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Dils témoigne contre l'erreur judiciaire
L'affaire Dils ou de Montigny-lès-Metz, un fiasco psychiatrique, parmi l'un des nombreux naufrages judiciaires que j'ai pu étudier par le passé... En septembre 2008, à Paris, au cours d'un colloque justice et psychiatrie, un grand barouf international organisé par la gauche, je l'avais évoquée. J'ai parlé, puis Jean-Olivier Viout m'avait répondu, m'intimant de respecter l'autorité de la chose jugée ; je la respectais ; ce magistrat m'avait mal compris, à moins que je ne le heurtais de trop. Je souhaitais alors simplement pointer du doigt les errements de quelques spécialistes, des psychologues ou psychiatres, qui s'étaient longuement penchés sur le personnage Dils, des experts qui n'y auront donc pas vu très clair. Je lis que depuis, ce double meurtre ou naufrage a encore fait beaucoup parler, que Dils en personne témoigne encore, « contre l'erreur judiciaire » ; Dils est-il audible lorsqu'il expose son expérience ?
En septembre 2008, la gauche nous suggérait de relire Michel Foucault, c'était l'intitulé de son barouf. Peu avant que je m'exprime, Elisabeth Roudinesco avait été taquinée par une courte citation de Foucault. Quand j'ai pris la parole à mon tour, j'avais souhaité rappeler qu'en 1983, Foucault en personne nous mettait déjà en garde contre les excès de la justice ; on m'avait lancé qu'il avait été suffisamment cité... j'en doute encore. « Vous êtes dangereux », écrivait Foucault, en 1983, dans Libération (déjà dans un tract de gauche, voire à son attention ?). « Ce qui s'est passé ? Un homme est condamné à quinze ans de prison pour un hold-up. Neuf ans après, la cour d'assises de Rouen déclare que la condamnation de Knobelspiess est manifestement exagérée. Libéré, il vient d'être inculpé à nouveau... » Foucault dénonçait alors les sanctions excessives, ainsi que leur caractère pathogène ; son article peut être lu sur le site de la revue Quasimodo, ou dans son numéro 2, Corps incarcérés. Patrick Dils a accompli 15 ans de prison dans l'affaire du double meurtre, crime qu'il n'a pas commis ; bravo aux psychiatres et à la justice qui s'en est longuement remise à leurs expertises ! Pendant tout ce temps, Dils semble avoir bien gouté également au caractère pathogène de la détention ; il a évoqué son calvaire en prison, où il est entré à l'âge de 16 ans, séjour émaillé de séances « de racket, de tabassage et de viols répétés », rapporte aujourd'hui le Figaro. De temps en temps, nous avons aussi des nouvelles de Marc Machin.
En 2010, pour Café Crime, sur Europe 1, Emmanuel Charlot souhaitait nous apporter « une petite précision », un élément « essentiel », « qu'on oublie souvent » : « Patrick Dils, à l'époque de sa garde à vue, a huit ans de maturité, il est expertisé comme tel par les... par les experts euh... par un psychologue ». Ce journaliste souhaitait-il alors nous parler d'experts ou plutôt d'astrologues, de savants balbutiants, incapables de lire le passé ? Le son, ou ces propos hésitants d'Emmanuel Charlot, mêlés à d'autres :
C'est à de tels et prétendus experts que les juges s'en remettent pour lire le passé ou pour anticiper l'avenir, pour condamner les gens, aux assises, ou pour les faire enfermer et soigner, en psychiatrie ? C'est à pire que la justice s'en remet pour juger une famille, puis y prélever et s'occuper d'un enfant ; laissez moi rire, longtemps encore. Entre début mars et mi avril, plusieurs psychiatres ont pu discuter avec moi, certains plus longuement ; aucun n'a voulu m'entendre, tous n'ont fait qu'interpréter des mots et des faits, ou plutôt, n'ont fait qu'affabuler, projetant leurs fantasmes et inquiétudes. Pour le juge de la détention et des libertés, ces psychiatres étaient si peu crédibles qu'il a d'ailleurs d'abord réclamé une vrai expertise... Un premier « expert » était ensuite lui-même si peu crédible que ce juge a « exceptionnellement » réclamé une contre expertise ; le juge posait des questions précises. Lorsque la seconde « femme de ménage » a rendu son avis, elle n'avait pas répondu non plus aux questions pourtant essentielles du juge : pourrais-je être dangereux pour autrui ou pour moi-même, ou pourrais-je troubler gravement l'ordre public ? Au lieu de répondre à ces questions, le second « expert » en a inventé d'autres, puis a imaginé que je devais être « soigné »... Le 9 avril, le juge me maintenait enfermé. Puis le 15, j'étais libre, sans « programme de soins » ; un psychiatre semblait alors avoir enfin admis que je ne suis pas du tout dangereux. Ces spécialistes auront eu besoin de quelques cinq semaines tout de même pour le reconnaitre. J'ai eu chaud, j'ai pu échapper à des années de galères, ou de « suivi » et de « contrôle ».
