« La Complexité, vertiges et promesses | Jeunes sans domicile fixe et la rue » |
La pierre rejetée par les bâtisseurs
La culture c'est le choix de l'anachronisme, c'est décider que la visée suprême de l'humain ce n'est pas de vivre avec son temps • Alain Finkielkraut, « Répliques », 14 décembre 2002, sur France-culture
Finkielkraut: «L'enfant gâté a succédé à l'homme cultivé» • Alain Finkielkraut juge que des menaces pèsent sur la civilisation et s'inquiète de l'appauvrissement de la langue, donc de l'être. • Libé, samedi 26 janvier 2008
D'un interview d'Alain Bentolila publié en septembre 2005, sur le site du Défenseur des Enfants : « En 1980, le Premier Ministre répondait à l'OCDE : il n'y a pas d'illettrés en France, puisque l'enseignement est obligatoire dans notre pays. (...) Par la suite, une confirmation a été donnée avec le taux d'illettrisme parmi les allocataires du RMI - autour de 33% - et parmi les détenus en maison d'arrêt - autour de 3%. »
La pierre rejetée par les bâtisseurs
René Girard
Théologiques, vol. 13, n° 2, 2005, p. 165-179.
Sur , extrait
1. La signification de « bouc émissaire»
1.1 La polysémie de l’expression
L’expression « bouc émissaire » a trois significations qu’il importe de ne pas confondre. La première, la plus ancienne, traduit le terme hébreu qui, dans le chapitre 16 du Lévitique, désigne la victime d’un rite très ancien, le rite du bouc émissaire. Tous les ans, à Yom Kippour, le grand-prêtre posait les mains sur la tête d’un bouc. Ce geste était censé transférer à celui-ci tous les péchés de la communauté. Pour se débarrasser de ceux-ci, il ne restait plus qu’à chasser l’animal dans le désert, à faire de lui le bouc émissaire.
La seconde signification désigne tous les rites analogues à celui du Lévitique dans toutes les communautés humaines. Ce sont partout les mêmes efforts pour se défaire des désordres et des violences à l’intérieur de ces communautés, par l’intermédiaire de victimes animales ou humaines violemment expulsées ou massacrées. L’anthropologue qui le premier a repéré l’universalité de ces rites, c’est Frazer, dans Le rameau d’or (1890). Il leur a donné à tous la même étiquette : rites de bouc émissaire. Cette généralisation du rite hébreu est légitime dans la mesure où l’on n’en conclut pas, comme on le fait parfois, que ces rites ont quelque chose de spécifiquement biblique. Puisqu’ils se ressemblent tous, on peut recourir pour les désigner à n’importe lequel d’entre eux, et Frazer a choisi le plus connu. On pourrait aussi bien dire « rites de pharmakos », c’est-à-dire recourir au bouc émissaire grec plutôt qu’à l’hébreu. Si on ne le fait pas, c’est sans doute parce que le terme évoque quelque chose de plus sinistre que le bouc chassé dans le désert : le pharmakos était un être humain que les cités grecques massacraient rituellement lors des fêtes de Dionysos.
La troisième signification de « bouc émissaire » apparaît dans les langues occidentales au début de l’ère moderne. En français, comme en anglais, en italien, etc., on entend le plus souvent par « bouc émissaire » la victime d’une hostilité qui affecte une communauté entière contre un individu ou un groupe d’individus innocents, non-pertinents. Plus une communauté est perturbée, plus elle tend à décharger son angoisse contre des boucs émissaires dans ce troisième sens.
Société
Outreau : une sanction entre les lignes pour le procureur
Libé mercredi 30 juillet 2008, extraits
Barbe à l’index. Des boulettes judiciaires, Gérald Lesigne en a commis un paquet dans l’affaire Outreau. (...) Sauf que le procureur Gérald Lesigne n’était pas seul. (...) «On recherche une responsabilité individuelle à une défaillance collective», dénonce Me Léon-Lef Forster, avocat de Gérald Lesigne. (...) Devant le CSM, comprenant à retardement l’émotion générale, il avait humblement confié : «Je pensais avoir des certitudes raisonnables, elles se sont effondrées. Je me suis planté.» C’est quand même pas compliqué à dire.
Le Bour émissaire, René Girard, poche n° 4029
La violence et le sacré, René Girard, Hachette littératures
VAUD - POLÉMIQUE
Il défend les moutons de l'UDC : tollé !
Membre du comité d'initiative à l'origine des affiches « à moutons », visant les étrangers criminels, le conseiller d'Etat vaudois Jean-Claude Mermoud suscite la colère .
Le Matin - 23/08/2007
La fin des vacances a sonné. Et en guise de rentrée politique, les réactions à la dernière campagne de l'UDC - les fameux moutons qui expulsent un homologue noir - se multiplient. Avec une agitation particulière en terres vaudoises: la nouvelle provocation de l'UDC, qualifiée de raciste par beaucoup, y dispose d'un soutien bien placé en la personne du conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud. L'élu UDC en charge du Département de l'économie figure parmi les membres du comité de l'initiative visant à expulser les étrangers criminels.
