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Le procès Megel ou l'anti-Outreau
Enquête
Le procès Megel ou l'anti-Outreau
LE MONDE | 16.05.06 | Extrait
L'histoire aurait pu tenir en quelques lignes dans les colonnes du journal. "La cour d'assises de Paris a condamné, vendredi 12 mai, en appel, l'ancien directeur d'un centre éducatif pour mineurs en difficultés à douze ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur un de ses anciens pensionnaires." Du déjà-vu, du trop souvent lu. On lit vite et on passe. Parce qu'on n'en peut plus des affaires dites de pédophilie, parce qu'il y a trop de victimes proclamées, trop de coupables désignés, trop d'Outreau, trop de doutes. Alors pourquoi s'arrêter sur cette affaire-là ?
Pédophilie - L'ex directeur des Tournelles clame son innocence
TF1/LCI, le 25/04/2006
Robert Mégel, l'ancien directeur du centre pour jeunes inadaptés des Tournelles accusé de pédophilie, a crié haut et fort son innocence. Il a défendu sa thérapie contestée du "beau", dès l'ouverture de son procès en appel mardi à la cour d'assises de Paris.
"On a étouffé cette affaire, aidez-moi !". Robert Mégel, l'ancien directeur du centre pour jeunes inadaptés des Tournelles accusé de pédophilie, a crié haut et fort son innocence mardi, dès l'ouverture de son procès en appel mardi à la cour d'assises de Paris.
Cet homme de 58 ans, instigateur d'une méthode controversée de réhabilitation par le luxe des jeunes défavorisés, est incarcéré depuis le 9 décembre 2004, date de sa condamnation par la cour d'Assises de Seine-et-Marne, à 11 ans de réclusion pour viols et agressions sexuelles sur deux pensionnaires.
Discret, les cheveux courts et le visage souvent tourné vers le sol, l'un d'entre eux est assis avec les parties civiles : Jérôme, 25 ans aujourd'hui, avait raconté en première instance les "masturbations" puis les viols de Robert Mégel alors qu'il avait 14-15 ans et qu'il montait les plateaux-repas du directeur dans son appartement de fonction.
"Le goût et le respect du beau"
"En prison, assure Mégel, des jeunes m'ont écrit pour me dire : 'j'étais avec Jérôme, pourquoi ne m'a-t-on pas interrogé ?' Ils sont venus d'eux-mêmes. Ils savent que c'était faux", dit-il en tendant le bras vers Jérôme. "Ne me montrez pas du doigt !", lance le jeune homme.
Dernier de sept enfants élevés dans un village provençal par une mère veuve, Mégel a retracé les étapes qui l'on vu commencer comme surveillant d'internat à 19 ans pour finir directeur général de ce prestigieux établissement, fonctionnaire détaché régnant sur le château des Tournelles.
Grâce au legs de 38 millions de FF d'une vieille dame, le château offre un cadre luxueux où les éducateurs tentaient d'instiller "le goût et le respect du beau" à des garçons de 7 à 18 ans souffrant de problèmes de comportement.
Une philosophie du beau, explique Robert Mégel, "pour en finir définitivement avec le misérabilisme... comme s'il fallait que le social soit quelque chose qui respire la tristesse, la bouffe de collectivités et les mauvaises odeurs". Et d'invoquer, comme en première instance, le patronnage de la pédopsychiatre Françoise Dolto qui, dit-il, "a soutenu le projet jusqu'à la mort".
Des "fessées institutionnelles"
Robert Mégel avait fort à faire pour effacer de l'esprit des jurés (six hommes et six femmes) l'effet produit par la lecture des charges pesant contre lui : des témoignages répétés d'anciens pensionnaires racontant des agressions sexuelles, prescrites aujourd'hui ; une psychologue invitée à une soirée aux Tournelles surprise d'y voir des hommes nus, la pratique des "fessées institutionnelles" données par Mégel, des photos érotiques.
Un temps portée aux nues grâce aux médias et à des visiteurs prestigieux, sa pédagogie y est aussi écornée. Les virées à Paris avec des pensionnaires mineurs dans des restaurants chics ou des boîtes de nuit, ou encore les voyages au Club Med au Maroc forment une méthode "sans véritable ligne éducative", dira l'inspection générale des services judiciaires.
