Catégorie: Les classiques
Une histoire des haines d'écrivains
NDLR : J'avais donc fini par passer commande... « Un livre délicieux », selon le Monde. J'ai le sentiment qu'en janvier 2011, une chambre civile de la cour d'appel de Versailles ne s'était pas méprise lorsqu'elle finissait par reconnaitre qu'elle avait perçu une « forte animosité » à mon encontre. Hugo, un homme « dangereux », « haï » ? « L'opposant » était-il « malade » ?
Une histoire des haines d'écrivains
Boquel Anne, Kern Etienne, Flammarion, janvier 2009, coll. essais
Réussir l'épreuve de culture générale à Sciences Po
NDLR : Je retiens la référence, pour sa page 131, même si je pense qu'elle ne me sera pas d'une grande utilité. Montesquieu et De l'esprit des lois : « ... c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Je me moquerais maintenant encore de certains partis et de quelques magistrats professionnels ? Non... si peu. Pour une seconde fois, je remercie aussi la cour de cassation, pour ce que je ne pouvais faire moi-même, désavouer Versailles
Calliclès : Cet homme-là ne cessera pas de dire des pauvretés. Socrate, réponds-moi : n'as-tu pas honte, à ton âge, d'éplucher ainsi les mots, et de croire que tu as cause gagnée lorsqu'on s'est mépris sur une expression ? Penses-tu que par les plus puissants j'entende autre chose que les meilleurs ? Ne te dis-je pas depuis longtemps que je prends ces termes de meilleur et de plus puissant dans la même acception ? T'imagines-tu que ma pensée est qu'on doit tenir pour des lois ce qui aura été arrêté dans une assemblée composée d'un ramas d'esclaves et de gens de toute espèce, qui n'ont d'autre mérite peut-être que la force du corps ? • Platon, Gorgias ou De la Rhétorique
Réussir l'épreuve de culture générale à Sciences Po
Par Joseph Larbre
Chez Studyrama, 2006, coll. Principes
Description, sur Google Books. Cet ouvrage s'adresse à tous les candidats aux concours d'entrée des Instituts d'études politiques. Afin de bien vous préparer à l'épreuve de culture générale, il propose un large panorama des notions, auteurs et théories dont la connaissance est indispensable. Individu, citoyen, nation, démocratie, histoire, liberté, justice, despotisme, travail, économie, société, nature, égalité, ordre, sécurité, majorité électorale... : tout ce qui fonde la modernité se trouve ici mis en perspective et explicité à la lumière de nombreuses références textuelles. Une méthode de dissertation et de commentaire de texte, ainsi que des sujets corrigés permettent de s'entraîner efficacement afin de mettre toutes les chances de votre côté pour le jour J.
De la page 131, sur Google books
La religieuse [et la sensure]
« L’ancienne censure voulait rendre l’adversaire inoffensif en le privant de ses moyens d’expression ; la nouvelle - que j’ai appelé sensure - vide l’expression pour la rendre inoffensive, démarche beaucoup plus radicale et moins visible » • Bernard Noël, La pornographie, in Le Château de Cène (ouvrage condamné pour « outrage aux moeurs » en 1973), Gallimard, Paris, 1990, p.180. Cité dans La censure en France à l'ère démocratique (1848- ), sous la direction de Pascal Ory, aux éditions Complexe, 1997 ; de cet ouvrage, d'un article de Emmanuel Wallon : « Aujourd’hui le tyran comprendrait qu’il suffit de laisser dire cette vérité, s’il en existe une, pourvu que rien ne permette de la démêler du fatras des petites phrases, des allégations, des commentaires et des démentis. »
A propos de La religieuse, de Jacques Rivette
DE VISU > Images interdites
La parole aux censeurs
Qui censure, et pourquoi ? A partir de quelques exemples concrets, recensement des arguments qui peuvent justifier un acte facilement assimilé à une restriction de la liberté d'expression.
L'Anastasie aux lourds ciseaux créée par Gil en 1874 correspond à une image récurrente de la censure : bornée, acariâtre, exagérément moralisatrice, cette mégère n'entend que ce qu'elle dit et ne veut surtout pas voir ce qu'on lui montre. Raillée par la presse, qui est souvent la première à en subir les effets, boudée par les politiques, qui n'osent plus guère user de cette tentation à double tranchant que dans des situations extrêmes, synonyme enfin d'atteinte à la liberté d'expression et de désinformation, la censure trouve pourtant ses défenseurs et ses usagers. Qui sont-ils, comment et surtout pourquoi agissent-ils ?
