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« Le désamour des français pour leur justice »
Ce 17 décembre, le Conseil National des Barreaux accueillait l’association Droit et Démocratie pour un colloque, une « formation » : « Le désamour des français pour leur justice ». J’y étais, intéressé par les sujets proposés, ainsi que pour mieux cerner puis approcher un instant le très illustre Maître Eolas, il allait nous parler de « L'incompréhension et l'hostilité vis-à-vis de la défense ». D’ici quelques temps, les vidéos des présentations devraient être publiées sur le site de l’association Droit et Démocratie. Pour l’exposé de Maître Eolas, qui restait anonyme, il ne devrait pas paraitre beaucoup plus qu’un son.
La notion de « désamour » ou « d’amour » a rapidement été discutée par de premiers intervenants. Les présentations portaient beaucoup sur des évolutions, des améliorations, des indicateurs, sur la satisfaction et la « confiance » que les français accordent à leur justice. 60% des français seraient confiants ; cette institution serait ainsi bien notée comparée à d’autres telles que la police, la politique, l’armée. Au lieu de « confiance » ou « d’amour », j’aurais été tenté de parler de déceptions, de désillusions, d'exaspérations, de méfiance, voire même de défiance, et en tous cas, tenté de parler plutôt des opinions que se font les 40% de français répondant défavorablement lorsqu’on leurs parle de la justice de ce pays.
Dans son introduction, Robert Badinter nuançait les chiffres, nous exposant que parmi ceux ayant été confrontés à la justice et exprimant une satisfaction, les opinions pouvaient être contrastées ; gagner un procès ou remporter une affaire n’implique pas un contentement sur tous points. Il aurait pu ajouter que dans la cohorte des perdants et des déboutés, les ressentis peuvent également être très distribués ; des insatisfaits, notamment des imbéciles, sont susceptibles de s’accommoder très vite, quelles que soient les décisions que leurs rendrait la justice… J’ai moi-même souvent été très content, même lorsque des prétoires m’avaient rendu des décisions parfaitement indigestes et inacceptables, celles-ci me permettaient malgré tout de bien documenter, d’exposer encore comment la justice ou des professionnels de ces milieux peuvent raisonner, œuvrer et même manœuvrer.
Jean-Paul Jean nous a parlé de « La justice française au regard des autres justices d'Europe ». Au cours de son exposé, il a commis un petit lapsus, inversant un instant la place de la France, puis il a rapidement rectifié. Les indicateurs seraient maintenant bien au vert ; nous n’entendront donc plus parler des trop faibles moyens attribués à la justice, en France ? Je vais le réécouter. Il a souligné qu’en matière d’informatisation, la France est aujourd’hui très bien placée, qu’elle l’est également s’agissant de délais. J’avais un moment envisagé de lui parler de la Moldavie française, j’aurais pu le faire au cours des échanges avec la salle, qui ont suivis ; à quoi sert d’obtenir très vite du papier (très vite, tout est relatif) s’il ne produit que très occasionnellement ou que trop vaguement les effets escomptés ?
L’exposé de Maître Eolas m’a agacé et fait bondir, plus d’une fois, y compris, lorsqu’à son tour, il suggérait que les français devraient être initiés au droit. J’attends la publication de ce son du 17 pour écouter mieux son discours. Eolas est un pénaliste, bouffon à ses heures, qui ne fait pas rire tout le monde… A l’entendre, quiconque poussé, trainé dans un tribunal, est un coupable qui s’ignore, qui devra y passer aux aveux sous les charges qui l’accablent ! Que pourrait lui répondre le Docteur Muller, récemment acquitté, au terme de son troisième procès aux assises ? L'expérience de Maître Eolas serait-elle limitée, beaucoup à la comparution immédiate, peu à des affaires plus longues, plus sensibles, plus complexes ?
Ce 17, j’ai vraiment du me contenir pour ne pas lui couper la parole, pour ne pas interrompre Maître Eolas lorsqu’il nous parlait de la faune avec laquelle il échange plus ou moins volontiers dans son blog. Il semble ne distinguer que peu catégories de contributeurs et lecteurs : les bienvenus, ceux de son milieu déjà, puis ceux, plus naïfs, qui boiront ses discours ou leçons, et enfin, les autres, tels que ceux qui auraient mal digéré un « divorce »… Je n’ai pas le sentiment que Eolas soit très tolérant envers ceux qui ne partagent pas ses points de vues et opinions, surtout celles qu’il se fait de la justice, de ces milieux, de pratiques et de résultats, parfois affligeants.
