Catégorie: Un peu d'histoire
L'omerta française
L'omerta française
Sophie Coignard et Alexandre Wickham
Albin Michel, 1999
« Rôtisserie » et effet dominos
Les avocats demandent l'acquittement général
Libération, vendredi 14 avril 2006, extrait
Ce fut longtemps considéré comme un fait acquis : Lorie, placée en famille d'accueil à 4 ans, se masturbait sur le gazon. Troublant symptôme. Il aura fallu attendre la dernière ligne droite du procès Outreau bis pour rectifier. Son assistante maternelle n'avait fait qu'interpréter. L'enfant avait de l'herbe dans sa culotte.
De la page 13 du rapport de l'IGSJ, l’origine de la saisine et l’enquête préliminaire...
Ce rapport - de l'UTASS d'Outreau - faisait état, d’une part, de l’attitude particulière des mineurs constatée par leurs assistantes maternelles, notamment du comportement sexualisé de W, et, d’autre part, de révélations faites à celles-ci et aux assistants sociaux par Y et W, laissant penser que ces enfants pouvaient être victimes d’agressions sexuelles commises par leurs parents.
VDN, édition du Vendredi 07 Avril 2006
Social / Outreau : l'autre affaire
Le procès de sept personnes accusées de viols sur enfants à Outreau continue
À la barre, les services sociaux en rangs serrés
QUAND une référente des services sociaux évoque «le contexte d’Outreau» en 2001, ça provoque une crise de pseudo-hypocrisie générale, dans la cour d’assises, se terminant, comme souvent, par une poussée de décibels stérile. Faut pas en parler. Même à quelques minutes de l’audition d’un enfant ayant accusé, un jour, le curé… dans l’autre affaire. Avant de l’innocenter.
Ce premier dossier a obligé tous ses intervenants à se poser, un jour, des questions. Ce n’est pas le cas, a priori, des services sociaux: «J’estime que nous travaillons comme il le faut. Je ne ferai pas autrement demain…», a assuré l’attachée territoriale de l’UTAS (Union territoriale d’action sociale) cette semaine. «On n’a pas à avoir d’état d’âme dans quoi que ce soit », a confirmé sa référente, hier.
Cadeau au placard
Pas le moindre doute dans leur travail: «On n’a condamné personne.»
Depuis le début du procès, les jurés ont écouté 29 interventions d’assistantes maternelles, référentes, éducateurs… travaillant avec les onze enfants placés, dont trois sont en institut médico-éducatif (IME), dont un autre devrait les rejoindre et dont un cinquième est troublé psychologiquement.
Deux enfants d’un des trois couples sont placés, après un rapport d’une assistante sociale en 1999, «parce que les parents n’apportaient pas les réponses éducatives appropriées». Les enfants perturbés arrivent chez des assistantes maternelles… et ça ne se passe pas « comme d’habitude». Pour le plus grand, «il était violent, crachait sur son image dans le miroir, m’agressait, attachait ma nièce sur le lit…», dira la première de ses «tatas».
Trois mois plus tard, il change de famille d’accueil et est désormais suivi par une équipe complète.
Me Pascale Pouille-Deldique demandera à ces personnes «expérimentées, professionnelles, encadrées» si ce garçon de 9 ans était si difficile à gérer. Bien sûr. L’avocate ne dit pas où elle veut en venir, mais laisse planer une interrogation: comment faisaient les parents pour gérer cette situation, avec une autre enfant (actuellement en IME spécialisée en Belgique), alors qu’ils étaient sous médicaments puissants, sans travail, sans trop de repères éducatifs, suivis «administrativement» par les services sociaux?
Me Pouille-Deldique, insiste sur ces «réponses éducatives» quand elle demande, à la référente qui gère 43 enfants, «pourquoi le cadeau offert par la mère à son fils, lors d’une rencontre médiatisée, est directement rangé dans le placard». Celle-ci répond qu’il fallait apporter, justement, une «réponse éducative». Il n’aurait pas été sage.
