« A Nanterre, une décision « au nom du principe de précaution » | Treize ans de réclusion pour « Terminator » » |
Une magistrate mise en cause pour avoir libéré un mari violent
Douai - Un pédophile, récidiviste présumé, remis en liberté • TF1-LCI, le 25/09/2008 • A Douai, un homme mis en examen pour viols sur trois enfants de 11 ans a été relâché sous contrôle judicaire, malgré une précédente condamnation pour de mêmes faits. Le parquet a fait appel. • Voir Notes...
"Ce qui a résulté de la décision du JLD, en 2007, est un manquement inexcusable", estime aujourd'hui Me Dechaumet. L'issue de la procédure lancée par l'avocate et sa cliente reste néanmoins incertaine. Pour avoir des chances d'aboutir, il faut notamment que l'accusation réussisse à caractériser une "faute lourde" de la justice. Or la jurisprudence sur le sujet est complexe. "Même si au final la décision ne nous est pas favorable on aura fait remuer les choses", justifie l'avocate. [...] Toujours en poste au sein du tribunal de grande instance de Poitiers, elle est désormais juge aux affaires familiales.
Une magistrate mise en cause pour avoir libéré un mari violent
LE MONDE | 01.10.08 | 08h05
Le 8 octobre, une assignation consacrant la responsabilité de l'Etat en raison d'un dysfonctionnement de la justice suite à une "faute lourde" d'une magistrate sera examinée, lors d'une audience de procédure, devant la 1ère chambre du tribunal de grande instance de Paris. L'origine du dossier remonte au 19 juin 2007. Ce jour-là, Mireille Guilbault, une enseignante de 43 ans, mère de trois enfants, est abattue à bout portant d'une dizaine de coups de carabine, sur un parking de Vannes. L'homme qui a tiré est son mari, Pascal Guilbault, dont elle est en instance de divorce. Après avoir tué son épouse, il se suicide en retournant l'arme contre lui.
Or deux semaines avant le drame, le 5 juin, Mme Guilbault avait déposé une main courante contre son conjoint. Elle y dénonçait alors "les très graves sévices et les menaces de mort qu'elle subissait" depuis plus de quinze ans de la part de son époux, selon Me Sophie Dechaumet. L'avocate représente la soeur de la victime, Véronique Bernard, une enseignante de 42 ans, aujourd'hui à l'origine de la procédure.
Devant la gravité des faits dénoncés, le parquet avait immédiatement ouvert une enquête préliminaire. Le 6 juin, lors d'une perquisition au domicile des époux, les policiers avaient également découvert tout un arsenal d'objets sadomasochistes. Ils avaient aussi rapporté de nombreuses cassettes vidéos où M. Guilbault filmait ses ébats non consentants avec son épouse. L'homme avait alors été placé en garde-à-vue.
"Les faits nous ont d'emblée apparu graves", raconte aujourd'hui au "Monde" le procureur de Poitiers, Frédéric Fèvre. Sur ce constat, le 8 juin 2007, il avait décidé d'ouvrir une information judicaire et mis en examen l'époux pour "viol précédé, accompagné ou suivi d'actes de torture et de barbarie et menaces de mort".
"MANQUEMENT INEXCUSABLE"
Face à la complexité de la personnalité de l'individu, il avait également requis son placement en détention. Mais la juge des libertés et de la détention (JLD) de l'époque, X, une juge d'expérience, ne l'avait pas entendu de cette oreille. Et après avoir vu M. Guilbault, elle avait décidé de le relâcher et de le placer sous contrôle judiciaire."Nous avons immédiatement interjeter appel et demandé un audiencement d'urgence", explique M. Fèvre. La première date disponible devant la chambre de l'instruction était le 19 juin. Le jour où M. Guilbault a tué son épouse.
"Ce qui a résulté de la décision du JLD, en 2007, est un manquement inexcusable", estime aujourd'hui Me Dechaumet. L'issue de la procédure lancée par l'avocate et sa cliente reste néanmoins incertaine. Pour avoir des chances d'aboutir, il faut notamment que l'accusation réussisse à caractériser une "faute lourde" de la justice. Or la jurisprudence sur le sujet est complexe. "Même si au final la décision ne nous est pas favorable on aura fait remuer les choses", justifie l'avocate.
