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La dénonciation en France durant la Seconde Guerre mondiale
NDLR : Pour références ultérieures... l’historiographie sur le sujet est pour le moment inexistante ou presque.
De source www.memorial-caen.fr,
Du jeudi 27 au vendredi 28 novembre 2008
Colloque international : La dénonciation en France durant la Seconde Guerre mondiale
Ce projet a comme point de départ une interrogation contemporaine : dans les représentations mentales, le phénomène de la délation est inévitablement associé à l’Occupation et au régime de Vichy – les dénonciateurs sont supposés s’être comptés en millions et être restés, pour la plupart d’entre eux, dans le plus lâche des anonymats (les fameuses « lettres anonymes »). Les idées reçues sur le sujet abondent, et l’on peut dire qu’il est peu d’objets aussi insaisissables pour l’historien que celui de la dénonciation.
Tandis qu’elle s’est développée à l’étranger depuis une vingtaine d’années, notamment pour l’étude de l’Allemagne nazie et de l’Union soviétique, l’historiographie sur le sujet est inexistante ou presque à propos de la France. L’une des ambitions de ce colloque sera donc de tenter d’évaluer et de caractériser le phénomène pour les années 1940-1944 ; son principal objectif sera d’éclairer les spécificités géopolitiques et institutionnelles et les ressorts psychologiques individuels et collectifs liés à la période de la guerre, de l’Occupation et du régime de Vichy. Aussi, la dimension de comparaison internationale tiendra-t-elle une place primordiale, au détriment, par exemple, d’une comparaison trans-période (Antiquité, Révolution française, démocraties modernes, etc.).
Le premier volet étudiera le phénomène sous l’angle du contexte né de la création de l’État français : en quoi la disparition des relais habituels de la démocratie et de l’opinion, associée à l’avènement d’un régime faisant de la « dénonciation » de l’ennemi l’un des moteurs de sa politique, a-t-elle favorisé la délation ? Une comparaison avec d’autres régimes dictatoriaux permettra sans doute de dégager quelques caractères structurels communs. Le second volet abordera la problématique de l’Occupation. Une part importante de lettres de délation a été envoyée aux autorités allemandes, à la fois dépendantes de ce type d’informations et méfiantes vis-à-vis d’elles. La possibilité – et la tentation – de jouer de plusieurs interlocuteurs explique-t-elle l’ampleur (supposée...) des délations adressées aux forces occupantes ? Une comparaison sera faite avec d’autres territoires occupés ou annexés par l’Allemagne. Fondé pour l’essentiel sur des recherches quantitatives, plus spécialement dans les dossiers d’épuration de la Justice de la Libération, le troisième volet permettra de croiser de nombreuses données relatives à la sociologie des délateurs et aux différents types de délations. Enfin, le quatrième et dernier volet étudiera les sanctions et les représentations des actes de délation à la Libération. Comparaison sera faite avec la situation italienne.
Accueil, présentation, J. QUELLIEN
Introduction, L. JOLY
I Un phénomène social en régime d’exception ?