Marianne n°458, semaine du 28 janvier
Ce que leur enfer nous a appris
Dès l'ouverture de l'enquête, la «Tatie Connection» est à l'oeuvre. Quelques nourrices, pour certaines tout juste agréées, interrogent leurs petits pensionnaires, se concertent, offrent des desserts aux enfants qui s'épanchent. Certains voisins s'autorisent à couvrir d'insultes les familles des accusés. Devant les policiers, un coiffeur va jusqu'à interpréter une coupe de cheveux des époux Marécaux comme une manoeuvre pour ne pas être reconnus sur les photos par les enfants.
«Ne vous heurtez pas à ces gens-là», lui glisse-t-on. Sous-entendu: pliez-vous aux exigences du juge...
Devant la cour de Douai, les avocats ont exposé de simples observations pendant que leurs clients étaient extraits deux minutes par la trappe d'un cagibi, après des heures d'attente. Parfois, cette instance rédigeait carrément ces conclusions avant l'audience.
Portails universitaires, classiques, revues et recherche
Des incontournables sur Internet pour qui souhaiterait revoir ses classiques ou approfondir un thème particulier :
- http://www.revues.org/, Revue d'histoire de l'enfance irrégulière ; Clio, histoire, femmes et société ; Champ pénal ; Cahiers de recherche médiévale ; Cultures & conflits ; etc
- http://www.erudit.org/, un vaste portail de promotion et de diffusion de la recherche universitaire
- http://classiques.uqac.ca/, 7 collections disponibles regroupant 3,131 oeuvres originales de 1 006 auteurs différents
- http://www.gip-recherche-justice.fr/, présentation des programmes de recherche interdisciplinaire français et européens sur le droit et la justice
- http://www.cairn.info/, 150 revues de sciences humaines et sociales
Le sanglot judiciaire
La loi n’est jamais qu’un élément dans un système où agissent d’autres instances productrices de normes sociales ou qui relèvent de l’infra-droit • Jacques Commaille, Sociologie et sociétés, 1986.
Le sanglot judiciaire
La désacralisation de la justice (VIIIe-XXe siècles)
Sous la direction de Frédéric Chauvaud
Creaphis, 1999
Réalisé avec le soutien du GIP et du GERHICO
de l'introduction...
De l'époque médiévale à nos jours un spectre hante la justice. Dans un premier temps, il semble discret et fugace, on ne l'aperçoit qu'épisodiquement. S'agit-il d'un ectoplasme ou d'une hallucination ? Progressivement pourtant, avec une sourde obstination, il impose sa présence au point que nul ne peut l'ignorer. Toutefois, des périodes de rémission se produisent et pendant l'accalmie la « société judiciaire » oublie jusqu'à son existence. Sans se hâter, le spectre ressurgit, apparaît quand bon lui semble, devient menaçant puis redoutable.
Des témoins de leurs temps, observateurs de la chose publique, ont fait part de leurs observations. Juristes de renom et sans-grades, plumes illustres et plumes obscures constituent une surprenante galerie de déposants pour qui s'efforce de les entendre. Mais que disent-ils précisément, chacun selon son style et son époque ? Peut-on même professer qu'ils traitent des mêmes faits ? Où faut-il rechercher des indices ? Une multitude d'essais gothiques, de cathédrales intellectuelles, de traités sévères, d'opuscules agiles, d'ébauches pétillantes se sont déposées par strates et s'offrent à la curiosité des lecteurs qui s'attachent à l'histoire de la justice.
Tantôt ils traitent de la multiplication des officiers de justice, du glissement des fonctions judiciaires confiées dès 1250 à des juges-mâges, des grands de ce monde, de la justice divine, de la Loi, d'un nouveau système de tribunaux, de casuistique, de procédure, de jurisprudence, d'équité... Tantôt ils abordent, frontalement ou de biais, la question des maux de la justice, de ses travers, de ses dysfonctionnements, de ses réformes... Indéniablement, les discours sur la justice ne sont jamais univoques. Toujours ils expriment une dscordance.
Le dessein du présent livre est donc de prendre en compte la polyphonie des propos judiciaires et de s'attacher à tout ce qui se rapporte au désenchantement, c'est à dire à la désacralisation de la justice qui hante les institutions et les hommes.