Un dossier sur www.crdp.ac-creteil.fr
Les Shadoks
NDLR : « Et ils pompèrent »...
Les Shadoks, l'édition intégrale
Le dictionnaire des curieux
Dictionnaire des curieux
Complément pittoresque et original
par Ch. Ferrand, Besançon, 1880, à la BNF
Il était une fois, samedi 7 mars 2009, Le Temps, extrait
Nicolaï Kondratiev et la théorie des cycles
Chaque crise économique ressuscite les bonnes vieilles théories des cycles. Elles sont pratiques: se croire pris dans un cycle régulier – croissance, récession, croissance – évite d’avoir à chercher des responsables au moment des creux et supprime donc la tentation de couper des têtes par centaines. Suprême avantage, l’existence des cycles garde intact l’espoir que le beau temps reviendra après la pluie.
L'enfant du placard
NDLR : Je pense que quelques professionnels et tiers sont murs pour des soins intensifs. Voir aussi l'affaire récente de « l'enfant séquestré », à Millau.
L'enfant du placard
«Pourquoi ma mère m'a fait ça?»
par Jacqueline Remy, publié le 14/01/1993 - mis à jour le 19/08/2003 - L'Express, extrait
David, qui passa son enfance battu, méprisé, enfermé dans un réduit, se confie à L'Express. Dix ans après s'être libéré, il veut en finir avec la haine.
Il a 22 ans, un visage encore adolescent, mais son regard, aigu, opaque, interdit toute niaiserie. Aux aguets, il renifle son interlocuteur. Il le jauge. On ne la lui fait pas. Enfin, il parle doucement, tout doucement - juste un filet de voix sans complaisance pour dire l'horreur de son passé.
C'est à L'Express qu'il donne sa première interview, à la veille de Noël. D'autres l'ont traqué sans succès jadis, aux portes du foyer où il venait d'être placé. A cette époque, tous les médias parlaient de lui. C'était en 1982. Il avait 12 ans. De lui, on ne connaissait qu'un prénom: David. Et - souvenez-vous - un surnom qui sidéra la France: «L'enfant du placard».
Il venait de s'évader de chez lui, par miracle. Et les Français, stupéfaits, découvraient que les démons intérieurs d'une mère pouvaient la conduire à torturer un enfant, jusqu'à le cacher dans un réduit pendant de longues années. Ils découvraient aussi qu'en 1982, en région parisienne, en pleine ville, un enfant pouvait échapper au filet social: ni l'école, ni le fisc, ni les services sociaux, ni les voisins, ni les amis des parents de David, ni même la femme de ménage occasionnelle ne soupçonnaient son existence. Comment? Pourquoi? Au procès, en 1985, on entendit la mère de David, Françoise Bisson, cette très jolie femme qui avait la réputation d'adorer les enfants et de choyer le seul fils qu'on lui connaissait: Laurent, de dix-huit mois plus jeune que David, son demi-frère. On entendit le beau-père de l'enfant du placard, Claude Chevet, gérant d'un supermarché de Dourdan (Essonne) où sa femme était caissière. Enfin, à huis clos, David et son petit frère témoignèrent. Juste avant, Laurent supplia: «Tu dis ça, mais tu ne dis pas ça...»
Face aux juges, saisis d'admiration par la maturité de ce gamin pâle, David ne charge pas ses parents. Au contraire. Il demande l'indulgence. Il assure qu'il a besoin d'une mère. Il veut reconstruire sa famille. Il espère en avoir fini avec la haine. Il a pardonné. Mais il n'a pas dit toute la vérité. «Ma mère a eu la chance que j'aie bon caractère, murmure-t-il. Sinon, je l'aurais envoyée en prison pour vingt ans.» Après le procès, le silence retombe sur cette affaire. David retourne à son foyer, où de remarquables éducateurs l'aident à rattraper le temps perdu dans son placard. Et le psychiatre Tony Lainé continue de le soutenir. David écrit au garde des Sceaux pour lui demander de libérer sa mère. Condamnés à sept ans de réclusion, Françoise Bisson et Claude Chevet sortent de prison à la fin de 1987. Pendant un an, David tente de tisser des liens avec sa mère. Son frère et lui vont la voir régulièrement: «C'était une aventure d'essayer de construire un truc avec elle!» Un jour, il craque: il lui demande «pourquoi elle a fait ça». Il lui demande qui est son vrai père. Elle ne répond pas. Quand David la rappelle, un peu plus tard, elle a déménagé. Il ne la reverra plus. Elle a disparu. «Je suis déçu», dit-il sobrement. Laurent, aujourd'hui, vit en Touraine avec son père, Claude Chevet: David les a vus, leur a téléphoné. Eux ne se manifestaient jamais. En 1989, David s'est lassé. «Finalement, ma mère et mon beau-père se sont enfuis comme des voleurs, une fois que je les ai relâchés de prison.» Ils ne l'aideront pas à poursuivre des études, ainsi qu'il en rêvait. D'abord tuciste, il va de petit boulot en petit boulot: manutentionnaire dans une usine de pièces détachées, commis de salle à Corbeil (Essonne). Il est à présent garçon dans un restaurant de la banlieue Sud.