Oubliés les fastes des Tournelles, Robert Mégel souffre aujourd'hui "d'une maladie chronique grave" qui nécessite des "traitements lourds et contraignants (aux) effets secondaires terribles", a expliqué sa défense, sans vouloir la nommer, pour demander, en vain, sa remise en liberté.
Pendant le long appel des 85 témoins qui défileront durant trois semaines, Robert Mégel lance des petits sourires aux membres de son comité de soutien, magistrats, journalistes, anciens éducateurs..., qui refusent de croire à sa culpabilité.
Réquisitoire ou loterie ?
Affaire d’Outreau
Réquisitoire ou loterie ?
L'Humanité, 26 juin 2004, extrait
Ils étaient 13 à clamer leur innocence. Le procureur a demandé 7 acquittements, dix-huit ans pour le couple Delay. Les autres peines surprennent par leur sévérité ou leur incohérence.
Saint-Omer (Pas-de-Calais),
correspondance particulière.
Au moment où l’avocat général se lève, le réseau pédophile d’Outreau - 17 personnes accusées de viol et parfois d’actes de torture, 17 enfants brisés, un système de prostitution d’enfants avec vente de cassettes et ramifications à l’étranger - s’est réduit à une sordide affaire d’incestes et de viols sur mineurs dans le huis clos d’une tour HLM. Seules cinq personnes sont encore aujourd’hui mises en cause dans la dernière " version Badaoui ". Place maintenant à la version du ministère public.
Gérald Lesigne se lève, donc, lourdement. Ses petites lunettes au bout du nez, quelques feuillets à la main. Et il parle d’abord pour défendre sa paroisse. L’instruction menée par le juge Burgaud ? Rien à redire : vaste, consciencieuse, nourrie du " doute nécessaire pour instruire à charge et à décharge ". Les expertises, les interrogatoires des enfants ? Marqués " par la prudence et la mesure ", même s’ils ont un peu " trébuché ". Et tout cela, l’avocat général est bien placé pour le savoir, il était à l’époque le procureur en charge du dossier.
Une institution qui souffre d'un déficit de confiance
Quels sont les deux principaux dysfonctionnements de la justice ?
NOUVELOBS.COM | 13.06.2008
La justice est sujette à de nombreuses critiques, tant de la part des citoyens, que des professionnels de ce domaine. Mais quels sont donc les deux principaux reproches que l'on pourrait faire à la justice française aujourd'hui ? Nouvelobs.com a interrogé des personnalités du monde judiciaire sur le sujet.
A lire sur NouvelObs.
Les français et la justice
www.juripole.fr/gip_droit_justice/SONDAGE, extraits
Dans le cadre de son programme scientifique pour 1997, le G.I.P. Mission de Recherche Droit et Justice a entrepris de consulter les Français sur l'image qu'ils se font de la Justice ainsi que sur leurs attentes à son égard.
La Justice, une institution en perte de crédit quant à son fonctionnement et son idéal...
Bien que son image se soit légèrement améliorée auprès du grand public entre 1991 et 1997, la Justice demeure aux yeux des Français une institution qui suscite la défiance. Globalement critiquée pour son manque d'indépendance et d'équité, jugée éloignée des besoins de la majorité de la population et peu accessible, considérée comme fonctionnant mal et, surtout, trop lentement, la Justice semble à beaucoup impuissante à répondre aux problèmes sociaux. Cette opinion sévère est cependant nuancée par le sentiment certes assez vague et plus proche sans doute du voeu que de la conviction profonde, que des améliorations sont possibles. La modernisation et le renforcement de l'indépendance de la Justice sont considérés comme des objectifs impérieux.
Une institution qui souffre d'un déficit de confiance
La crise de représentation qu'expriment les Français vis-à-vis des institutions semble toucher la Justice plus durement que d'autres institutions. Si le rapport de confiance exprimé par les personnes interrogées est positif pour la Sécurité Sociale (68% d'opinions positives contre 27% d'opinions négatives), l'Armée (68% contre 28%), l'Éducation Nationale (65% contre 29%) et la Police (55% contre 40%), ce rapport s'inverse quand la question porte sur les élus locaux (39% d'opinions positives contre 54%) , la Justice (38% contre 55%), le Parlement (32% contre 55%), le Président de la République (29% contre 63%), le Gouvernement (20% contre 72%) et les médias (20% contre 75%). L'institution judiciaire, en position médiane dans ce palmarès se situe très en dessous des cotes de confiance dont jouissent les administrations publiques mais au dessus de celles dont bénéficient les institutions politiques.