Présidence et discussion animées par M.-A. MATARD-BONUCCI
La France de Vichy
François ROUQUET, « La figure du “délateur” au cinéma. L’exemple du Corbeau et de quelques autres films »
Fabrice VIRGILI, « Délation et intimité dans la France de la Seconde Guerre mondiale »
Tal BRUTTMANN, « “Informateurs” et dénonciateurs professionnels sous Vichy »
Comparaisons européennes
Mimmo FRANZINELLI, « Le profil du délateur dans l’Italie mussolinienne »
François-Xavier NERARD, « La dénonciation dans l’URSS stalinienne (1928-1941) : théorie et pratiques »
Florin TURCANU, « Stigmatisation politique et incitation à la délation dans la Roumanie des années 1938-1944 »
II Le contexte de l’Occupation et de la présence allemande
Présidence et discussion animées par J. QUELLIEN
France occupée
Grégoire KAUFFMANN, « Les officines intermédiaires de la délation au service des autorités allemandes »
Clément MILLON « L’OFK 670 de Lille et la justice française face à la délation »
Cédric NEVEU, « La délation “civique” au service de la politique de nazification dans les zones annexées (Alsace-Moselle) »
Autres situations en Europe
Patrice ARNAUD, « Les “informateurs” français de la Gestapo en Allemagne : recrutement, motivations et rôle dans la politique répressive nationale-socialiste »
José GOTOVITCH, « Dénonciations et dénonciateurs dans la Belgique occupée »
Barbara ENGELKING, « Délations aux autorités allemandes dans la Pologne des années 1940-1941 »
III Sociologie et état d’esprit des dénonciateurs sous Vichy et l’occupation allemande – Études locales
Présidence et discussion animées par O. WIEVIORKA
Michel LAFFITTE, « “Fabrication” d’une délatrice. Le cas Germaine Bernheim et la destruction des juifs de Poitou-Charentes »
Patrice BETBEDER, « Typologies de la délation et des délateurs dans le département de la Seine »
Julie CHASSIN, « Typologies de la délation et des délateurs en Normandie »
Christian BOUDANT, « Typologies de la délation et des délateurs dans le département de la Savoie »
Marc BERGÈRE, « Délation et délateurs sous l’Occupation au prisme de l’épuration dans le Maine-et-Loire »
IV La dénonciation à la Libération : « inversion », épuration, mémoire
Présidence et discussion animées par Danièle LOCHAK
France
Stéphane LAMACHE, « Dénoncer aux autorités américaines à la Libération. L’exemple de la Manche »
Benn WILLIAMS, « “Dénoncer” les “délateurs” : l’épuration dans le Rhône, 1944-1953 »
Le cas italien
Valeria GALIMI, « Délateurs, informateurs et fascisme. L’épuration par la Justice italienne à la Libération »
Paola BERTILOTTI, « La délation des juifs : une mémoire silencieuse dans l’Italie républicaine (1944-1961) »
La dénonciation aujourd’hui, comme phénomène et objet scientifique
Fabien JOBARD, « Le citoyen et le délateur. Une problématique éternelle ? »
Conclusions
Discussion animée par Annette WIEVIORKA
Une poignée de Misérables : L'Epuration (1944-1952)
de M.-O. Baruch, collectif
Fayard, 2003, coll. Pour une histoire du XXe siècle
Présentation de l'éditeur. Dans un discours prononcé le 14 octobre 1944 à la radio, le général de Gaulle estima que seule "une poignée de misérables et d'indignes, dont l'État fait et fera justice", avaient collaboré avec les Allemands. L'épuration, nécessaire pour rebâtir la France sur des bases saines, serait en conséquence rapide et ciblée. Cinq ans plus tard, on était loin du compte. Nombre de tribunaux chargés de la répression pénale de la collaboration restaient en activité et l'épuration économique, pour ne prendre qu'un seul exemple, arrivait tout juste à son terme. Au total, près de 350 000 personnes avaient été mises en cause, et aucune branche professionnelle n'était restée à l'écart de l'épuration. Celle-ci était bien un phénomène social d'ensemble. Aucune étude n'avait, jusqu'à présent, étudié en détail l'épuration des professions dans toute sa diversité. En passant au crible dix professions - avocats, médecins, magistrats, préfets, écrivains, hommes de théâtre, parlementaires, cadres et patrons d'industrie, universitaires, officiers - et en revenant sur quelques-uns des aspects les moins connus de la répression pénale, ce livre confirme que l'épuration fut à la fois massive et approfondie, même si les critères alors mis en œuvre furent différents de ceux à l'aune desquels notre époque entend réexaminer ce passé. Très vite pourtant, avant même que des mesures de grâce ou d'amnistie aient facilité la réinsertion des collaborateurs, petits ou grands, dans la vie sociale, l'épuration laissa derrière elle un sentiment diffus d'insatisfaction. Sans doute parce qu'elle n'avait pas clairement défini ses objectifs s'agissait-il simplement de chasser - provisoirement - quelques mauvais bergers ou, ambition plus vaste, d'ouvrir la voie à une rénovation effective de la société française ? Pour tenter de répondre, ce livre, dont les auteurs comptent parmi les meilleurs spécialistes de l'histoire politique et sociale de l'Occupation, parcourt tout un domaine encore mal connu de l'histoire de la France de la Libération et de l'après-guerre.