Je suis allé parler à Maître Eolas à l’issue du colloque, hors micros et caméras. Il mettait un visage sur mon nom, puis me faisait le reproche d’avoir, il y a longtemps déjà, détourné l’attention de quelques lecteurs de son propre blog, je leurs proposais des sources et des éclairages différents, divergeant... Ca fait toujours plaisir de savoir qu’un professionnel de plus m’a encore bien en grippe. Nous n’avons pas pu discuter, lui et moi ne sommes pas du même bord, Maître Eolas reste à mon gout beaucoup trop imperméable aux critiques de la justice, surtout lorsqu’elles sont bien fondées.
Mais ce 17 au soir, après ce colloque, je m’adressais principalement à Maître Eolas pour lui remettre quelques pages extraites du Journal Officiel, un avis de juin 2013 de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme ; l'avis est dense, en rappelle d'autres, pour pas mal, exprimés il y a longtemps déjà. En 1998, la protection de l’enfance prenait en charge 300 000 mineurs d’une classe d’âge ; plus récemment, ce chiffre s’élevait à 500 000 ; la houle y est fréquemment très forte. Si 2014 sera effectivement une année consacrée à la « maltraitance des enfants », Valérie Trierweiler le souhaiterait, Maître Eolas pourra surfer sur ces vagues également, s’inspirer de cet avis de la CNCDH, pour nous produire alors d'élogieux billets sur la protection de l’enfance…
L'avis, plusieurs pages, peut être aisément retrouvé sur Légifrance
Maître Eolas ne fera peut-être rien de cette critique, de cet avis officiel de la CNCDH, il ne ferait probablement jamais rien non plus de résultats de recherches ou d’avis promus par l’ONED. Mais à sa façon, Maître Eolas est sensible à l’enfance, cela se lit dans son blog ainsi que sur Tweeter, on pouvait encore le relever ce jour. Et je pense qu’il a bien intégré quelques dogmes inébranlables, s’imposant à tous, notamment dans ces milieux. Dans l’épais Dalloz Droit de la famille 2008-2009, en 235.151, nous pouvions par exemple lire : « Danger : preuve et risque. (...) Aux père et mère, on assimilera toute personne chez qui l'enfant vit habituellement (par ex., tuteur désigné par un conseil de famille) mais en aucun cas un service public comme l'Aide sociale à l'enfance, dont la tutelle met nécessairement à l'abri du danger. » #LOL D’autres auteurs ou sources que les éditions Dalloz pourraient encore conforter Maître Eolas ; pour n’en évoquer qu’un de plus, Thierry Baranger, « clinicien judiciaire », qui est également autorisé…
Mouais... on ne demandait qu'à voir :) RT @Maitre_Eolas Punaise. Un suivi par le juge des enfants l'aurait sauvé mais jamais signalé. #LTGAV
— Bruno Kant (@bkant) 19 Décembre 2013
Hormis sur Tweeter, suffisant pour quelques prises de notes, je n'étais pas très bavard depuis quelques mois. J'avais bien mieux et toujours plus futile à faire. Je profite de ce billet pour noter ici que Valérie Dubois a encore remporté une petite victoire, cette année ; elle espérait que la cour d’appel d’Orléans confirme des condamnations pour faux et pour usage de faux. Je ne suis pas sûr que Valérie Dubois soit au bout du tunnel de toutes ses procédures ou de son « divorce ».
Au cours du colloque, au CNB, on nous rappelait encore qu’en matière de justice, les français étaient trompés par les séries américaines. Toute une éducation non pas à faire, mais à refaire ! Plus tard, dans la soirée, Tweeter me suggérait pour sa part d’allumer la télé, de regarder France 4, pour un reportage sur les coulisses du tribunal de Paris, ainsi que sur la médecine légale française et l’expertise, depuis les prélèvements jusqu’à l’autopsie. Au cours des années passées, la médecine légale a fréquemment fait couler de l’encre et a même été réformée... Des scènes et discours du reportage de France 4 m’ont fait repenser à une affaire et difficultés qui m’avaient été exposées par le passé, par l’un des soutiens de Mireille Millet, le père de Mickaël. Entre réalité idyllique dépeints par d’illustres conférenciers ou auteurs, le cinéma, la télévision, et de dures réalités de terrain, on distingue très souvent comme de grands gouffres.
Faits divers
Publiée le 01/07/2012, le Républicain Lorrain
Société | à villerupt Affaire Marini : les parents se disent « ruinés »
Le 29 juin 2005, Mickaël Marini, âgé de 14 ans, décédait lors d’un accident à Villerupt. Depuis, ses parents se battent pour obtenir des réponses. Aujourd’hui, ils sont à bout.