Critique de la raison juridique.
T1. Où va la sociologie du droit ?
A.J. Arnaud, CNRS
2.2.1.1. La France au microscope
Sur www.reds.msh-paris.fr, extrait
L’existence d’un enseignement de sociologie juridique tient à l’initiative personnelle d’un professeur intéressé par ce thème. Une première constatation s’impose donc : il y a encore peu d’enseignants tentés, en France, par la sociologie juridique, et la demande, dans les U.E.R. de droit, ne paraît pas excéder l’offre. Cet état d’esprit correspond assez bien à la manière dont les étudiants conçoivent une telle discipline. Loin de se précipiter, à l’annonce d’un tel enseignement, pour en profiter, ils le boudent, pour la plupart. Où trouver l’explication ? La réponse, certainement, n’est ni simple ni univoque. Il faut évoquer, sans doute, le caractère apparemment peu pratique de la discipline. L’analyse sociologique est encore mésestimée dans la plupart des professions auxquelles se destinent les étudiants en droit privé. Plus soucieux de se préparer à une vie professionnelle où la sociologie juridique ne leur paraît pas devoir les aider substantiellement, que d’acquérir une culture qui leur semble étrangère à la mise en oeuvre quotidienne du droit, pourquoi iraient-ils perdre leur temps hors des sentiers dogmatiques ? Il faut ajouter que les candidats à l’enseignement du droit eux-même, qui connaissent bien les tendances et les lubies des membres potentiels de leurs jurys d’examen ou de concours, se gardent bien de s’engager sur la voie de la sociologie juridique, de peur de produire des travaux qu’on irait ensuite leur reprocher d’avoir réalisés, ou dont on ne tiendrait que peu de compte, comme s’il s’agissait de fruits de la pure fantaisie.
Enfin, dernière observation qui souligne la fonction que les médias sont susceptibles de jouer par l’introduction du changement social s’imposant au changement juridique. Les communications de masse peuvent contribuer effectivement à transmettre de « l’infra-droit », du « contre-droit », du « droit imaginaire », du « droit ordinaire » (ces expressions se multiplient beaucoup), des éléments du « juriste intuitif », c’est-à-dire des formes de droit susceptibles de s’opposer, de se juxtaposer au droit établi. Porteuses de changement social, les communications de masse peuvent ainsi imposer le changement juridique suivant des modalités déjà étudiées dans les nombreuses analyses des relations entre changement social et changement juridique. Elles peuvent aussi favoriser un pluralisme normatif en lieu et place d’un monisme normatif auquel aspire le législateur... ou le politique !
Jacques Commaille,
Droit & Société N° 16/1990
N° spécial 23 janvier 2008
L'Express, vendredi 20 octobre 2006
François Fejtö
"La fin du mythe communiste"
(...) Le fax et les moyens techniques nouveaux ont permis de contrer la propagande soviétique, très puissante en particulier dans la presse, l'opinion et les milieux intellectuels français.
[DOC]N°Spécial 23 janvier 2008
Format de fichier: Microsoft Word - Version HTML
Président : Monsieur Xavier SERRIER, Juge des enfants au tribunal de grande instance de Nanterre. Membre : Maître Denis LAVOIR, Huissier de Justice ...
www.hauts-de-seine.pref.gouv.fr/upl_dnl/2501/RAAspecial%20elections.doc - Pages similaires
Extrait...
ARTICLE 1er – A l’occasion de l’élection législative partielle des 27 janvier et 3 février 2008 (12ème circonscription) quatre commissions de contrôle des opérations de votes sont instituées.
ARTICLE 2 - Elles sont composées ainsi qu’il suit :
1° Commune de CHATILLON :
scrutin du 27 janvier
Président : Monsieur Xavier SERRIER, Juge des enfants au tribunal de grande instance de Nanterre
Membre : Maître Denis LAVOIR, Huissier de Justice
Secrétaire : Madame Claudine CABRE, Adjoint Administratif au Bureau du Cabinet et de la Police Administrative à la Sous-Préfecture d’Antony
Ni père, ni mère
L'infériorité de stature
Lorsque la malformation transparaît dans les archives, il est toujours difficile de déterminer si, congénitale, elle a hâté l'abandon de l'enfant par ses parents, ou si les circonstances de l'abandon et les mauvaises conditions de placement l'ont crée de toute pièce. Sous la Troisième République, les enfants en dépôt ont la croissance la plus complète : 6 % seulement sont peu développés ou affligés d'une malformation. A l'inverse, les trouvés ont énormément pâti de leur condition d'abandon : un tier grandit de manière anormale.