[...] Là, on ne le bat plus. «J'étais oublié; c'était pire», dit-il. Il y restera jusqu'au jour où sa mère oubliera aussi de tourner la clef du réduit. Déjà, deux ans avant, il s'était échappé par la fenêtre: une chute de deux étages qui l'avait conduit à l'hôpital. On l'y avait soigné sous le nom de son frère. Avant de diagnostiquer des «mauvais traitements». Et de le rendre à sa mère...
de David Bisson, Evangéline de Schonen
Les animaux malades de la peste
La peste noire ou médiévale semble d'origine asiatique, partie des steppes russes et de la mer Caspienne. Elle touche la quasi-totalité de l'Europe et près des deux tiers de la population disparaissent. Son apogée se situe au milieu du XIVème siècle, mais elle se prolonge en poussées épidémiques dont celle de Marseille en 1720.
1894 - découverte du microbe.
1898 - découverte du mode de transmission.
1933 - invention du vaccin.
Pacush blues Paru en avril 1989 |
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie,
Ni loups ni renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie ;
Les tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
Les puissances de l'ombre, l'avertissement
Les puissances de l'ombre
Juifs, jésuites, francs-maçons, réactionnaires... la théorie du complot dans le texte
Présenté par Emmanuel Kreis, aux éditions du CNRS, Paris, 2009
X-files, 11-Septembre, Da Vinci Code… La théorie du complot est de retour. Un phénomène d’engouement collectif inquiétant que cette anthologie permet de décrypter en revenant aux sources du « conspirationnisme ». Pour la première fois, voici donc réunis en volume les textes fondateurs de cette tradition, de la Révolution française aux lendemains du régime de Vichy.
La théorie du complot repose sur une vision paranoïaque de la société. Ramenant tous les faits à une causalité unique et malveillante, elle propose un système d’explication totale de l’histoire. Complot maçonnique, juif, communiste, spirite ou occultiste, complot contre l’Église ou complot de l’Église, menées ténébreuses orchestrées par la Synarchie, la Trilatérale ou les « 200 familles »… Ou comment, depuis la fin du xviiie siècle, la hantise de l’« ennemi intérieur » alimente la violence politique et la persécution des minorités.
Un instrument savant et citoyen pour mieux connaître, et donc pour mieux combattre, les discours de haine propagés par les adeptes du complotisme.
Doctorant à l’École Pratique des Hautes Études (section sciences religieuses), Emmanuel Kreis, spécialiste du mythe du « complot judéo-maçonnique », a établi, annoté et introduit la présente anthologie.
L'avertissement, page 15
Grimm, le renard et le chat
Frères grimm
Le renard et le chat (Version Intégrale)
Livre audio de 2min
Lu par Selenouchi
Fichier Mp3 de 2,4 Mo, sur www.audiocite.net
Cette oeuvre est libre, vous pouvez la redistribuer et/ou la modifier selon les termes de la Licence Art Libre.
Un jour le chat rencontra messire le renard au fond d'un bois, et comme il le connaissait pour un personnage adroit, expérimenté, et fort en crédit dans le monde, il l'aborda avec une grande politesse :
- Bonjour, monsieur le renard, lui dit-il ; comment vous portez-vous ? êtes-vous content de vos affaires ? comment faites-vous dans ce temps de disette ?
