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Témoignage de Charles Palant
NDLR : Je ne peux que penser au Kapo, cette fiction « scandaleuse » de Pontecorvo. Il faut que je regarde Nuit et brouillard, j'en ai déjà bien trop vu et lu à ces sujets ; c'est à mon programme, mais chaque chose en son temps. Certains de ces films ou de ces documentaires sont particulièrement éprouvants, comme La religieuse, L’hygiène raciale nazie : le cas des sourds ou même, Une enfance volée : l'Affaire Finaly. Je pense que Kouchner pourrait nous en parler, je crois qu'il a l'habitude d'essuyer les plâtres sur la scène internationale, où les discours et récits sont parfois d'une violence extrême. Heureusement qu'il y a le football... private joke.
Témoignage de Charles Palant
Du témoignage au récit : « 700 jours en enfer, Auschwitz 1943-1945 »
Sur CNDP, coll. Pour mémoire, extraits de la présentation et du témoignage
En 1939, au début de la seconde guerre mondiale, Charles Palant a 17 ans. En août 43, parce qu’il est juif, il est arrêté par la Gestapo avec sa mère et sa sœur, expédié à Drancy, déporté à Auschwitz, en Pologne, où il est séparé de sa famille. Commence alors l’enfer de la captivité auquel il survivra pourtant. En 1976, il est invité dans la classe de sa fille Judith, élève de CM2 pour témoigner de ce qu’il a vécu pendant la guerre. Cette expérience terrible, comme la difficulté de la raconter, et la nécessité de le faire malgré tout, Charles Palant l’a confiée à Michèle Kahn, écrivain de livres de jeunesse, qui est venue l’entendre pour écrire, à partir de ce témoignage, un récit destiné aux élèves de cycle 3 : « 700 jours en enfer ».
Extraits du témoignage...
Et qu'est-ce qui s'est passé ?
Et c'est mon humour qui m'en a tiré !
C'est la question suivante que je voulais vous poser.
C'est mon humour.
Votre humour ???
Ah ! oui. Je dois ma vie à mon sens de l'humour !
Vous pouvez nous le raconter ?
Oh ! oui, je peux vous le raconter, mais vous allez écrire un roman hein, il n'est pas assez épais votre bouquin ! (rire) Oui. Un soir que j'étais à Lyon, avant d'être déporté, bien avant d'y penser même. À Lyon, il y avait une situation alimentaire difficile et quand on le pouvait, avec des copains, on avait 20 ans, quand on avait quatre sous devant nous, on allait dans un restaurant de marché noir pour manger un peu mieux.
[...] Et dans cette histoire, ils décident tous les deux de s'entraîner à ne pas se gratter, se laisser démanger mais sans se gratter. Alors ils se promènent comme ça tous les deux, et c'est difficile quand on est démangé de ne pas se gratter. Alors, un des deux commence à faire comme s'il était tout triste en disant : « Moi, oh ! là, là ! Quand je pense quand j'étais gosse mon père était militaire ! Il avait des galons ici, il avait des galons là, il avait des médailles. Et puis, petit à petit, il se gratte partout et l'autre voit bien qu'il s'est fait rouler là, alors il entreprend la même histoire mais en négatif : mon père n'était pas militaire. Il n'avait pas de galon ici, il n'avait pas de galon là ; et il termine son histoire en disant : moi mon père c'était un intellectuel, tout était là ! (rire)...
[...] C'est bien, je n'ai pas perdu mon temps ! Et puis, le jour vient où je sors pour retourner au travail, c'était fin février ou mars 44, en avril 44, un dimanche. On revient du travail - on ne travaille que le matin le dimanche. On revient à midi et l'ordre retentit : « Blockssperre ! » Ça veut dire que nous sommes consignés de nouveau dans les blocks. Ça, ça veut dire de nouveau qu'il va y avoir une sélection et arrivent dans notre block les deux, trois SS qui passent tout le monde en revue. Dans le block, nous étions environ 250. Il nous fait passer tous devant lui déshabillés, ah ! oui, un conseil de révision, et il retient 36 de nos 250 détenus dont moi, 36 dont moi : il ne me trouvait pas assez gras. Mais ce n'était pas celui à qui j'avais raconté l'histoire, c'était un comité de sélection. On est donc 36, les autres sortent.
Ils doivent être.
36 consignés, on ne bouge plus, ils doivent être gazés, ils seront, on est sélectionnés. Bon, on ne reste plus que les 36. Revient le chef de block avec un carnet et un crayon et il doit inscrire les numéros de ceux qui sont sélectionnés. Je ne sais pas, une espèce de sentiment prémonitoire : il serait bon que je ne passe pas tout de suite, que je ne sois pas pressé de me présenter, je vais essayer de passer dans les derniers, sinon le dernier. Bon, finalement, on passe, la mort dans l'âme, l'un après l'autre, et je passe le dernier. Le chef de block lève ses yeux vers moi. Il me regarde et il me dit en allemand - je ne sais pas si vous comprenez l'allemand. « Kannst du noch viel Wissen ? » « Est-ce que tu connais encore beaucoup de blagues ? » Je lui dis : « Je peux t'en raconter jusqu'à la fin de la guerre ! » (exclamation) Et il me montre l'autre porte. Il me fait sortir par l'autre porte ! Mes 35 camarades sont partis à la chambre à gaz.