Sondage national sur la justice de 2007 :
lutte contre la criminalité et confiance du public
Ministère de la Justice
www.justice.gc.ca, extrait
Il ressort clairement du Sondage que la confiance du public à l’égard du système de justice pénale au Canada est plutôt faible. En effet, la différence est marquée entre la confiance accordée au système de justice et la confiance dont jouissent d’autres appareils publics, comme les systèmes de santé et d’éducation. Comme le système de santé est souvent une priorité pour les Canadiens, il est intéressant de noter que le système de justice fait l’objet d’un intérêt beaucoup moindre. La confiance vis-à-vis du système de justice pénale diminue au fur et à mesure qu’on y avance, passant de l’arrestation (services de police) au procès et à la détermination de la peine (tribunaux et services correctionnels) et enfin à la mise en liberté (libération conditionnelle).
Les Canadiens sont plutôt confiants que les services de police résolvent les crimes, que les tribunaux condamnent les bonnes personnes et que le système carcéral empêche les délinquants de s’échapper. La principale préoccupation qu’ils expriment est que les peines ne sont pas toujours appropriées (dans la durée ou dans la forme) et que le système carcéral ne permet pas la réhabilitation des délinquants. Ce n’est donc pas surprenant que le public croie aussi que le régime de libération conditionnelle rend leur liberté à des délinquants susceptibles de récidiver. Ainsi, le manque de confiance manifesté s’articule surtout autour des pratiques de détermination de la peine.
Une importante proportion de Canadiens ne se fient pas aux statistiques officielles du système de justice pénale, comme le taux de libérations conditionnelles.
Deux tiers des Canadiens appuient l’approche du gouvernement vis-à-vis des questions de justice pénale, approche qui comprend l’accroissement de la présence policière, l’affermissement des lois sur la détermination de la peine et la lutte contre la toxicomanie et la participation aux gangs chez les jeunes.
Les Canadiens ont indiqué que la détermination de la peine devrait viser surtout à réparer le tort causé par le crime, à faire en sorte que le délinquant assume la responsabilité de ses actes et à réhabiliter le délinquant afin qu’il ne récidive pas. Les sujets interrogés ont cité ces trois mêmes éléments quand on leur a demandé ce qui était le plus important; c’est toutefois la réhabilitation qui a été désigné comme objectif essentiel.
La plupart des Canadiens sont en faveur de peines alourdies pour les auteurs de crimes graves liés à la drogue (p. ex. le trafic et la production), mais plus de la moitié appuie également l’approche des programmes de traitement et de prévention.
Les Français et la justice.
Sondage Ifop - Acteurs Publics, 26 janvier 2006
En plein débat sur l'affaire d'Outreau, les Français jugent sévèrement la justice pénale : la grande majorité d'entre eux pense que son fonctionnement n'est pas satisfaisant, qu'il s'agisse de la sanction des crimes et délits, des conditions de mise en détention provisoire ou de la délinquance des mineurs.
Les infos du mois, newsletter ifop février 2006
Les Français et la justice :
Invitées à indiquer ce que devrait être la mission prioritaire de la justice en France, la majorité des personnes interrogées (52%) assigne à l’institution la mission de garantir l’égalité de tous devant la loi. Cette mission recueille deux fois plus d’adhésion que l’attente d’une Justice dont la fonction primordiale serait de sanctionner les coupables (26%).
Justice : le droit de confiance
Document réalisé par la Direction des études de l’UMP
De source www.conventions-ump.org, extrait
Chapitre 1. Cinq priorités pour une justice plus efficace, plus moderne, plus proche des citoyens
Les critères de performance de l’institution judiciaire ont longtemps reposé exclusivement sur la qualité du jugement rendu : sa conformité au droit, son impartialité, son degré d’équité.
Depuis quelques années, les Français ont de leur justice une appréciation négative : à 70%, ils estiment que la justice fonctionne mal et plus d’un Français sur deux (53%) pense que ce fonctionnement s’est dégradé. Pour correspondre pleinement aux exigences d’un Etat de droit, la justice ne doit plus seulement veiller à l’application des lois, mais aussi répondre aux attentes exprimées par les citoyens.