Le renard, tout gonflé d'orgueil, toisa de la tête aux pieds le pauvre chat, et sembla se demander pendant quelques instants s'il daignerait l'honorer d'une réponse. Il s'y décida pourtant à la fin :
- Pauvre hère que tu es ! répliqua-t-il d'un ton de mépris, misérable meurt-de-faim, infime et ridicule chasseur de souris, d'où te vient aujourd'hui tant d'audace ? Tu oses te faire l'honneur de me demander comment je me porte ? Mais pour te permettre de me questionner, quelles sont donc les connaissances que tu possèdes ? de combien d'arts connais-tu les secrets ?
- Je n'en connais qu'un seul, répondit le chat d'un air modeste et confus.
- Et quel est cet art ? demanda le renard avec arrogance.
- Quand les chiens sont à ma poursuite, repartit le chat, je sais leur échapper en grimpant sur un arbre.
- Est-ce là tout ? reprit le renard. Moi, je suis passé docteur en cent arts divers ; mais ce n'est rien encore : je possède en outre un sac tout rempli de ruses. En vérité, j'ai compassion de toi ; suis-moi, et je t'apprendrai comment on échappe aux chiens.
Comme il achevait ces mots, un chasseur, précédé de quatre dogues vigoureux, parut au bout du sentier. Le chat s'empressa de sauter sur un arbre, et alla se fourrer dans les branches les plus touffues, si bien qu'il était entièrement caché.
- Hâtez-vous de délier votre sac ! hâtez-vous d'ouvrir votre sac ! Cria-t-il au renard.
Mais déjà les chiens s'étaient précipités sur ce dernier, et le tenaient entre leurs crocs.
- Eh ! monsieur le renard, cria de nouveau le chat, vous voilà bien embourbé avec vos cent arts divers ! Si vous n'aviez su que grimper comme moi, vous seriez en ce moment un peu plus à votre aise.
Du dictionnaire de l'Académie française... COUARD, -ARDE adj. XIIe siècle, couard. Dérivé de cuë, coë, coue, formes anciennes de queue. Poltron, qui manque de courage, surtout physique. Il s'est montré couard en présence du danger. Subst. Peu usité au féminin. Un couard.
Dans le Trésor de la langue française... COUARD, ARDE, adj. et subst.
A. Emploi adj., vieilli ou littér. Qui manque de courage. Synon. lâche, peureux, pusillanime.
1. [En parlant d'un être animé] Être couard devant l'ennemi. ... comme font les chiens couards qui n'osent sauter à la figure (SAND, Maîtres sonneurs, 1853, p. 246). Le Parlement couard s'était mis à genoux (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 241) : Ils auraient été méchants, s'ils n'eussent été couards; on voyait qu'ils avaient envie de vous déchirer, mais ils retiraient leurs griffes dans leur peur comme dans une gaine. CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 207.
2. [En parlant d'une action ou d'une entité abstr.] Rare et littér. La réponse est prudente et même couarde (GONCOURT, Journal, 1890, p. 1289). Au théâtre, souvent, j'emmène mon amie, dans la couarde certitude qu'elle ne me trompera pas pendant ce temps-là (COLETTE, Cl. ménage, 1902, p. 223).
...
Extrait de la première promenade
Sentiment des citoyens, 1764, extraits de source www.voltaire-integral.com...
Après les Lettres de la campagne sont venues celles de la montagne. Voici les sentiments de la ville: on a pitié d’un fou; mais quand la démence devient fureur, on le lie. La tolérance, qui est une vertu, serait alors un vice.
[...] Est-il permis à un homme né dans notre ville d’offenser à ce point nos pasteurs, dont la plupart sont nos parents et nos amis, et qui sont quelquefois nos consolateurs? Considérons qui les traite ainsi: est-ce un savant qui dispute contre des savants? Non, c’est l’auteur d’un opéra et de deux comédies sifflées. Est-ce un homme de bien qui, trompé par un faux zèle, fait des reproches indiscrets à des hommes vertueux? Nous avouons avec douleur et en rougissant que c’est un homme qui porte encore les marques funestes de ses débauches, et qui, déguisé en saltimbanque, traîne avec lui de village en village, et de montagne en montagne, la malheureuse dont il fit mourir la mère, et dont il a exposé les enfants à la porte d’un hôpital en rejetant les soins qu’une personne charitable voulait avoir d’eux, et en abjurant tous les sentiments de la nature comme il dépouille ceux de l’honneur et de la religion.