On ne veut pas vivre en pensant uniquement à Mickaël à travers des procédures. » Les époux Marini sont à bout. Cela fait sept ans qu’ils se battent. Depuis que le 29 juin 2005, leur fils Mickaël, âgé de 14 ans, a perdu la vie lors d’une collision à scooter, contre une voiture, entre Villerupt et Bréhain-la-Ville.
En novembre de la même année, l’affaire est classée sans suite. Mais des éléments sont troublants : les véhicules déplacés à l’arrivée des secours et de la police, le casque de l’adolescent enlevé sans que jamais on ne sache par qui, des erreurs et approximations dans l’enquête, etc.
D’expertises en dossiers, les époux Marini ne renoncent pas. Le 7 février 2011, le conducteur de la voiture, âgé de 76 ans au moment des faits, comparaît devant le tribunal correctionnel de Briey. Le 23 du même mois il est reconnu coupable d’homicide involontaire. Il interjette appel mais la condamnation est maintenue : il écope de six mois de prison avec sursis et une annulation de permis de conduire assortie d’une interdiction de le repasser avant cinq ans. Presque naïvement, les époux Marini pensaient qu’une fois le jugement rendu, le dossier serait bouclé. « Tourner la page, c’est impossible quand vous perdez un enfant », souffle Palma, la mère.
Après le pénal, le civil
Mais après le pénal, place au civil. Les parents n’en finissent pas de revivre, disséquer, analyser et ressasser le drame et les procédures. « Notre but était le rétablissement des choses (dans un premier temps, Mickaël avait été déclaré fautif, N.D.L.R.). La vérité est sortie. Et on a été raisonnable », explique Palma. Les époux ont en effet considéré que malgré des questions sans réponses, « justice avait été rendue ».
Aujourd’hui, ils font face à deux procédures. La première concerne les préjudices. La seconde, les dommages et intérêt des ascendants. La dernière ligne droite en quelque sorte. Mais qui semble infranchissable. « Il faut que cela s’arrête. Mentalement, moralement, financièrement, ils nous ont ruinés, avouent-ils. Notre avocat assure que le tribunal traite l’affaire dans des délais normaux, mais pourquoi les audiences sont-elles toujours renvoyées ? »
Leur combat leur a coûté plusieurs dizaines de milliers d’euros : « Il nous fallait des professionnels agréés pour justifier nos dires. Et tant que c’est en cours, tout est à notre charge. » Sans compter que l’assurance ne leur ayant proposé que des montants « dérisoires », leur avocat a demandé pour estimer au plus juste leur préjudice, une expertise psychiatrique. « La pression ne nous quitte pas. Nous sommes fatigués, se désolent-ils. À chaque fois on nous donne l’impression que nos plaintes concernent un simple scooter et pas la vie perdue de notre fils ! »
Car le plus dur pour Palma est l’image transmise à son plus jeune enfant. « Tous les jours il entend parler de Mickaël en termes de procédures. On voudrait pouvoir penser à lui sous d’autres formes », soupire-t-elle, quand son mari évoque un « enfer ». Pour eux, le civil semble repousser la sortie du tunnel. Une impression atténuée lors de moments comme celui de vendredi, où les amis de Mickaël sont encore venus, comme chaque année, en nombre pour déposer des fleurs sur le lieu de l’accident.
Olivia Fortin.
7 commentaires
.@atdqm @cncdh Vraiment bien, ce bouquin sur le choix contraint, institué il y a 40 ou 50 ans :-) pic.twitter.com/TNxo6UKtdp
— Bruno Kant (@bkant) 22 Décembre 2013
.@atdqm @cncdh un autre bouquin, pour un meilleur éclairage, celui de Donzelot, 1977 #tweetprécédent #LOL pic.twitter.com/mSLInPdlZB
— Bruno Kant (@bkant) 22 Décembre 2013
D'un PDF: http://www.reforme-enfance.fr/documents/appeldes100.pdf
Du rapport Naves/Cathala, de source http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/004001642/0000.pdf
Créteil: le "ras-le-bol" des juges
Par Gregory DANEL | AFP – il y a 9 heures
Au tribunal de grande instance de Créteil, greffiers, juges et même magistrats du parquet ne cachent plus leur exaspération face aux sous-effectifs chroniques qui constituent le quotidien de cette juridiction de banlieue parisienne.
"C'est l'expression d'un ras-le-bol", dit un président de chambre.