L'UDC porte plainte • 24heures.ch
Pendant les vacances, les ministres sont plus que jamais priés de "déminer"
LE MONDE | 09.08.08 | Extraits
C'est la période de visibilité des ministres aux portefeuilles régaliens. Ils doivent soigner les plaies plus ou moins graves des Français qui troublent la quiétude estivale. Et surtout se rendre au chevet des victimes quand un drame se produit.
La ministre de l'intérieur, Michele Alliot-Marie, a ainsi fait lundi 4 août un double déplacement : dans l'Ain, avec la ministre de la justice, Rachida Dati, pour rencontrer la famille du petit Valentin, assassiné à 11 ans, puis dans le Nord, après la tornade d'Haumont qui a fait 3 morts.
... Les ministres sont tous en vacances, mais ordre a été donné de montrer que l'exécutif continuait à s'occuper des Français. Rien de tel qu'un déplacement éclair sur le terrain qui n'interrompt pas trop les vacances, prolongé par des communiqués. "Nicolas Sarkozy a indiqué à tous ses ministres d'être réactifs et de ne pas se laisser dominer par l'événement", explique M. Hortefeux.
La photographe Véronique de Viguerie, auteur du reportage dans Paris Match sur le commando qui a tué dix soldats français en Afghanistan, s'est déclarée "peinée et énervée" par la polémique qu'il a provoqué, en soulignant qu'être journaliste, "c'est aller des deux côtés". "Je ne m'attendais pas du tout à ce que ces photos fassent autant de bruit et une telle polémique", a-t-elle indiqué à des journalistes, en marge du festival de Perpignan "Visa pour l'image". Mercredi, "les gens disaient que c'était du bon travail et donc c'était agréable mais hier le ton a changé et j'avoue que j'ai été peinée et un peu énervée, que j'avais des doutes", a ajouté la photographe.
Paris-Match : la photographe "peinée"
Source : AFP, 05/09/2008
Reportage
Les jumeaux maudits de Mananjary
LE MONDE | 05.09.08 | Extrait
Dina et Diari, 5 mois, entrelacent leurs doigts délicats. Allongés sur le dos, côte à côte, au centre d'un vieux lit à barreaux à la peinture écaillée, ces deux frères jumeaux fixent les visiteurs de leurs grands yeux noirs et brillants. Ils ont été recueillis par le Centre d'accueil et de transit des jumeaux abandonnés (Catja), à Mananjary, ville froide et humide de la côte sud-est de Madagascar, à 450 kilomètres de la capitale, Antananarivo. Il y a un siècle, leur crâne aurait été fracassé sous les sabots des zébus. Aujourd'hui encore, Dina et Diari sont jumeaux, donc maudits.
Ainsi le veut l'implacable coutume des Antambahoaka. Cette ethnie, l'une des dix-huit de Madagascar, compterait 22 000 âmes - chiffre approximatif, car aucune statistique ethnique n'est autorisée - sur 18 millions d'habitants. "On fait ainsi parce que nos parents l'ont toujours fait, et nous devons nous y soumettre", admet une habitante de Mananjary.
Connus pour le "fady kambana", ou "tabou des jumeaux", les membres de l'ethnie Antambahoaka sont tenus à l'écart par les autres castes. "Il ne faut pas leur parler de cette histoire, assure Georges-Antoine Rajaonarivelo, 67 ans, un ancien habitant de Mananjary, membre d'une autre ethnie. La malédiction frappe uniquement leurs jumeaux. Ceux d'une autre ethnie, élevés à Mananjary, ne seront pas condamnés à y vivre en parias."
Les origines de la malédiction se perdent dans la nuit des temps. A son arrivée à l'embouchure du fleuve Sakaleona, au nord de Mananjary, le premier Antambahoaka aurait choisi son épouse parmi les femmes de la région. Enceinte de jumeaux, elle décéda en couches. Le malheur frappa sa deuxième, puis sa troisième épouse. Le chef du clan jura alors que sa descendance n'élèverait jamais de jumeaux.
Au XIXe siècle, un astrologue persuada Ranavalona Ire (1828-1861), l'autoritaire reine de la Grande Ile, que les enfants nés sous le signe des gémeaux, signe puissant mais violent, étaient voués à une destinée exceptionnelle. Craignant sa déchéance, la souveraine imposa aux parents de les tuer ou de les déposer à la porte d'une étable. S'ils échappaient au piétinement des zébus, les nouveau-nés pouvaient vivre. Enfin, une légende, plus proche des soucis alimentaires quotidiens, raconte la difficulté d'un chef de clan à nourrir ses jumeaux lors d'une disette.
Aucune pluie diluvienne, aucun raz-de-marée de l'océan Indien, n'a jamais lavé les terres de Mananjary de la malédiction.
La peste noire ou médiévale semble d'origine asiatique, partie des steppes russes et de la mer Caspienne. Elle touche toute l'Europe et tue près de la moitié de sa population. Son apogée se situe au milieu du XIVème siècle, mais elle se prolonge en poussées épidémiques dont celle de Marseille en 1720.
1894 - découverte du microbe.
1898 - découverte du mode de transmission.
1933 - invention du vaccin.