Jean-Olivier Viout avait produit un document, peu connu, je pense : Rapport du groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau ». Ce rapport est disponible sur le site de la Documentation française ; il figure depuis longtemps parmi mes références, voir Ces juges qui dérapent ou l'éthique dans le service public. Le document de Viout souligne l'importance des questions posées à l'expert... « auxquelles il devra successivement répondre. » Il n'est pas écrit que « le psychiatre reste libre de broder, puis de répondre à coté de la plaque. » Mais c'est déjà un avis vieux de février 2005, les temps ont peut-être changés ? Oui, je sais, on ne devrait plus reparler encore d'Outreau, cette histoire a maintenant suffisamment traumatisé la justice ainsi que le peuple, les acquittés et les victimes. D'autres documents que ce rapport Viout attachent également une grande importance aux questions posées par le juge, ainsi qu'à la possibilité de les contester ; pourrais-je être dangereux, les questions qui avaient été posées par le juge des libertés et de la détention étaient les bonnes ; mais les experts auprès de la Cour, très peu sérieux, n'ont donc pas su ou daigné y répondre
Dils témoigne contre l'erreur judiciaire
Par lefigaro.fr avec AFP
Mis à jour le 26/04/2013 à 22:47
Patrick Dils, qui a accompli 15 ans de prison dans l'affaire du double meurtre de Montigny-lès-Metz (Moselle) pour laquelle le tueur en série Francis Heaulme est désormais renvoyé aux assises, a expliqué aujourd'hui à Pau qu'il sentait désormais la nécessité de parler de son affaire, "pour éviter les erreurs judiciaires" à d'autres. Dils, 42 ans et installé depuis près de deux ans en Gironde, avec sa compagne et son bébé de sept mois, s'exprimait à l'occasion d'un colloque "Du traumatisme à la réponse judiciaire", organisé par l'association "Halte au harcèlement moral". Il a expliqué qu'il jugeait "de son devoir", "nécessaire", de "parler ce qui lui est arrivé pour qu'il y ait de moins en moins d'erreurs judiciaires" à l'avenir.
Il a chiffré à une centaine le nombre d'interventions qu'il a pu faire, depuis son acquittement en 2002, devant des publics d'universitaires, de professeurs, de gendarmes ou d'avocats.
"Je ne suis pas là pour me vendre, je n'ai rien à vendre", a-t-il souligné. Il a expliqué d'une voix posée qu'il s'était senti victime de harcèlement dès son enfance : "Déjà tout petit, j'étais le vilain petit canard, on n'appréciait pas mes cheveux roux, mon grand nez", s'est-il rappelé.
Arrêté en 1987 pour le double meurtre brutal de deux garçonnets l'année précédente, et condamné à deux reprises par des cours d'assises, à perpétuité puis à 25 ans de réclusion criminelle, avant d'être acquitté en 2002, il a évoqué son calvaire en prison, où il est entré à l'âge de 16 ans, séjour émaillé de séances "de racket, de tabassage et de viols répétés". "Quinze ans de ma vie et mon honneur ont été volés", a-t-il observé, "mais on m'a rendu mon honneur, aujourd'hui je suis heureux". Evoquant enfin le futur procès de Francis Heaulme, dont certaines déclarations de lui-même, et des témoignages de voisins, évoquent la présence sur les lieux du crime, Dils a indiqué qu'il est "évident" que sa propre place sera à la cour d'assises, "car je veux comprendre pourquoi, comment, ce qui s'est passé, comment j'ai pu perdu quinze ans de ma vie", a-t-il conclu.