Initiative rare, les magistrats du parquet ont voté en assemblée générale, le 13 décembre, à la quasi-unanimité (25 sur 28 votants), une motion critiquant auprès du procureur général de la cour d'appel de Paris et du directeur des services judiciaires le "sous-dimensionnement de leur effectif tant théorique que réel".
Avec 32 magistrats affectés théoriquement au parquet de Créteil, ils estiment être structurellement moins bien dotés que leurs collègues d'Evry ou de Bobigny, "au regard de la charge de travail effective".
"Partout en France, la justice est miséreuse et il y a aussi beaucoup de postes vacants dans les juridictions voisines", affirme une magistrate.
Dans un récent rapport, l'ancien procureur général à la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, constatait aussi que les parquets avaient vu leurs missions augmenter sans que leurs moyens aient "suivi". Le principal syndicat de magistrats, l'USM (Union syndicale des magistrats), évoquait lui "les moyens dérisoires" des parquets.
Mais les parquetiers de Créteil se disent particulièrement concernés. Avec la zone d'Orly-Rungis à gérer, les sept établissements psychiatriques du département et une importante implication sur la politique de la ville ou au tribunal de commerce, "nous sommes structurellement trop peu nombreux par rapport à notre implication et à nos missions".
Théorique, le déséquilibre est encore plus sensible dans la réalité puisqu'en janvier, conséquence de poste vacant, maladie ou congé-maternité, pas moins de huit équivalents temps plein (ETP), soit un quart des effectifs, ne seront pas pourvus.
"On va droit dans le mur"
"Les gens tirent la langue", déclare Matthieu Bonduelle, du Syndicat de la magistrature. "Un magistrat à la permanence téléphonique du parquet prend entre 70 et 110 appels par jour. Cela veut dire qu'il ne passe pas plus de 3,5 minutes sur chaque dossier. Or il y a des décisions importantes à prendre avec des gens en garde à vue, le contrôle de services de police, etc (...) On va droit dans le mur", s'alarme le syndicaliste.
Le constat est identique du côté des magistrats du siège à l'audience, à l'instruction ou dans les services spécialisés comme l'application des peines ou les affaires familiales. "Même les gens les plus compétents n'en peuvent plus", dit Lucie Berthezene, de l'USM.
Outre "la souffrance au travail" engendrée par la situation, les magistrats estiment être "malheureusement contraints d'accomplir un travail encore moins rigoureux, moins respectueux du justiciable, loin du niveau d'exigence attendu pour assurer leur mission de protection des libertés individuelles, s'exposant au risque d'enfreindre leurs obligations déontologiques".
Fruit d'une décision commune entre le siège et le parquet, plusieurs audiences, entre 15 et 18 selon les sources, doivent être supprimées au cours des prochains mois. "C'est une organisation de crise", soulignent plusieurs magistrats. Les délits routiers et les dossiers économiques et financiers doivent être parmi les plus touchés.
"Il est hors de question de supprimer les audiences qui concernent les faits les plus graves et la sécurité publique", affirme le procureur de Créteil, Nathalie Bécache, qui se dit "soucieuse de la continuité du service dans des conditions de travail qui soient acceptables pour les magistrats".
"On a une justice au rabais. Nous sommes un service particulier et l'impact est énorme", dit Henri-Ferréol Billy, délégué CGT au tribunal, qui fait état, au-delà du malaise des magistrats, du sous-effectif chronique du greffe.
"Nous avons un fonctionnement de crise depuis 10 ans", affirme le syndicaliste. Il estime qu'en mars 2014, seuls 82% des postes du greffe de Créteil, seront pourvus.
De source http://fr.news.yahoo.com/cr%C3%A9teil-quot-ras-bol-quot-juges-065124006.html
6-@maitre_eolas 17 12 2013 http://t.co/cjjHWZfFpR Qui nous parle de "l'ignorance du public à l'égard du droit", peu après 2'30" :-)
— Bruno Kant (@bkant) 15 Janvier 2014
5-Jean-Paul JEAN 17 12 2013 3'30" http://t.co/3Jl4YhaFYO "en matière civile, le référé, ça marche très bien" #LOL
— Bruno Kant (@bkant) 16 Janvier 2014
7'13", M. Jean-Paul JEAN nous parle de qualité, et de l'exécution de décisions de justice... on en a pas mal reparlé avec #Dieudonné ;-)
— Bruno Kant (@bkant) 16 Janvier 2014
"En matière civile, le référé, ça marche très bien"? http://t.co/5sCp9cxfro On m'avait parlé de jugements susceptibles de recours #Mouahaha
— Bruno Kant (@bkant) 16 Janvier 2014