Pour l'heure, Mme X, la juge visée, ne souhaite pas s'exprimer sur ce dossier. En l'état, aucune décision disciplinaire n'a été prise à son encontre. Cet été, elle a néanmoins obtenu un changement d'affectation. Toujours en poste au sein du tribunal de grande instance de Poitiers, elle est désormais juge aux affaires familiales.
Une magistrate mise en cause pour avoir libéré un criminel
lefigaro.fr | 30/09/2008 | Mise à jour : 21:28
Dix jours après avoir été remis en liberté par une juge, un mari violent avait tué sa femme. La sœur de la victime veut voir la responsabilité de la magistrate engagée.
La mort de sa sœur n'aurait jamais dû avoir lieu. Si seulement la magistrate n'avait pas remis en liberté cet homme dangereux qu'était le mari de sa sœur… Convaincue que le drame aurait pu être évité, Véronique Bernard a décidé de mettre en cause la responsabilité de la juge des libertés devant la justice. L'assignation rédigée en droit contre l'État pour «dysfonctionnement du service public de la justice» va être examinée pour la première fois le 8 octobre.
Le drame s'est déroulé dans la région de Poitiers, en juin 2007. Mireille Guibault, la sœur de Véronique, décide de quitter le domicile conjugal et d'entamer une procédure de divorce. Elle dénonce aux policiers les viols et les tortures dont elle fait l'objet depuis des années de la part de son mari. «Elle est venue me voir un soir de permanence, raconte un enquêteur, qui a gardé l'affaire précisément en mémoire. Les perquisitions menées au domicile ont tout de suite permis d'établir la réalité des faits.» Pascal Guibault, un ancien militaire, salarié de l'université de Poitiers, homme en apparence lisse et affable, avait en effet pour habitude de filmer les scènes de tortures qu'il infligeait à sa femme. Ces vidéos ainsi que divers objets sont saisis par les policiers.
Sous contrôle judiciaire
L'homme est interpellé, pendant que son épouse, enseignante, se réfugie loin du domicile avec ses trois enfants. Le 8 juin, après 48 heures de garde à vue, Pascal Guibault est mis en examen. Le parquet requiert son placement sous écrou. Mais la juge des libertés et de la détention - un magistrat volontairement distinct de celui en charge de l'instruction - estime que l'incarcération de l'homme n'est pas nécessaire et décide de le remettre en liberté sous contrôle judiciaire. Logiquement, le parquet fait appel, continuant de demander que le mari soit incarcéré immédiatement.
L'audience qui doit trancher sur cette question est fixée au 19 juin. Elle n'aura jamais lieu. Au petit matin du 19 juin, Pascal Guibault a abattu sa femme de onze balles de 22 long rifle, à la sortie de son hôtel, à Vannes, alors qu'elle s'apprêtait à participer à un jury de recrutement de professeurs. Il s'est suicidé immédiatement après, à l'aide d'une autre arme.
En principe, l'action de la justice aurait dû s'arrêter avec la mort dramatique des deux protagonistes. Mais la sœur de Mireille Guibault n'a pas voulu en rester là. Pour elle, la remise en liberté de son beau-frère constitue une faute lourde, car sa dangerosité était patente.
«Devant les enquêteurs, mais aussi devant le procureur de la République, Pascal Guibault avait avoué les faits, réitéré les menaces de mort sur sa femme et présentait un état psychique qualifié de dangereux», assure Me Sophie Dechaumet, conseil de Véronique Bernard, dans son assignation. «Le rapport de police mentionnait expressément que, malgré ses airs très comme il faut, cet homme était dangereux», témoigne un enquêteur de Poitiers. «Personnellement, j'étais convaincu que cet homme allait récidiver», confie aujourd'hui un magistrat du tribunal de Poitiers.