Trop complexe, trop distante, trop lente, la justice semble peiner à la fois à prendre en compte la parole des victimes et à respecter la présomption d’innocence, à concilier l’exigence de réparation et de sanction avec celle de la réinsertion des personnes condamnées.
Confrontée à l’apparition de nouvelles formes de délinquance, notamment chez les mineurs, la justice doit également veiller à l’exécution des peines prononcées et empêcher la réduction de la récidive.
Face à la diversité des objectifs aujourd’hui assignés à l’institution judiciaire, cinq priorités peuvent être dégagées : la lisibilité de la justice, sa célérité, l’égalité des citoyens, l’efficacité du traitement judiciaire de certains problèmes de société et la dignité du système pénitentiaire.
Extrait d'une séance à l'assemblée nationale
Audition de Mmes Carole BOUQUET, Porte-parole de "La voix de l’enfant",
Martine BROUSSE, Directrice,
Catherine LARDON-GALEOTE, Avocate,
et du Docteur Georges BANGEMANN, Pédiatre praticien au CHU de Nîmes
Présidence de M. Laurent FABIUS, Président
Extrait du procès-verbal de la séance du 5 février 1998.
En ce qui concerne les statistiques relatives aux allégations des enfants – vraies ou fausses – je n’en connais pas. Il y a là un travail à organiser.
M. Baroin, oui, la loi du silence existe. Nous sortons d’un procès dont vous avez sans doute entendu parler mettant en cause l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. L’instruction a duré quatre ans ! Les parents ont subi des pressions pour ne pas porter plainte, pour que l’affaire soit réglée au sein de l’institution. Il y a un tel consensus que les plaignants se sentent presque coupables d’avoir à porter plainte !
La parole d’un enfant n’a pas de poids par rapport à celle d’un adulte. Imaginez la parole d’un enfant face à une institution qui s’autoprotège ! En matière de pédophilie, l’on sait que les pédophiles se trouvent dans toutes les classes sociales ; alors imaginez la parole d’un enfant de sept ou huit ans face à un homme ayant une responsabilité publique ou institutionnelle !
Cette loi du silence, cette protection est-elle calculée ? Non, je crois que lorsqu’un enfant se plaint d’avoir subi de son instituteur, d’un maire ou d’un médecin, des violences sexuelles, on ne veut pas le croire – la parole d’un enfant a encore moins de valeur en présence d’une personne titulaire d’une autorité.
Une étude publiée par l'agence de la santé publique du Canada
Assemblée nationale, rapport n° 3125, tome 2
Rapport Rapport n° 3125 tome 2, auditions
Rapport d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement
Assemblée nationale, extraits
M. Jacques FLOCH : Un des dysfonctionnements dans l’affaire d’Outreau est précisément que les voies de recours n’ont pas joué et que la chambre de l’instruction a suivi systématiquement ce que demandait le juge d’instruction.
Mme Naïma RUDLOFF : Pour ma part, j’attends les conclusions de l’inspection générale des services judiciaires pour savoir s’il y a eu des dysfonctionnements.
Quand on dit que la justice fait peur, il s’agit surtout de la justice pénale.
M. Jacques FLOCH : La justice civile aussi !
Me Blandine LEJEUNE : Je suis entièrement favorable à la publicité de l’instruction, comme aux États-Unis. Si cela n’avait pas été le cas, l’affaire du Watergate n’aurait jamais eu lieu. La publicité des débats, à tous les stades, garantit une procédure contradictoire et démocratique. Avec certains juges d’instruction, les incidents sont innombrables ; avec d’autres, nous entretenons des rapports courtois et nous dialoguons. Ceux qui se comportent en despotes changent d’attitude et deviennent tout miel dès lors qu’ils sont mutés dans une juridiction publique.
M. le Président : Je regrette que vous ayez choisi le huis clos car votre exposé était parfaitement clair, et a resitué l’affaire dans son cadre général. Je pense que tous les citoyens justiciables qui suivent nos travaux auraient été très satisfaits de vous entendre. Puis-je vous demander pourquoi vous avez fait ce choix ?