... En revance, les troubles de la croissance sont très fréquents chez les pupilles. ... 30 % des pensions sont accordées pour insuffisance de croissance (rachitisme ou faiblesse de constitution). En 1907, l'agence de Varzy (Nièvre) alloue cinquante-cinq pensions extraordinaires, dont trente et une (soit 56%) pour développement insuffisant. Tout au long de la période, on rencontre de nombreux cas de pupilles malingres. En 1891, un garçon de neuf ans est « petit pour son âge et chétif ».
Ni père ni mère, p. 158-159
Histoire des enfants
de l'assistance publique
(1874-1939)
Ivan Jablonka, chez Seuil
Page 52
Page 53
Le monde disparu des pupilles
Le Monde, édition du 23.03.06
Par Anne Chemin, extrait
Ivan Jablonka, auteur d'une étude sur un pupille devenu célèbre, Jean Genet (Le Monde du 21 janvier 2005), suit pas à pas ces milliers d'enfants que l'Assistance publique voulait, au nom de la réhabilitation de l'individu, arracher à la pestilence de la grande ville pour les confier à des familles habitant à la campagne. Placés dans des fermes, souvent exposés au froid, à la maladie et à la honte, les petits portaient, jusqu'à 6 ans, un cordon de soie et une médaille sur laquelle était gravé leur numéro d'immatriculation. A 13 ans, ils étaient « gagés » comme ouvriers agricoles ou domestiques, subissant souvent injures et humiliations. « De 1874 à 1939, l'ascension sociale des pupilles a été considérée comme une tâche très mineure, derrière les missions augustes - le combat hygiéniste, l'instruction élémentaire, la greffe territoriale et le renflouement de l'agriculture », note l'historien.
Ivan Jablonka ne se contente pas de retracer l'histoire d'une institution et de ses ambitions républicaines. S'appuyant sur le dépouillement de plus de 400 dossiers, il raconte, en citant des centaines de lettres et de rapports, le quotidien de ces enfants abandonnés : une pupille de 2 ans déplacée parce que sa literie n'a pas été aérée depuis six mois, un garçon de 17 ans qui menace, en 1919, de ne plus aller travailler car il lui est impossible « d'aller tout nu et sans chaussures », mais aussi un pupille de 16 ans séparé de ses parents nourriciers qui leur écrit en 1918 : « J'aime mieux qu'on me flanque une balle dans la peau que de me laisser vivre dans un pareil chagrin séparé de vous. »
L'Humanité, 26 juin 2004
Sébastien, kidnappé par la justice
Après avoir vécu huit ans avec ses grands-parents, Sébastien, quatorze ans, a été placé de force chez son père. Depuis, il menace de se suicider pour retrouver enfin sa " Mémé Mireille ".
L’OSE en question : piques et polémiques
Quelle est donc la politique de l’OSE? Selon un rabbin, qui a préféré taire son identité, «l’organisme a une politique purement laïque. Elle ne prend pas en compte la dimension identitaire et religieuse des enfants car il n’y a pas de volonté de donner une tonalité plus juive à leur système». Selon lui, «les dirigeants actuels de l’association ont une vision surannée de l’OSE». Celle de l’OSE d’il y a cinquante ans… «Ils ont fait de grandes choses pendant la guerre et nous devons beaucoup les remercier, mais le passé ne justifie pas les actes du présent.»
Françoise Atlan, de Sos Nechama, monte au créneau. «Cela fait trente ans que l’on perd des enfants!»
L’OSE en question : piques et polémiques
Tribune Juive n° 9
L’Oeuvre de Secours aux Enfants est chargée du placement des enfants juifs. Ils sont de plus en plus nombreux à être hébergés au sein de familles non-juives. Et malgré l’obligation qui leur est faite de respecter la religion de l’enfant, peu le font. Les familles et les associations s’inquiètent.