Extrait de la première promenade
LES REVERIES DU PROMENEUR SOLITAIRE, 1782
Jean-Jacques Rousseau
La diffamation, la dépression, la dérision, l'opprobre dont ils m'ont couvert ne sont pas plus susceptibles d'augmentation que d'adoucissement; nous sommes également hors d'état, eux de les aggraver et moi de m'y soustraire. Ils se sont tellement pressés de porter à son comble la mesure de ma misère que toute la puissance humaine, aidée de toutes les ruses de l'enfer, n'y saurait plus rien ajouter. La douleur physique elle-même au lieu d'augmenter mes peines y ferait diversion. En m'arrachant des cris, peut-être, elle m'épargnerait des gémissements, et les déchirements de mon corps suspendraient ceux de mon coeur.
Qu'ai-je encore à craindre d'eux puisque tout est fait? Ne pouvant plus empirer mon état, ils ne sauraient plus m'inspirer d'alarmes. L'inquiétude et l'effroi sont des maux dont ils m'ont pour jamais délivré: c'est toujours un soulagement. Les maux réels ont sur moi peu de prise; je prends aisément mon parti sur ceux que j'éprouve, mais non pas sur ceux que je crains.
Mon imagination effarouchée les combine, les retourne, les étend et les augmente. Leur attente me tourmente cent fois plus que leur présence, et la menace m'est plus terrible que le coup. Sitôt qu'ils arrivent, l'événement, leur ôtant tout ce qu'ils avaient d'imaginaire, les réduit à leur juste valeur. Je les trouve alors beaucoup moindres que je ne me les étais figurés, et même au milieu de ma souffrance je ne laisse pas de me sentir soulagé. Dans cet état, affranchi de toute nouvelle crainte et délivré de l'inquiétude de l'espérance, la seule habitude suffira pour me rendre de jour en jour plus supportable une situation que rien ne peut empirer, et à mesure que le sentiment s'en émousse par la durée ils n'ont plus de moyens pour le ranimer. Voilà le bien que m'ont fait mes persécuteurs en épuisant sans mesure tous les traits de leur animosité. Ils se sont ôté sur moi tout empire, et je puis désormais me moquer d'eux.
Il n'y a pas deux mois encore qu'un plein calme est rétabli dans mon coeur. Depuis longtemps je ne craignais plus rien, mais j'espérais encore, et cet espoir tantôt bercé tantôt frustré était une prise par laquelle mille passions diverses ne cessaient de m'agiter. Un événement aussi triste qu'imprévu vient enfin d'effacer de mon coeur ce faible rayon d'espérance et m'a fait voir ma destinée fixée à jamais sans retour ici-bas. Dès lors je me suis résigné sans réserve et j'ai retrouvé la paix.
Petite digression
Voir aussi les actes du colloque L'évènement dans l'espace euroméditerranéen, Mémoire, Identité et Communication, septembre 2006, dans le cadre des 1ères journées scientifiques euroméditerranéennes.
Petite digression
un texte de Voltaire, probablement publié en 1766
Dans les commencements de la fondation des Quinze-Vingts, on sait qu’ils étaient tous égaux, et que leurs petites affaires se décidaient à la pluralité des voix. Ils distinguaient parfaitement au toucher la monnaie de cuivre de celle d’argent; aucun d’eux ne prit jamais du vin de Brie pour du vin de Bourgogne. Leur odorat était plus fin que celui de leurs voisins, qui avaient deux yeux. Ils raisonnèrent parfaitement sur leurs quatre sens, c’est-à-dire qu’ils en connurent tout ce qu’il est permis d’en savoir; et ils vécurent paisibles et fortunés autant que des Quinze-Vingts peuvent l’être. Malheureusement un de leurs professeurs prétendit avoir des notions claires sur le sens de la vue; il se fit écouter, il intrigua, il forma des enthousiastes: enfin on le reconnut pour le chef de la communauté. Il se mit à juger souverainement des couleurs, et tout fut perdu.
Eloge de la barbarie judiciaire
Thierry Lévy
Eloge de la barbarie judiciaire
Odile Jacob, 2004
Mot de l'éditeur. Audience jouée d'avance, poids du dossier, garde à vue renforcée, enquête viciée par la garde à vue, experts et témoins sous influence, enquêteurs investis des pouvoirs du juge : le procès pénal n'est pas équitable. On fabrique l'erreur sous les yeux d'une défense entravée. Aujourd'hui, l'institution judiciaire s'est trouvée un nouveau maître, plus aveugle, plus menaçant encore que l'Etat autoritaire. Le plaignant aux mille récriminations, idolâtré, transfiguré en sainte victime.