M. Yves JANNIER : Je considère que les médias ont fait suffisamment de ravages dans ce dossier, que ce que j’ai pu voir au travers des médias depuis le début de vos travaux, est une dérive qui m’a profondément choqué. J’ai vu modifiés, déformés des soit-disant propos que j’aurais tenus dans mes réquisitions, et qui comportaient des mots que je n’ai jamais employés. C’est la raison pour laquelle, m’étant publiquement et sans détour exprimé sur cette affaire dans mes réquisitions, j’ai choisi de répondre le plus honnêtement possible à votre commission, mais sans la presse.
M. Philippe HOUILLON, rapporteur : Je partage l’avis du président : il est dommage que nos concitoyens ne vous aient pas entendu, même si j’ai bien compris vos raisons. Je vous rappelle que notre commission avait décidé le principe général du huis clos et que les syndicats de magistrats ont été les premiers à appeler à la publicité de nos auditions, en des termes parfois violents.
Ces experts psy qui fabriquent des coupables sur mesure
Ces experts psy qui fabriquent des coupables sur mesure
Marc Lemaire, Stéphane Lewden
L'Harmattan, février 2007
A partir d'un dossier qui fait écho à la terrible affaire d'Outreau et à bien d'autres, ce livre revient sur les pouvoirs exorbitants dont sont investis les experts psys. Ils énoncent des vérités sacralisées, aussitôt relayées par des mesures administratives ou judiciaires, aux conséquences dramatiques. Et si pour certains psys l'expertise n'était là que pour servir les gardiens de l'Ordre ? A Moins qu'ils ne voient en elle que le moyen de s'assurer une honorable carrière ? Quelles que soient les motivations des uns et des autres, il faut faire cesser le carnage.
Les psys tout puissants
De source l'Harmattan, Sud Ouest, février 2007
Deux médecins, dont le girondin Stéphane Lewden, dénoncent dans un livre certains experts psy qui fabriquent des coupables sur mesure
Les juges peuvent-ils agir à leur guise ?
Ce système - la possibilité d'agir contre un juge - n'entraîne-t-il pas une avalanche de plaintes abusives ?
Non, dans la mesure où on ne peut agir que moyennant des conditions strictes. C'est voulu, précisément pour empêcher les dérives. Il s'agit notamment que la décision incriminée ait été rapportée.
... Les juges ont également une mission sociale de plus en plus large...
Leur marge d'appréciation s'étend et ils exercent une véritable responsabilité politique. En ont-ils tous conscience ? Prenez l'exemple d'un président de tribunal de commerce. De la façon dont il organise son service d'enquêtes commerciales, il construit une politique plus ou moins offensive à l'égard des entreprises, avec des conséquences économiques évidentes, ce qui peut même, d'un arrondissement judiciaire à l'autre, entraîner des disparités de concurrence. La même remarque vaut pour le droit du travail ou le droit familial. Bref, en appréciant des situations individuelles, le juge crée une jurisprudence et définit une politique sociale qui pèsent sur la vie de la communauté. Il doit s'interroger sur la nature et le contenu de ce pouvoir.
Les juges peuvent-ils agir à leur guise ?
Justice, lalibre.be, le 15/02/2007
Le terrifiant profil du ravisseur d'Enis
Libération, le 26 décembre 2005
Carnets de justice • «C'est dingue, Outreau ne leur a pas servi de leçon !»
Par Dominique SIMONNOT, extraits
Le délit reproché à Hacène est étrange : «une agression sexuelle avec violence sur une victime non identifiée». Dans le métro, Hacène, un homme mûr, a été dénoncé aux policiers par une femme. Il aurait mis la main aux fesses d'une jeune fille et aurait sorti un couteau. La femme n'est pas là, la jeune fille n'a pas été retrouvée. ...
Le juge lève les yeux au ciel : «Vous avez été vu par un psychiatre. Il dit que vous ne présentez aucune anomalie psychique, mais que vous êtes un psychopathe pervers...» Il lit : «Vous êtes commerçant, vous gagnez 4 800 euros par mois et... Ah ! Je vois que vous êtes sous anxiolytiques et que vous consultez un psychiatre... Il y a bien quelque chose !» «Une dépression», dit Hacène. ...
Fait Divers, PEDOPHILIE.
Le terrifiant profil du ravisseur d'Enis
Le Parisien.fr, le 18 août 2007
Hier soir, Francis Evrard a été mis en examen pour « enlèvement, viols et agressions sexuelles en récidive », puis écroué. Ce délinquant sexuel a longtemps été détenu à Caen (Calvados). Son dossier psychiatrique laissait prévoir une récidive.