Keren, onze mois, hurle d’impatience en voyant sa famille arriver. Depuis deux jours, elle ne l’a pas vue. Pour Sonia Flah, sa mère, ce sera la dernière visite de la semaine. Scène douloureuse mais assez banale dans cette pouponnière du 10e arrondissement de Paris, où la petite fille a été placée par la justice. Quelques moments de tendresse, une puéricultrice ouvre la porte et fait signe à la mère que son temps de visite est écoulé. Sonia repartira seule. Une situation qui dure depuis presque un an, depuis la prise charge de son enfant par un organisme de l’État. La famille Flah se bat pour récupérer sa fille et a bien du mal à comprendre les raisons de son placement. «Vous savez quand la machine administrative s’emballe… », déclare-t-elle, désabusée. Maigre consolation pour cette maman. Mais ce que redoute aujourd’hui Sonia Flah, c’est que sa fille soit placée dans une famille d’accueil. «Je sais que beaucoup d’enfants juifs sont placés dans des familles non-juives par l’OSE. Mais pour Keren c’est hors de question, ce serait la perdre une deuxième fois.»
L'Australie présente ses excuses
A lire sur letemps.ch
« Une Australie Blanche et Pure »
SYNOPSIS • Entre 1910 et 1970 plus de 100 000 enfants aborigènes ont été enlevés à leurs parents pour être confiés à des familles blanches qui les ont adoptés. Des centaines d’entre eux ont été abusés. D’autres se sont suicidés.
AUSTRALIE • La "génération volée" obtient réparation
Un article de Courrier International
Actualités : asie >> 6 août 2007
Un Aborigène enlevé à sa mère à l'âge de 1 an dans le cadre de la politique d'assimilation forcée menée dans les années 1950 vient de recevoir 525 000 dollars (330 000 euros) à titre de dédommagement. C'est la première fois que la justice australienne indemnise une victime de la "génération volée".
Une dizaine d'années après la publication du rapport "Bringing them Home", qui a fait connaître au grand public la tragédie des enfants aborigènes volés, la Cour suprême d'Australie-Méridionale est la première juridiction du pays à reconnaître aux victimes un droit à l'indemnisation. Cette décision de justice historique stipule que Bruce Trevorrow, 50 ans, a été victime de traitements illégaux et soumis à une détention abusive en étant retiré à sa famille et placé dans une famille blanche en 1957, alors qu'il n'avait que 13 mois.
« On nous a cramé le cerveau », résume Jean-Pierre Jean-Marie
« C’était une politique du chiffre » • Six livres, un CD, de nombreux documentaires et articles, des assignations en justice... le dossier des enfants de La Creuse, en seulement deux ans, a connu une médiatisation internationale. Pourtant, il reste un constat troublant : l’État s’en moque. 15 juillet 2005, à lire sur temoignages.re.
« On nous a cramé le cerveau. » Pour résumer son histoire, Jean-Pierre Jean-Marie ne trouve aucune autre expression. Dans ce raccourci verbal, il a glissé tous ses maux : son départ précipité de Saint-Denis à l'âge de 12 ans, ses rêves déchus d'« études brillantes et de grandes écoles », l'autorisation provisoire de placement qu'ont signée ses parents en 1966 et « qui a duré trente ans », le doute d'avoir fait une bêtise au point de mériter « ça », mais aussi le temps perdu « qu'on ne rattrape jamais ».
Le Figaro, 16 septembre 2005
Les déracinés de la Réunion s'en prennent à l'État
Les enfances dérobées de la réunion
LE MONDE | 15 septembre 2005
16 août 2005. Les enfants ont grandi. Ils entrent dans la cinquantaine, l'âge des questionnements existentiels. Une quinzaine d'entre eux attaquent l'Etat devant le tribunal administratif de Limoges. Motifs : "Violation des lois sur la famille et sur la protection de l'enfance, violation des conventions internationales, non-respect des droits de l'enfant" (Le Monde du 18 août). A la fin de cette semaine, une quinzaine d'autres vont faire appel à Bordeaux d'une précédente décision négative rendue en juillet à la Réunion. Ai-je réussi ma vie ? Que serait-il advenu si ? Aurais-je pu être quelqu'un d'autre ? M'a-t-on, en quelque manière, volé ma vie ? C'est une réponse à ces doutes que les Réunionnais de la Creuse réclament aujourd'hui à la justice.