Le duel des âges barbares, arbitré entre égaux par un juge indépendant et selon des règles acceptées, respectait bien davantage les acteurs du procès. Ce n'est pas l'esprit d'humanité qui l'a banni de nos lois. C'est l'arrogante prétention du prince à imposer à ses sujets la vérité qu'il croyait détenir. Et nous n'en sommes pas sortis.
Extraits...
La vérité qui déboule à l'audience est un produit de la superstition. Lachée du ciel ou déchiffré dans les cris du supplicié ou les larmes de la victime, elle n'a pas été formée par une enquête serieuse et impartiale mais par un décrêt paré d'autorité de l'Etat. Sous prétexte que le fait à juger a engendré du mal et de la souffrance, les fonctionnaires de la justice tournent le dos à la raison et au bon sens.
La fausse indépendance de la justice. Aveuglés par notre attente, nous ne faisons plus la distinction entre les tâches de maintien de l'ordre et la question judiciaire. Si l'on peut admettre que l'Etat ait à l'égard des membres de la communauté une obligation de sécurité, cela ne peut signifier qu'il doive, dans le procès judiciaire, jouer les deux rôles incompatibles d'enquêteur et de juge. La neutralité des représentants de l'Etat dans l'accomplissement des missions de service public est un dogme mais, dans le domaine judiciaire plus qu'ailleurs, c'est aussi un leurre. Comment l'enquêteur pourrait-il rester neutre tout en faisant avancer ses investigations dans un sens déterminé ?
De source revue Quasimodo
Oeuvre de Voltaire,
Commentaire sur le livre des délits et des peines
1766, par un avocat de province, extraits
II. — Des supplices
Les supplices recherchés, dans lesquels on voit que l’esprit humain s’est épuisé à rendre la mort affreuse, semblent plutôt inventés par la tyrannie que par la justice
III. — Des peines contre les hérétiques
L’habitude devient loi; et depuis ce temps jusqu’à nos jours, c’est-à-dire pendant plus de sept cents années, on a brûlé ceux qui ont été ou qui ont paru être souillés du crime d’une opinion erronée.
X. — Des sorciers
Les médecins cherchèrent encore la marque satanique. Ils la trouvèrent à un petit seing noir sur une de ses cuisses. Ils y enfoncèrent l’aiguille. Les tourments de la question avaient été si horribles que cette pauvre créature expirante sentit à peine l’aiguille elle ne cria point; ainsi le crime fut avéré. Mais comme les moeurs commençaient à s’adoucir, elle ne fut brûlée qu’après avoir été pendue et étranglée.
Tous les tribunaux de l’Europe chrétienne retentissaient alors de pareils arrêts. Les bûchers étaient allumés partout pour les sorciers, comme pour les hérétiques. Ce qu’on reprochait le plus aux Turcs, c’était de n’avoir ni sorciers ni possédés parmi eux. On regardait cette privation de possédés comme une marque infaillible de la fausseté d’une religion.
Un homme zélé pour le bien public, pour l’humanité, pour la vraie religion, a publié, dans un de ses écrits en faveur de l’innocence, que les tribunaux chrétiens ont condamné à la mort plus de cent mille prétendus sorciers. Si on joint à ces massacres juridiques le nombre infiniment supérieur d’hérétiques immolés, cette partie du monde ne paraîtra qu’un vaste échafaud couvert de bourreaux et de victimes, entouré de juges, de sbires, et de spectateurs.
X. — De la peine de mort
On a vu des juges qui aimaient à faire couler le sang; tel était Jeffreys, en Angleterre; tel était, en France, un homme à qui l'on donna le surnom de coupe-tête. De tels hommes n'étaient pas nés pour la magistrature; la nature les fit pour être bourreaux.
XII. — De la question
La loi ne les a pas encore condamnés, et on leur inflige, dans l’incertitude où l’on est de leur crime, un supplice beaucoup plus affreux que la mort qu’on leur donne, quand on est certain qu’ils la méritent.
