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Macht und Nebel
C'est la crise. Dans Charlie Hebdo du 25 février, Philippe Val nous parle de brouillard, d'une myopie qui s'abat au moment même où tombe la nuit. Ses mots m'ont surpris vu la nature des controverses et polémiques que des articles de cet hebdomadaire ont déjà pu susciter. Les mots sont souvent chargés par l'Histoire, Alain Frachon, directeur de la rédaction du Monde, nous le rappelait lui également dans une tribune de la médiatrice du 20 février dernier.
Nacht und Nebel, j'en ai fait l'expérience en empruntant une route sinueuse en Irlande, un petit col de montagne. Au retour, après la tombée de la nuit, j'ai du rouler à l'aveuglette sur de très longs kilomètres. Macht und Nebel, j'en fais l'expérience depuis plusieurs années maintenant, particulièrement avec le juge pour enfant de mon secteur.
The Deer pass, Irlande du nord, il fait encore un peu jour
Macht und Nebel, depuis que je l'ai découvert, je ne peux que penser au travail de Joseph de La Martinière, les N.N., un livre paru avec un avant-propos de Germaine Tillion. Le contenu de cet ouvrage qui décrit une procédure d'exception est particulièrement choquant : l'arbitraire bordé par du droit, des juristes et des professionnels ?
Selon Germaine Tillion, la « mystérieuse » catégorie des prisonniers N.N. « savaient qu'ils ne devaient recevoir ni lettre ni colis ». Elle ajoute que parmi les N.N., certains détenus avaient des dossiers « très lourds » et d'autres « des accusations mineures ». Elle affirme que « dans la sélection des N.N. le choix était incohérent. » Comme elle l'écrit dans son avant-propos, cet ouvrage est très éclairant, il complète par divers aspects Le système totalitaire, d'Hannah Arendt : « En vérité, en ce qui concerne la veuve française, son mari était censé avoir cessé de vivre au moment de son arrestation ; ou plutôt, il avait cessé d'avoir vécu. » Je ne sais pas qui d'autre s'est depuis repenché sur le cas particulier des prisonniers N.N.
« Welcome » semble ne pas plaire à Eric Besson, il dénonce des dérapages. Je suis probablement tout autant choqué par une interview de Jean-François Guthmann parue dans l'Humanité, des réactions en 2007 de Roger Fajnzylberg et l'exposition que j'ai pu visiter ce dimanche, choqué également par ce que je sais depuis longtemps de la censure sous Vichy ou même de la perte d'identité, déclinée dans de nombreuses contrées.
On dit que des mots et plus encore des discours peuvent déchainer des passions. Des images et des vidéos produisent également des effets, parfois incontrôlables. On peut lire qu'à Millau, un écran de fumée aurait laissé s'instaurer l'arbitraire... Dans mon secteur, je trouve que des professionnels de la justice sont particulièrement doués pour ériger des écrans de fumée : un peu de blabla cautionné par des avis « psychiatriques » et un « placement durable » parait motivé. « Débrouillez vous, faites appel », m'a fait savoir la chancellerie.
Certains de mes lecteurs pourraient penser que ce que j'écris porte parfois de trop sur des conflits et l'indicible du siècle passé. Mais Richard Josefsberg de l'OSE France a lui même écrit que « C’est à partir de la seconde moitié du XXème siècle que les études sur les séparations deviennent plus systématiques et `' avec le recul une synergie apparaît entre les thèmes investis par le chercheur et le contexte social, entre l’histoire des idées et celle des hommes : ce n’est pas un hasard si l’étude de la séparation prend naissance au détour d’une période de l’humanité marquée par des millions de morts et de déportations ". »
« Utiliser le concept de séparation dans une perspective positive, en s'appuyant sur des références diverses et sans orientation idéologique, a été une préoccupation majeure » a écrit Richard Josefsberg... « Ayant décidé d'effectuer ma recherche sur mon lieu de travail, il me paraît nécessaire de m'arrêter quelques instants sur le risque encouru par le chercheur praticien qui travaille sur sa pratique et dans l'institution - l'OSE France - dont il est salarié. Concernant la présente recherche, je n'ai été l'objet d'aucune censure et je n'ai pas tenté de valider mon travail professionnel à tous prix [...] », écrit-il encore dans Internat et séparations.
« L'enfer, c'est les autres », écrivait Sartre ? Lorsqu'on lit des auteurs tel que Victor Hugo, on découvre que « il peut exister, par le fait des lois et des moeurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers... » Et selon Mirabeau, « Tous, excepté les imbécilles, ont défendu vivement leurs prérogatives, lorsqu'on a effayé de les limiter & fe font reffaifis à la premiere occafion favorable de ce qu'ils avoient perdu. ».
La répétition et l'affirmation de ce danger relancé à chaque fait divers provoquent les effets de croyance et de contagion décrits par Le Bon. Orchestrées par les media de masse, nourries d'un flot de mots et d'images, les réactions sociales portent ce mécanisme à l'incandescence. Toutes les attentes se dirigent alors vers une justice présumée capable de nous délivrer enfin du mal. • Antoine Garapon et Denis Salas, Les nouvelles sorcières de Salem ; Leçons d'Outreau, Seuil, 2006, p32-33
L'arbitraire du pouvoir, non limité par les lois, son exercice au profit du gouvernant et hostile aux intérêts des gouvernés d'une part, et, d'autre part, la peur pour principe d'actions, peur du peuple ressenti par le gouvernant, peur du gouvernant éprouvée par le peuple - telles ont été, tout au long de notre tradition, les marques distinctives de la tyrannie. • Hannah Arendt, dans Le système totalitaire
Nos cabinets seraient donc ainsi devenus, plutôt que le lieu symbolique où la loi se décline, un espace de non droit où règne l’arbitraire et la tyrannie sociale. • Le contradictoire en assistance éducative existe !, la Lettre de Mélampous de juin 2001
Une photo de l'exposition « A la vie ! »,
des tenues qui ont pu sauver de nombreux enfants juifs
Le décret et la procédure N.N., les initiés connaissent,
une sorte de régime de faveur pour les opposants du Reich