Entre 1963 et 1981, selon un récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), 1 600 mineurs seront ainsi transférés. Des Caravelle spéciales décollent, plusieurs fois l'an, avec des enfants de tous âges. Les nourrissons sont cédés à des familles adoptives, parfois dès l'arrivée à Orly. Les plus grands, souvent noirs ou métis, sont envoyés dans des centres d'accueil, à Guéret (Creuse), à Quézac (Cantal), à Albi (Tarn) ou à Lespignan (Hérault).
Les services sociaux vont mettre un zèle particulier à une mission qui, selon l'IGAS, jouira de "l'attention personnelle de Michel Debré" . Les familles en difficulté sont légion. Misère, alcoolisme, illettrisme font des ravages. Les 2 CV de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale (Ddass) vont sillonner l'île pour alimenter le pont aérien et contenter leurs supérieurs.
Les enfants de Duplessis
Les enfants de Duplessis
Adje VAN DE SANDE
François BOUDREAU
École de service social
Université Laurentienne
Érudit, Nouvelles pratiques sociales,
Volume 13, n°2, 2000
Différentes formes d’abus contre des individus ont eu lieu dans des établissements publics au Canada. Cela est un fait de l’histoire canadienne du xxe siècle. Les orphelins de Duplessis font partie de ces victimes d’abus.
Ces enfants, orphelins sous la tutelle de l’État, ont été placés en milieu psychiatrique par le gouvernement de Maurice Duplessis, permettant à ce dernier de toucher des subventions fédérales spécialement prévues pour la psychiatrie. La présente étude porte sur les perceptions et sur l’expérience institutionnelle de ces enfants. Elle relate la lutte qu’ils ont menée, dans ses dimensions légales et politiques, pour faire connaître l’injustice qui leur a été faite et pour faire reconnaître leur statut d’« abusé ».
Ils ont demandé réparation au gouvernement provincial, à la profession médicale et à l’Église catholique. Mandaté par la Commission du droit du Canada, ce texte n’engage que ses auteurs.
Un scandale sanitaire soigneusement étouffé
Avant la récente épidémie propagée par un fromage d’Époisses, la listériose avait massivement tué en France en 1992. Un scandale sanitaire soigneusement étouffé. Listériose : ces 63 morts que l’on a cachés en 1992.
Enquête, révélation.
Un article de l'Humanité du 19 mars 1999, extraits
Les services vétérinaires, actuellement au centre d’une enquête administrative, avaient, à l’époque, protégé l’industriel responsable.
L’affaire paraissait incroyable. Elle est exacte, vérifiable, choquante.
... Le fabricant n’a pas été inquiété. Son nom a été tenu secret. Il n’y a eu aucune mise en garde précise des consommateurs, aucun appel à retirer des rayons les produits suspectés d’être dangereux. On a comptabilisé les victimes, sans leur permettre de demander des comptes à l’industriel présumé responsable de leurs deuils.
Contactée, la Direction générale de l’alimentation ne dément pas nos informations. Un contrôleur vétérinaire nous répond : " Si les choses se sont passées comme vous le dites, c’est que nous avions des consignes venues d’en haut. " Il justifie ce qui s’est passé en agitant le spectre du chômage : " Si le nom de l’entreprise avait été rendu public, il aurait fallu la fermer. " Alors pourquoi avoir rendu public celui de deux fromageries, récemment, dans des épidémies de moindre ampleur ? Faut-il poser la question en opposant santé publique et emploi ? La mort ou le chômage ? Un débat douteux.
