l'État, Me Fittante a notamment évoqué la Convention de New York, qui rappelle que "l'intérêt de l'enfant doit primer" dans toute décision le concernant. "Ce n'est pas le procès d'un magistrat que nous instruisons mais celui d'un système. La justice des mineurs a-t-elle les moyens nécessaires et un cadre juridique suffisamment solide pour remplir sa mission de protection de l'enfance? Nous pensons que non", souligne Me Fittante.
Mme Millet réclame à l'État un euro de dommage et intérêts. Plusieurs parents, dont le dossier est suivi par le même juge, étaient venus lui apporter leur soutien. À l'audience, l'avocat de l'agent judiciaire du Trésor, représentant l'État, a défendu au contraire les "décisions régulièrement motivées" de ce juge de Nanterre, lequel n'aurait agi "que pour protéger l'enfant d'un conflit familial terrible". Décision le 22 juin.
L'Humanité du 11/12/07, l'article lisible
société
La grand-mère de Sébastien condamnée
L''Humanité, le 7 mai 2008
Justice. Mireille Millet a écopé, hier, de trois mois de prison avec sursis pour avoir caché son petit-fils, en 2003, qu’elle estimait en danger chez son père.
Elle n’est ni heureuse, ni déçue. « Je m’y attendais, commente Mireille Millet. Si la justice m’avait relaxée, elle aurait reconnu implicitement ses torts… » Pas de surprise, donc. Le tribunal correctionnel de Briey (Meurthe-et-Moselle) a condamné, hier, cette volubile grand-mère à trois mois de prison avec sursis, ainsi que son mari Guy (un mois avec sursis), pour « non-représentation d’enfant ». La justice lui reproche d’avoir « caché », à l’automne 2003, son petit-fils Sébastien, âgé alors de treize ans. Elle rétorque qu’il ne s’agissait là que de le « protéger » d’un père chez qui le petit garçon ne voulait plus retourner.
Douloureuse affaire. Mireille et Guy ont hérité de Sébastien après le tumultueux divorce de ses parents, en 1994. Pendant huit ans, ils vont l’élever dans le village de Tiercelet. L’enfant s’épanouit normalement. Jusqu’en octobre 2002, date à laquelle le père le réclame et obtient sa garde. Sébastien a douze ans et part à contrecoeur pour la région parisienne. Le déracinement est terrible : résultats scolaires en chute libre, fugue, tentative de suicide, anorexie… À l’été 2003, l’enfant revient à Tiercelet pour les vacances scolaires. En triste état. « Il ne pesait plus que 28 kg… rappelle Mireille Millet. Le laisser repartir, c’était le mettre en danger. »
L’enfant la supplie de le garder avec elle. Mireille prend sa décision : fin août, elle refuse de rendre Sébastien à son père et le cache chez des amis. Plusieurs mois s’écoulent. En décembre 2003, elle est finalement interpellée et mise en examen. Lors de l’audience, le 1er avril dernier, les avocats de Mireille et Guy Millet ont plaidé la relaxe, invoquant « l’état de nécessité ». Inflexible, le procureur a réclamé quatre mois avec sursis, martelant que la grand-mère ne pouvait « se faire justice elle-même ». Le père, qui a perdu depuis la garde de Sébastien, était, lui, tout simplement absent. Les magistrats du siège ont suivi, peu ou prou, les réquisitions du parquet. Mireille Millet a décidé aussitôt de faire appel. « Je ne peux pas laisser les juges s’en tirer comme ça… »
Car l’affaire Sébastien ne se résume pas à cette non-représentation d’enfant. Depuis 2003, la justice des mineurs est coupable, aux yeux de Mireille Millet, de lui avoir constamment refusé la garde, préférant enchaîner les décisions désastreuses à l’égard de son petit-fils. Ballotté pendant six mois dans des familles d’accueil où il a continué de dépérir, Sébastien a finalement été confié, depuis août 2005, à sa mère, une jeune femme sous curatelle et en délicatesse avec la justice… « Elle a encore été condamnée à de la prison ferme pour escroquerie le 17 mars dernier ! » s’emporte Mireille Millet. Sébastien ? « Il vient d’avoir dix-huit ans, il ne va plus à l’école depuis la rentrée et traîne dehors tous les soirs, se désole la grand-mère. Quand je pense que, petit, il voulait être vétérinaire, quel gâchis… »