Rapport de la mission interministérielle en vue d'une réforme de la médecine légale
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère chambre, section A
ARRET DU 28 JUIN 2004
Numéro d'inscription au répertoire général : 2003/01216
Considérant que si l'agent judiciaire du Trésor réplique exactement que la seule circonstance que la lumière n'a pu être faite dans une affaire aussi complexe ou que Mme Christine V., après avoir été inculpée, a finalement bénéficié d'un non-lieu, ne suffit pas à caractériser l'inaptitude du service de la justice à remplir la mission dont il est investi, il n'en demeure pas moins que les conditions dans lesquelles a été menée l'information judiciaire ouverte sont susceptibles de traduire cette inaptitude ;
Considérant que le magistrat instructeur n'est pas la seule autorité intervenant dans l'élucidation d'un crime et qu'il importe d'examiner dans leur ensemble les actes accomplis tant par le juge que par les enquêteurs et les experts qui apportent leur concours au service public de la justice ; que les appelants sont donc fondés à alléguer une série de faits, imputables à ces différents acteurs, pour tenter de démontrer l'existence d'une faute lourde ou d'un déni de justice ;
Rapport de l'IGAS/IGSJ, janvier 2006,
Mission interministérielle en vue d'une réforme de la médecine légale
Page 27
L'affaire Grégory - fréquemment évoqué par les différents interlocuteurs [de] la mission - est à cet égard emblématique. A la suite de cette affaire, clôturée par un non-lieu après plus de neuf ans d'instruction, la cour d'appel de Paris a récemment retenu la responsabilité de l'Etat, après avoir estimé, entre autres, que "les carences de l'autopsie pratiquée" sur l'enfant avaient mis la justice dans l'impossibilité de "répondre aux différentes hypothèses émises" quand à l'origine du décès. Pour évoquer la diversité des "risques", il est encore possible de citer, plus près de nous, l'affaire d'Outreau. Cette affaire, au retentissement considérable, a placé, notamment, sous le feu de la critique les expertises médico-psychologiques ayant donné crédit aux accusations d'agressions sexuelles portées par de jeunes enfants contre de nombreuses personnes, en définitive acquittéees de ce chef, après plusieurs mois, voire plusieurs années de détention provisoire. La qualité des expertises n'a certes pas été le seul sujet d'interrogations et de critique. Il reste qu'à la suite des travaux d'un groupe de travail constitué pour tirer les enseignements de ce procès, une circulaire a été diffusée par le ministre de la justice aux fins, notamment, d'"améliorer l'expertise de l'enfant".
« Rôtisserie » et effet dominos
Les avocats demandent l'acquittement général
Libération, vendredi 14 avril 2006, extrait
Ce fut longtemps considéré comme un fait acquis : Lorie, placée en famille d'accueil à 4 ans, se masturbait sur le gazon. Troublant symptôme. Il aura fallu attendre la dernière ligne droite du procès Outreau bis pour rectifier. Son assistante maternelle n'avait fait qu'interpréter. L'enfant avait de l'herbe dans sa culotte.
De la page 13 du rapport de l'IGSJ, l’origine de la saisine et l’enquête préliminaire...
Ce rapport - de l'UTASS d'Outreau - faisait état, d’une part, de l’attitude particulière des mineurs constatée par leurs assistantes maternelles, notamment du comportement sexualisé de W, et, d’autre part, de révélations faites à celles-ci et aux assistants sociaux par Y et W, laissant penser que ces enfants pouvaient être victimes d’agressions sexuelles commises par leurs parents.
VDN, édition du Vendredi 07 Avril 2006
Social / Outreau : l'autre affaire
Le procès de sept personnes accusées de viols sur enfants à Outreau continue
À la barre, les services sociaux en rangs serrés
QUAND une référente des services sociaux évoque «le contexte d’Outreau» en 2001, ça provoque une crise de pseudo-hypocrisie générale, dans la cour d’assises, se terminant, comme souvent, par une poussée de décibels stérile. Faut pas en parler. Même à quelques minutes de l’audition d’un enfant ayant accusé, un jour, le curé… dans l’autre affaire. Avant de l’innocenter.