Ce fonctionnaire nous renvoie finalement vers la Direction des fraudes (DGCCRF). Le ping-pong habituel. Là, une chef de service nous développe une argumentation en cinq points : 1ø) La listériose est une maladie fréquente et la plupart du temps anodine. 2ø) Elle ne frappe que des personnes imprudentes qui n’ont pas respecté les consignes sanitaires habituelles (voir encadré). 3ø) La société exige un risque zéro complètement irréaliste. 4ø) Ce n’est pas parce qu’il y a décès qu’il y a eu faute grave. 5ø) Aucun journaliste ne pourra jamais établir que les 63 décès ont une seule et même cause.
Un journaliste ? Comment contester les propos du directeur général de l’alimentation de l’époque, Jean-François Guthmann ? Le 29 septembre 1993, au cours d’une conférence organisée par le SNVIMA (Syndicat national des vétérinaires inspecteurs du ministère de l’Agriculture), un dialogue édifiant s’est engagé entre ce haut fonctionnaire et un éminent juriste, le professeur Yves Mény, sur un thème passionnant : confusion des rôles, conflits d’intérêts et déficience des contrôles dans de nombreux États européens.
Yves Mény : " La meilleure chance pour que les fonctions de contrôle soient reconnues est l’apparition d’un scandale, car les administrations et les hommes politiques ont un agenda ronronnant mais des attitudes réactives, sans prendre l’initiative. Il faudrait un scandale pour les services vétérinaires... "
Jean-François Guthmann : " Je dois donc comprendre que les agents des services vétérinaires travaillent trop bien puisqu’il n’y a pas eu de scandale à la suite des épidémies de listériose... "
Yves Mény : " Je m’étonne que l’opinion publique ne se soit pas mobilisée sur les problèmes de rillettes et de langues de porc (...). Les Français n’aiment pas beaucoup la transparence, car elle entraîne souvent des conflits. Par exemple, le responsable de l’affaire des langues de porc n’a jamais été cité. "
Jean-François Guthmann : " À la date où le nom du responsable a été connu, après huit mois de corrélations statistiques, l’entreprise avait déjà mis en ouvre les mesures correctives indispensables. Fallait-il alors mettre l’entreprise concernée au ban, avec les enjeux économiques que cela comporte ? "
Cette répartie du directeur général de l’alimentation nous apporte trois réponses capitales. Il y a eu faute puisqu’il y a eu " mesures correctives ". La responsabilité de l’épidémie est attribuée à un seul responsable. Ce nom, connu, a été gardé secret. Était-ce parce qu’il s’agissait d’un établissement qui aurait dû être soumis à des services vétérinaires réguliers ? La réaction du professeur Mény mérite d’être méditée : " Est-ce qu’une personne qui a tué quinze personnes sur la route mais qui n’est plus en possession de son véhicule au moment de son arrestation ne doit pas être poursuivie ? "
Les familles des victimes apprécieront.
L’industriel a-t-il été protégé parce que son établissement bénéficiait de contrôles vétérinaires réguliers ?
La censure de Vichy
Revue d'histoire de l'enfance "irrégulière", Numéro 3, 2000
L'enfant de justice pendant la guerre et l'immédiat après-guerre
2) La censure de Vichy
... le film fut surtout amputé d'une séquence essentielle et qu'il importe ici de restituer. Nous sommes de nouveau dans les scènes se déroulant à l'Hôtel du Parc, quand Jean Victor accompagné de ses deux acolytes, Malory et Ferrand, tente d'obtenir d'un fonctionnaire guindé l'autorisation d'ouvrir son centre de rééducation en se livrant à un réquisitoire contre les « bagnes d'enfants » :
Jean Victor : « Il ne faut plus que l'on traite les enfants comme des bêtes et que les pénitenciers soient des fabriques de révoltes. On les bride, on les écrase sous prétexte de les redresser et puis [ensuite] on les rejette à la rue comme des épaves. Ce système-là a fait faillite. C'est une honte pour notre pays de l'avoir toléré si longtemps... Il ne doit plus y avoir de bagnes pour les enfants » [...]
