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Les enfants bandits ?
Les enfants bandits ?
La violence des 3-13 ans dans les banlieues
de Sonia Imloul et Cyril Azouvi
Aux éditions du Panama, mars 2008
Biographie des auteurs, selon amazon.fr. Née à Saint-Denis (93), membre du Conseil économique et social, chargée de mission Action sociale à la Délégation interministérielle à la Ville (DIV), fondatrice de l'Association de prévention de la délinquance des mineurs Respect 93, Sonia Imloul se penche depuis des années sur la situation dramatique de la petite enfance dans les quartiers les plus sensibles de Saint-Denis. Cyril Azouvi est journaliste.
Le mot de l'éditeur, sur la FNAC...
Il voulait se fabriquer une arme efficace. Il s'est emparé d'un balai, en a retiré la brosse, a cassé le manche en deux, en a affûté l'une des extrémités jusqu'à la rendre aussi pointue qu'un poignard, et l'a caché derrière une armoire en attendant le jour de s'en servir.
La scène a eu lieu dans une école de Saint-Denis. Son protagoniste n'est pas un adulte mais un enfant de 7 ans. Le méfait a été évité parce que la maîtresse a découvert l'arme à temps. L'enseignante n'a pas été spécialement effrayée, mais s'est interrogée : pourquoi cet enfant s'est-il donné tant de mal, quand certains de ses camarades se contentent d'un tournevis comme arme de poing ?
Pour les éducateurs, membres des forces de police, médecins et avocats des cités de banlieues, ce genre d'histoire est devenue monnaie courante. Insultes, crachats, morsures, vols, destruction de matériel, coups et tentatives de viols ne sont plus l'apanage des adultes et des ados, mais bel et bien de très jeunes enfants dont les conditions affectives et éducatives sont désastreuses.
En 2002, le rapport d'une commission d'enquête du Sénat mettait en lumière un rajeunissement sensible de la délinquance en France : la part des 16-18 ans était en baisse, celle des 14-16 ans était stable, quand la proportion de délinquants de moins de 13 ans était en augmentation alarmante. Après les enfants-soldats, voici les enfants-bandits.
L'objet de ce livre est de dresser un tableau de cette « primo-délinquance » dans les quartiers sensibles des cités, en prenant comme exemple celle de Saint-Denis, dont l'auteur, Sonia Imloul, est issue. Pour cette dernière, et pour les très nombreux témoins interrogés dans le cadre de cette enquête, la délinquance est un mal qui se repère et se manifeste dès le plus jeune âge.
Par cette thèse, l'auteur s'inscrit en faux à la fois contre les discours de Nicolas Sarkozy sur une violence aux origines génétiques, mais aussi contre le collectif « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans » qui, réagissant à la publication d'un rapport Inserm sur le dépistage précoce des troubles du comportement (septembre 2005), proclament que « rien n'est définitivement joué dans l'histoire d'un être humain, pas plus à 3 ans qu'après ».
Médecins, Brigade des mineurs, Brigade des stups, Syndicat des commissaires de police, animateurs en centre de loisirs, éducateurs, directeurs d'école, parents, journalistes, procureurs, avocats et grands délinquants « adultes » témoignent au contraire que tout se joue très tôt. En d'autres termes, plus l'enfant « tombe » tôt dans la délinquance, plus il risque d'y rester longtemps.
Ce livre se propose donc dans un premier temps de brosser un tableau de la situation de la très petite enfance (3-10 ans) dans les cités. Il raconte des histoires, celles des violences commises par les enfants, mais aussi les contextes familiaux qui les ont amené à les perpétrer.
Dans un deuxième temps, l'auteur exposera des propositions de solutions pour ne plus avoir à réprimer comme on le fait aujourd'hui, mais pour implanter une véritable politique familiale en France, seule chance de pouvoir instaurer une prévention efficace.
Mis à jour 13-04-2008 00:26
Kiffer les femmes en banlieue
Par Mabrouck Rachedi, écrivain, sur www.metrofrance.com
Lors de l'annonce du plan espoir banlieues, Fadela Amara déclarait être persuadée que les femmes joueraient un rôle essentiel dans les quartiers populaires. Sur le terrain, dans les écoles ou dans les rayons de librairie, cette affirmation est ô combien vérifiée.
Parlons littérature d'abord, avec Kiffer sa race de Habiba Mahany. Loin de la-banlieue - "qu'est-pas-rose-la-banlieue-qu'est-morose" - chantée par les Inconnus, on rit, on s'émeut grâce à cette peinture au plus près de la réalité et du langage de la rue. Dans la cité d'Argenteuil, les cancres qui ne voient "pas plus loin que le bout de leurs aînés", confondent le verbe vénérer avec le verlan d¹énerver et partagent la responsabilité de leurs échecs. On est loin du manichéisme victimaire de la méchante société contre les jeunes brebis innocentes. Si Habiba Mahany dresse un portrait au vitriol du racisme, avec un personnage qui se rend chez ses voisins maghrébins comme "Tintin au pays des Arabes", elle décline le mot au pluriel, soulignant les racismes qui gangrènent aussi les différentes communautés entre elles.
Discrimination combattue par Souad Belhaddad et Isabelle Wekstein-Steg. L'une est écrivain et journaliste, l'autre est avocate, l'une est musulmane, l'autre est juive. Les deux se rendent ensemble dans des classes de Seine-Saint-Denis pour dynamiter les clichés sur les "Arabes voleurs" ou les "Juifs radins". Les certitudes trop vite posées sont comme les apparences, trompeuses. La preuve : à la question "qui est juive, qui est musulmane ?" elles récoltent des réponses contradictoires, brouillant les pistes et écrabouillant les frontières artificielles.
A lire "Enfants bandits" de Sonia Imloul, on mesure que des initiatives de ce genre sont urgentes. L¹ancienne présidente fondatrice Respect 93 décrit par le menu le récit hallucinant des violences relevées dès le plus jeune âge. On peut être en désaccord avec les conclusions de l¹auteure mais, de Kader, 6 ans, qui fume du cannabis, à Bemba, 7 ans, qui brûle des voitures, d'Hakim, 9 ans, qui a criblé sa mère de coups de couteau, à "Hannibal Lecter" gamin de 3 ans qui a arraché le nez de sa camarade, l'énumération fait froid dans le dos.
Habiba Mahany, Souad Belhaddad, Isabelle Wekstein-Steg, Sonia Imloul sont des exemples de femmes pour faire bouger les banlieues. Et envoyer un message de tolérance et de paix car, comme l'écrit Habiba Mahany : "Je kiffe ma race. Au sens figuré, heureuse qui comme Alice a fait un beau voyage au pays des merveilles et au sens propre, je kiffe ma race, notre race, la seule, l'unique sur cette terre par-delà les barrières dans nos têtes : la race humaine".