Ce premier dossier a obligé tous ses intervenants à se poser, un jour, des questions. Ce n’est pas le cas, a priori, des services sociaux: «J’estime que nous travaillons comme il le faut. Je ne ferai pas autrement demain…», a assuré l’attachée territoriale de l’UTAS (Union territoriale d’action sociale) cette semaine. «On n’a pas à avoir d’état d’âme dans quoi que ce soit », a confirmé sa référente, hier.
Cadeau au placard
Pas le moindre doute dans leur travail: «On n’a condamné personne.»
Depuis le début du procès, les jurés ont écouté 29 interventions d’assistantes maternelles, référentes, éducateurs… travaillant avec les onze enfants placés, dont trois sont en institut médico-éducatif (IME), dont un autre devrait les rejoindre et dont un cinquième est troublé psychologiquement.
Deux enfants d’un des trois couples sont placés, après un rapport d’une assistante sociale en 1999, «parce que les parents n’apportaient pas les réponses éducatives appropriées». Les enfants perturbés arrivent chez des assistantes maternelles… et ça ne se passe pas « comme d’habitude». Pour le plus grand, «il était violent, crachait sur son image dans le miroir, m’agressait, attachait ma nièce sur le lit…», dira la première de ses «tatas».
Trois mois plus tard, il change de famille d’accueil et est désormais suivi par une équipe complète.
Me Pascale Pouille-Deldique demandera à ces personnes «expérimentées, professionnelles, encadrées» si ce garçon de 9 ans était si difficile à gérer. Bien sûr. L’avocate ne dit pas où elle veut en venir, mais laisse planer une interrogation: comment faisaient les parents pour gérer cette situation, avec une autre enfant (actuellement en IME spécialisée en Belgique), alors qu’ils étaient sous médicaments puissants, sans travail, sans trop de repères éducatifs, suivis «administrativement» par les services sociaux?
Me Pouille-Deldique, insiste sur ces «réponses éducatives» quand elle demande, à la référente qui gère 43 enfants, «pourquoi le cadeau offert par la mère à son fils, lors d’une rencontre médiatisée, est directement rangé dans le placard». Celle-ci répond qu’il fallait apporter, justement, une «réponse éducative». Il n’aurait pas été sage.
Marianne n°458, semaine du 28 janvier
Ce que leur enfer nous a appris
Dès l'ouverture de l'enquête, la «Tatie Connection» est à l'oeuvre. Quelques nourrices, pour certaines tout juste agréées, interrogent leurs petits pensionnaires, se concertent, offrent des desserts aux enfants qui s'épanchent. Certains voisins s'autorisent à couvrir d'insultes les familles des accusés. Devant les policiers, un coiffeur va jusqu'à interpréter une coupe de cheveux des époux Marécaux comme une manoeuvre pour ne pas être reconnus sur les photos par les enfants.
«Ne vous heurtez pas à ces gens-là», lui glisse-t-on. Sous-entendu: pliez-vous aux exigences du juge...
Devant la cour de Douai, les avocats ont exposé de simples observations pendant que leurs clients étaient extraits deux minutes par la trappe d'un cagibi, après des heures d'attente. Parfois, cette instance rédigeait carrément ces conclusions avant l'audience.
Les nouvelles sorcières de Salem ; Leçons d'Outreau
Les nouvelles sorcières de Salem ; Leçons d'Outreau
Antoine Garapon et Denis Salas
Seuil, 2006
Si certains refusaient d'entrer dans la communauté des "croyants", s'ils refusaient d'habiter "l'âme collective" décrite par Le Bon, ils étaient progressivement mis à l'écart. Nul ne leur adressait la parole. Une communauté morale, en exigeant une "loyauté" sans faille au pacte qui l'unit, est totalitaire.
La répétition et l'affirmation de ce danger relancé à chaque fait divers provoquent les effets de croyance et de contagion décrits par Le Bon. Orchestrées par les media de masse, nourries d'un flot de mots et d'images, les réactions sociales portent ce mécanisme à l'incandescence. Toutes les attentes se dirigent alors vers une justice présumée capable de nous délivrer enfin du mal.
Dans les slogans de l'urgence morale, l'activisme est de bon ton. "Se taire, c'est laisser faire." La prudence se mue en attentisme, le respect des droits en laxisme, la mesure en indifférence coupable. "Plus personne ne pourra dire : je ne savais pas." Un culte de la précaution suspicieuse envahit toutes les sphères de la vie sociale. Seul compte la démonstration que tout a été fait pour éviter le pire.