La dialectique éristique
L'originalité de ce petit traité est d'analyser, dans la tradition d'Aristote, une forme de discours que la philosophie avait délaissée depuis l'antiquité et qui est pourtant la plus proche de l'usage que nous faisons quotidiennement du langage. Il s'agit de cet art du dialogue qu'est la controverse. Rien n'est plus habituel et même plus banal que cet échange entre deux ou plusieurs interlocuteurs et au cours duquel se décide la maitrise de l'un des deux. (...) L'exercice du discours se fait dans des conditions parfaitement étrangères à toutes préoccupations théoriques et philosophiques. (...) notre philosophe préconise cyniquement de s'installer dans les positions d'autrui, d'épouser parfois le mouvement de son raisonnement pour en exploiter les faiblesses. • Didier Raymond
L'art d'avoir toujours raison
La dialectique éristique
Schoppenhauer
Une traduction de Dominique Miermont
Suivi de Langage en état de guerre, Didier Raymond
Mille et une nuits n° 191, ed. 2000
La quatrième. S'installer sur les positions d'autrui, épouser le mouvement du raisonnement de la partie adverse pour en exploiter les faiblesses : l'art de la discussion, c'est l'art de la guerre. Schoppenhauer sait que les mots et les arguments sont des poignards dont la pointe peut tuer ; il sait aussi que la seule réalité qui vaille est notre propre victoire, même si le vrai maître du jeu reste finalement le langage et ses ressources infinies.
Les premières lignes...
La dialectique éristique est l'art de disputer, et ce de telle sorte que l'on ait toujours raison, donc per fas et nefas (c'est à dire par tous les moyens possibles). On peut en effet avoir objectivement raison quant au débat lui-même tout en ayant tort aux yeux des personnes présentes, et parfois même à ses propres yeux. En effet, quand mon adversaire réfute ma preuve et que cela équivaut à réfuter mon affirmation elle-même, qui peut cependant être étayée par d'autres preuves - auquel cas, bien entendu, le rapport est inversé en ce qui concerne mon adversaire : il a raison, bien qu'il ait objectivement tort. Donc, la vérité objective d'une proposition et la validité de celle-ci au plan de l'approbation des opposants et des auditeurs sont deux choses bien distinctes. (C'est à cette dernière que se rapporte la dialectique.)
D'où cela vient-il ? De la médiocrité naturelle de l'espèce humaine.
Une autre version, sur wikisource.org.
Une version allemande, sur http://www.rhetorik-netz.de...
Eristische Dialektik
oder Die Kunst, Recht zu behalten
Eristische Dialektik ist die Kunst zu disputiren, und zwar so zu disputiren, daß man Recht behält, also "per fas et nefas" [mit Recht wie mit Unrecht]. Man kann nämlich in der Sache selbst "objektive" Recht haben und doch in den Augen der Beisteher, ja bisweilen in seinem eigenen, Unrecht behalten. Wann nämlich der Gegner meinen Beweis widerlegt, und dies als Widerlegung der Behauptung selbst gilt, für die es jedoch andere Beweise geben kann; in welchem Fall natürlich für den Gegner das Verhältnis umgekehrt ist: er behält Recht bei objektivem Unrecht. Also die objektive Wahrheit eines Satzes und die Gültigkeit desselben in der Approbation der Streiter und Hörer sind zweierlei. (Auf letztere ist die Dialektik gerichtet.)
Woher kommt das? - Von der natürlichen Schlechtigkeit des menschlichen Geschlechts.
...
Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu
Il y a trois espèces de gouvernements : le RÉPUBLICAIN, le MONARCHIQUE et le DESPOTIQUE. Pour en découvrir la nature, il suffit de l'idée qu'en ont les hommes les moins instruits. Je suppose trois définitions, ou plutôt trois faits : l'un que le gouvernement républicain est celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance ; le monarchique, celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies ; au lieu que, dans le despotique, un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices.
De l'esprit des lois
Livre II. - Des lois qui dérivent directement de la nature du gouvernement
Chapitre I. De la nature des trois divers gouvernements
Montesquieu, 1758
Faut-il se fier à ce que disent les gens, ou à ce qu'ils font ? A ce que l'on entend, ou à ce que l'on voit d'eux ? Tout dépend de la qualité de votre interlocuteur. S'il est homme de pouvoir, ne l'écoutez pas. Observez le.
Chapitre 3,
Plaidoyer pour le mensonge
Laurent Lèguevaque, chez Denoël
MACHIAVEL. Ici, je vous arrête ; vous faites une part à l'intérêt, cela suffit pour justifier toutes les nécessités politiques qui ne sont pas d'accord avec le droit.