Le fonctionnaire : « Il ne faut rien exagérer ! Moi qui vous parle, j'ai appartenu autrefois à l'administration pénitentiaire. Je connais bien la question... je vous assure qu'il court beaucoup de légendes sur les pénitenciers de jeunes délinquants »
Jean Victor se contenant : « Pourtant il y a des faits qui ne sont pas niables »
Le fonctionnaire dit tranquillement avec son sourire sceptique : « Oui... quelques petits abus... des cas isolés... dont la presse s'était emparée avant la guerre... permettez-moi de vous le dire... heureusement ils ont été d'ailleurs sévèrement réprimés... maintenant tout cela est très surveillé, croyez-moi... Ces jeunes chenapans sont conduits avec beaucoup plus de douceur qu'on ne l'imagine... »
Malory, incapable de se contenir s'est levé d'un bond : « Eh bien ! vous en avez un culot, vous ! »
Le fonctionnaire stupéfait balbutie : « Comment ? »
Jean Victor intervient : « Excusez mon ami, Monsieur. Il est étonné et il y a de quoi ! Si vous êtes de bonne foi... alors c'est qu'on vous cache tout »
Ferrand, ouvrant tout à coup sa chemise et montrant sur son cou une longue cicatrice, crie à son tour : « Et ça ? C'en est de la douceur ? Un coup de poinçon d'un gardien à l'atelier de menuiserie à Eysses... »
Les nouvelles sorcières de Salem ; Leçons d'Outreau
Les nouvelles sorcières de Salem ; Leçons d'Outreau
Antoine Garapon et Denis Salas
Seuil, 2006
Si certains refusaient d'entrer dans la communauté des "croyants", s'ils refusaient d'habiter "l'âme collective" décrite par Le Bon, ils étaient progressivement mis à l'écart. Nul ne leur adressait la parole. Une communauté morale, en exigeant une "loyauté" sans faille au pacte qui l'unit, est totalitaire.
La répétition et l'affirmation de ce danger relancé à chaque fait divers provoquent les effets de croyance et de contagion décrits par Le Bon. Orchestrées par les media de masse, nourries d'un flot de mots et d'images, les réactions sociales portent ce mécanisme à l'incandescence. Toutes les attentes se dirigent alors vers une justice présumée capable de nous délivrer enfin du mal.
Dans les slogans de l'urgence morale, l'activisme est de bon ton. "Se taire, c'est laisser faire." La prudence se mue en attentisme, le respect des droits en laxisme, la mesure en indifférence coupable. "Plus personne ne pourra dire : je ne savais pas." Un culte de la précaution suspicieuse envahit toutes les sphères de la vie sociale. Seul compte la démonstration que tout a été fait pour éviter le pire.
Les bagnes d'enfants, dieu merci, ça n'existe plus
Les bagnes d'enfants, dieu merci, ça n'existe plus
Jacques Fresco,
ed. Maspero, avril 1974
S'écarter des normes sociales, c'est s'exposer à connaitre l'institution spécialisée. Si cette "prise en charge" s'opère dans un lieu spécifique - internat, externat, hôpital, foyer, ... -, on parle alors de "placement". Les jeunes des foyers de Flers et des Cytise sont dits "placés".
Le comportement a-normal (c'est à dire différent de celui de la moyenne des gens ou différent de l'attente du pouvoir en place ?) peut concerner la vie sociale (par exemple : oisiveté, vol, agressivité), la vie affective et intellectuelle (bizarrerie, étrangeté, débilité), ou meme la situation familiale (pupille, reccueilli temporaire).
Ils - les ados de de Flers et les jeunes filles des Cytises à Caen - contestaient la marginalité réputée des "voyous" en général, et du placé en institution. La popularisation de leur lutte, les échanges avec la population, furent ainsi pour eux particulièrement fructueux.
Ils contestaient le hasard de leur placement. Ils trouvaient qu'il suffit de peu pour que toute une vie soit chamboulée.
Ils contestaient enfin la repression dont ils étaient l'objet dans l'institution où ils étaient placés.
... Ils évoquent toujours au départ leur demande d'aide ou celle de leurs parents, indispensable devant les conditions éprouvantes qu'ils rencontrent.
La torture dans la République
La torture dans la République
Pierre Vidal-Naquet
Editions de Minuit, février 2004
Chapitre 8, Désordre dans la justice