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Achéron. Fleuve des Enfers, dans la mythologie grecque. Les âmes des morts, pour entrer au royaume d'Hadès, le traversaient sur la barque de Charon.
Hadès. Fils de Cronos et de Rhéa, Hadès, après le partage de l'Univers en trois parties, acquit la possession souveraine sur le monde inférieur.
« Souvenir » fabriqué en excrément de panda,
Chine, le 26 juillet 2007, 20minutes.fr
Paris, un monument consacré aux droits de l'homme
Cahier du millénaire n°31
Du Centre de Ressources Prospectives Grand Lyon
Apprendre et éduquer, de Edgar Morin, extraits
[...] Il n’y a aucune différence intrinsèque entre la perception et l’hallucination. La seule chose qui nous permette de les distinguer, c’est la discussion avec d’autres.
De plus, l’empreinte culturelle, qui commence avec la famille et se poursuit à l’école, imprime des idées reconnues comme évidentes. Certaines s’imposent d’elles-mêmes et d’autres, qui semblent fausses, sont rejetées.
[...] Les idées ne sont pas purement et simplement des instruments par lesquels nous connaissons le réel. Quand elles correspondent à des croyances profondes d’une communauté, les idées prennent une force et une énergie incroyables.
[...] Pendant très longtemps, la science a obéi à un paradigme que l’on peut appeler de disjonction et de réduction. C’est-à-dire que, pour connaître, il fallait séparer, réduire la connaissance d’un tout complexe à celle de ses éléments de base.
Par exemple, un paradigme de relation entre l’humain et le naturel affirme : « pour connaître l’humain, il suffit de le considérer comme un être naturel et de réduire tout phénomène humain à un phénomène naturel. » De fait, on trouve des caractéristiques humaines déjà présentes chez des singes, des mammifères. Mais, en réduisant l’humain au naturel, on oublie ce qu’il y a de plus remarquable : les phénomènes de langage et de conscience. Inversement, on va comprendre l’humain en opérant une disjonction totale, en éliminant l’homme biologique, alors que notre corps est biologique, de même le cerveau grâce auquel je parle. Ce dogme de la disjonction a dominé et continue à dominer notre connaissance universitaire. Il faut comprendre qu’il y a une relation indestructible entre l’humain et le naturel : nous sommes issus d’un monde naturel dans lequel nous continuons à être immergés, mais nous en sommes éloignés par l’esprit, par la conscience.
Sciences Humaines n° 178
Une opinion de 1994, de source
John Libbey Eurotext, Paris, 1994
Assises - Mère acquittée : le parquet fera-t-il appel ?
TF1-LCI, le 10/04/2008, extrait
Lydie Debaine, qui a reconnu avoir tué sa fille handicapée de 26 ans, a été acquittée jeudi par le jury de la cour d'assises de Pontoise. Le parquet de Pontoise a souhaité jeudi qu'il n'y ait pas d'appel de ce verdict, tout en précisant que cette décision revenait au parquet général de Versailles.
VERSAILLES (AFP), le 17 avril 2008 - Le procureur général de la cour d'appel de Versailles a annoncé jeudi à l'AFP qu'il interjetait appel de la décision d'acquittement de Lydie Debaine qui avait tué en 2005 sa fille handicapée motrice cérébrale de 26 ans.
Alain Bentolila
«Il existe en France une inégalité linguistique»
L'Express, le 15/10/2002, extrait
Le chiffre est lourd, honteux, indécent: plus de 1 Français sur 10, entre 17 et 25 ans, ne sait ni lire ni écrire correctement. 1 Français sur 10, estimation basse! Ce handicap les enferme dans un véritable ghetto social et conduit à l'exclusion, à la révolte, parfois à la violence. Pourtant, ces citoyens-là ont un cerveau comme les autres, et ils ont passé douze années à l'école! Qui est responsable? En conclusion des Entretiens Nathan, organisés le week-end dernier à la Sorbonne en partenariat avec L'Express, le linguiste Alain Bentolila s'en prend aux pédagogues qui ont renoncé à leur mission et aux démagogues qui s'extasient devant la pseudo-culture des cités.
Habituellement, quand les linguistes se mobilisent, c'est pour défendre la pureté du vocabulaire, pourfendre les anglicismes ou s'inquiéter du déclin du français dans le monde. Vous, vous menez un autre combat, et parlez d'une véritable insécurité linguistique dans laquelle seraient plongés plus de 10% des Français.
La question de la pureté de la langue m'inquiète peu, en effet. Certes, mon oreille souffre lorsqu'on rate un subjonctif, mais l'essentiel est ailleurs: aujourd'hui, un certain nombre de citoyens sont moins capables que les autres d'exprimer leurs pensées avec justesse: 10% des enfants qui entrent au cours préparatoire disposent de moins de 500 mots, au lieu de 1 200 en moyenne pour les autres. Cela a deux conséquences. La première est que leur pouvoir sur le monde s'en trouve limité. La seconde, c'est que cela les enferme dans un ghetto et favorise un communautarisme croissant. Il existe ainsi en France une véritable inégalité linguistique, qui se traduit par une grave inégalité sociale.