MONTESQUIEU. C'est la raison d'État que vous invoquez. Remarquez donc que je ne puis pas donner pour base aux sociétés précisément ce qui les détruit. Au nom de l'intérêt, les princes et les peuples, comme les citoyens, ne commettront que des crimes. L'intérêt de l'État, dites-vous ! Mais comment reconnaîtrai-je s'il lui est réellement profitable de commettre telle ou telle iniquité ? Ne savons-nous pas que l'intérêt de l'État, c'est le plus souvent l'intérêt du prince en particulier, ou celui des favoris corrompus qui l'entourent ? Je ne suis pas exposé à des conséquences pareilles en donnant le droit pour base à l'existence des sociétés, parce que la notion du droit trace des limites que l'intérêt ne doit pas franchir.
Du deuxième dialogue
Dialogue aux enfers entre
Machiavel et Montesquieu
Maurice Joly, 1864
Extrait du 19ième dialogue :
MONTESQUIEU. C'est vrai, j'ai dit cela, mais si vous en tirez un argument favorable à votre thèse, c'est une véritable surprise pour moi.
MACHIAVEL. Vous voulez dire, sans doute, qu'il ne faut pas se prévaloir de ce qui se fait, mais de ce qui doit se faire.
MONTESQUIEU. Précisément.
Les linottes
Courteline, Les linottes, extraits, à propos d'opérettes :
Il n’est pas de genres inférieurs ; il n’est que des productions ratées. Demander strictement aux choses les qualités qu’elles ont la prétention d’avoir, tout le sens critique tient là-dedans !
Il dit, et le mot l’enleva comme un tremplin. On vit alors à quel point il est vrai qu’un fou peut n’être pas un sot. Lâché par les dédales d’une théorie farouche qui mettait le moins et le plus sur un pied d’égalité, il déploya à la soutenir des argumenta-tions aussi désespérément absurdes que puissamment convain-cantes... Un mot amenait un mot. Il finit par envisager la question de la crise des théâtres.
– Les journaux me font suer, dit-il, en se servant un blanc de poulet, et l’information aujourd’hui est faite comme par des gâteux ! De ceci que les théâtres font de l’argent en matinée et que, par contre, leurs recettes journalières ont une tendance à baisser au profit des music-halls et des cinématographes, un reporter tirait hier cette conclusion que les Parisiens n’aiment plus le spectacle le soir. C’est imbécile ! Si le public – ce qui est exact – demeure fidèle à la matinée du dimanche, c’est qu’il y est contraint et forcé. Il ne la préfère pas… Loin de là… Il s’en contente, faute de mieux ; il l’accepte comme pis-aller, comme on mange des merles faute de grives.
Gütlight pensa comprendre.
– Il est certain, dit-il, que le prix élevé des places…
Mais il dut s’en tenir là.
La figure de la victime comme nouveau sens de la peine
Conférences, débats, rencontres
Cycle : La scène judiciaire
Centre Pompidou, petite salle, 18 décembre 2006, 19h00
Ces dernières années ont été le théâtre d'une montée en puissance de la figure de la victime sur la scène judiciaire. L'idée que la peine prononcée est indispensable pour que la victime ou ses proches puissent faire leur deuil est devenue une évidence.
Certains regrettent ces transformations quand d'autres s'en félicitent. Il nous revient alors, non pas de louer ou de condamner ce phénomène, mais de comprendre comment le thème d'une souffrance de la victime tend à réorganiser le sens de la peine.
A Metz, le juge des victimes critique « les professionnels de la compassion »
Article publié le 16 Janvier 2008
Source : LE MONDE
Extrait : Le tout nouveau « juge délégué aux victimes » du tribunal de Metz a vivement critiqué ses nouvelles fonctions, lundi 14 janvier, lors de l'audience de rentrée de sa juridiction. Pascal Bridey, qui préside déjà la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), a évoqué « les remous et les réserves » que suscite l'instauration de ce juge d'un type inédit, voulu par le président de la République et mis en place par la garde des sceaux Rachida Dati. Chaque tribunal de grande instance compte ainsi un juge des victimes depuis le 2 janvier. « Les juristes se demandent si ses attributions relèvent bien de la mission d'un juge qui, normalement, n'a pas à prendre parti », a observé M. Bridey.
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