« Le cloisonnement entre les institutions et les juridictions | La Suède écoute enfin l’enfer des enfants placés » |
Le juge est-il obligé de persécuter les parents dont il protège l’enfant ?
Le juge est-il obligé de persécuter les parents dont il protège l’enfant ?
Jean-Marie Baudouin
ancien juge des enfants,
maître de conférences à l’enm (École nationale de la magistrature de Bordeaux)
La lettre de l’enfance et de l’adolescence 2001-2 (no 44)
ISSN 1146-061X | ISBN 2-8658-6874-5 | page 73 à 78, extraits
Troisième source de persécution : ce serait la détermination d’obtenir l’adhésion sans être trop regardant sur les moyens. Ce serait à ce moment-là méconnaître l’obligation de loyauté à laquelle est tenu le juge.
... Si l’on reste dans le champ de l’assistance éducative, c’est-à-dire dans le cas où les parents conservent leur autorité parentale, la sanction, c’est la confrontation avec un juge qui a pour particularité de poser des exigences, le but étant d’amener les parents défaillants à faire cesser le danger. Cette démarche leur permet finalement de retrouver leurs places normales, et arrive au rétablissement du droit qui a été méconnu.
Je rappelle que la règle du Code civil énonce que « le juge doit s’efforcer de rechercher l’adhésion à la mesure envisagée » et non pas à la décision du juge, qui est, celle-là, de la seule responsabilité du juge. La distinction peut paraître byzantine ; elle est, en tout cas, tout à fait essentielle pour moi. La décision du juge ne se confond pas avec la forme concrète que vont lui donner les personnes chargées de la mettre en œuvre (les éducateurs ou les familles d’accueil). L’important, c’est que l’enfant et ses parents accordent leur confiance à ceux qui doivent les aider (travailleurs sociaux, psychologues, familles d’accueil). L’adhésion ne doit pas être un accord de façade plus ou moins extorqué au cours d’une audience courte ou peut-être plus longue. Et comme l’étymologie du mot le dit assez bien, l’adhésion, c’est une option qui attache ; elle doit donc être fondée sur la liberté. C’est une très importante différence, me semble-t-il, entre l’aide éducative et l’action du juge.