Pourtant, même si les faits lui ont donné tort après coup, la juge des libertés peut-elle être considérée comme fautive ? Rien n'est moins sûr. Au nom de l'indépendance des magistrats, ne sont qualifiés de fautes que les cas de «méconnaissance grave et inexcusable des devoirs essentiels du juge dans l'exercice de ses fonctions». «J'ai bien conscience que ce dossier est difficile à plaider», concède Sophie Dechaumet.
Jointe par Le Figaro, la magistrate mise en cause n'a pas souhaité s'exprimer. Très éprouvée par l'affaire selon les témoignages de ses collègues, elle a désormais rejoint les affaires familiales.
Plus récemment, la cour d'appel de Paris a jugé que la décision d'un juge aux affaires matrimoniales fixant le lieu de résidence habituelle d'une enfant chez la mère, laquelle avait tué sa fille, constituait une faute lourde. La mère avait auparavant été hospitalisée d'office pour meurtre hallucinatoire (C.A Paris, 25 octobre 2000 : D. 2001, J. p. 580, note Lienhard).
La circonstance que l'ordonnance litigieuse soit devenue définitive, faute d'appel du père de l'enfant, n'a pas fait obstacle à la reconnaissance d'une faute lourde. Toutefois, la cour d'appel a pris soin de relever que la signification requise par l'article 670-1 du nouveau Code de procédure civile, en cas de non réclamation de la lettre recommandée notifiant l'ordonnance, n'avait pas été effectuée.
L'ensemble de la jurisprudence précitée semble révéler une certaine propension à interpréter de façon relativement souple la notion de faute lourde du service de la justice. Certaines omissions, négligences ou erreurs encourant, en effet, cette qualification, plus par l'ampleur de leurs conséquences que par leur gravité intrinsèque.
Extrait du rapport 2002 de la Cour de cassation. « Le Rapport pour 2002 comporte, outre des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, l'analyse des principaux arrêts et avis rendus au cours de l'année écoulée dans toutes les branches du droit privé, ainsi qu'une série d'études rédigées par des magistrats de la Cour de cassation. Plusieurs études ont été élaborées sur le thème commun de la responsabilité. »
Peu de sanctions sont prononcées contre les juges
lefigaro.fr | 30/09/2008 | Mise à jour : 21:25, extraits
Le nombre d'assignations a légèrement crû ces trois dernières années. Elles sont passées de 180 en 2004 à 239 en 2006.
Le juge devra «payer» pour sa «faute», avait lancé, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, à propos du magistrat qui avait remis en liberté Patrick Gateau, au lendemain du meurtre de Nelly Crémel.
Depuis ces déclarations, qui avaient suscité une vive polémique dans le monde judiciaire, la question de la responsabilité des magistrats a été plusieurs fois sur le devant de la scène politique, sans toutefois que le système ne soit réformé. ...
Les magistrats sont très attachés à ce que le contenu «juridictionnel» d'une décision reste inattaquable, considérant que la seule bonne voix de recours d'un justiciable qui ne serait pas content d'une décision reste l'appel. La simple erreur d'appréciation d'un magistrat qui aurait par ailleurs travaillé avec sérieux est délicate à mettre en cause.
La cour d'appel de Paris a toutefois considéré, en octobre 2000 comme une faute lourde la décision d'un juge aux affaires matrimoniales qui avait fixé le lieu de résidence habituel d'une fillette chez sa mère, alors que celle-ci avait été hospitalisée d'office pour meurtre hallucinatoire. La mère avait tué sa fille.
Les meurtres-suicides
Revue de la littérature
A.-S. Chocard, F. Juan,
Mémoires&Thèses, Forensic n°12, octobre, novembre, décembre 2002
Pour un meilleur contrôle de la disponibilité des armes à feu en France
Mikael Humeau, Jean-Louis Senon
L’Information psychiatrique 2007 ; 83 : 265-268 ; éditorial, avril
Imaginaire&Inconscient n° 16 2005/2, sur CAIRN
Approche psychopathologique du passage à l’acte homicide-suicide
Anne-Sophie Chocard