Archives pour: Septembre 2008, 16
« L'expert bouffon » ?
Problèmes politiques et sociaux n° 899, avril 2004. Santé mentale et société, chapitre Qu'est-ce que la santé mentale ? Un concept flou. L'ambition initiale : dépasser le modèle de psychiatrie curative. Des définitions nombreuses, mais jamais satisfaisantes. Pour une conception opérationnelle de la santé mentale . Une valeur relative et subjective. "Fou", "malade mental" et "dépressif" : les représentations profanes. Plus d'infos...
J'ai découvert une nouvelle définition, celle de « l'expert bouffon », « qui déculpabilise le juge ». Je connais certains trucs, par exemple un rapport, une lettre, une allégation, n'importe quoi d'opportun, comme un lapin sorti d'un chapeau, à l'audience. J'attends la publication des actes de ce colloque, prévue pour mars 2009, chez Eres. Nous avons eu droit à la lecture de différents cours de Michel Foucault, dont celui du cours du 8 janvier 1975, ces fameuses expertises qui peuvent faire rire, mais qui peuvent aussi tuer. Je connais plutôt bien ce qu'a produit Michel Foucault, l'esprit de son époque et le regard que certains ont pu porter sur le passé, depuis 2008.
Un taquin aurait souhaité que Mme Roudinesco commente une phrase extraite d'un cours de 1978 et de son contexte, Sécurité, territoire, population : « On peut dire sans doute que la folie "n’existe pas", mais ça ne veut pas dire qu’elle ne soit rien. » Après une petite joute verbale entre conférenciers, l'assemblée en a ri. A la fin du colloque, j'ai rappelé qu'en 83, Michel Foucault nous avertissait de nous méfier de l'arbitraire de la justice.
J'ai pris quelques notes ; Winnicott aurait déjà parlé d'éthique ; au pénal, ce n'est que depuis 2007 qu'il serait possible de contester les questions posées à l'expert ; The Lancet aurait publié qu'il faudrait enfermer 5 personnes pour empêcher l'une d'elles de récidiver...
Je retiens que la société est en demande de sécurité tandis que des « usagers » et des professionnels de la psychiatrie et de l'univers carcéral se plaignent de la prévention et du suivi social. Et alors qu'il est parfois difficile de lire le passé, je retiens également que des experts vont maintenant évaluer la dangerosité des détenus en rétention de sureté, appliquant un principe de précaution, ce serait très discutable. Certains s'inquiètent parce ce que, bientôt peut-être, les humains pourraient être jugés pour ce qu'ils pourraient faire et non plus pour ce qu'ils sont ou ont fait... quelque chose de cette nature.
Je note cet intérêt « international » en faveur des personnes en rétention de sureté, finalement assez peu nombreuses en France, alors que, en ce moment même, environ 136 000 enfants sont placés et des milliers de familles doivent être suivies par les services sociaux, ceci dans une certaine indifférence.
Pendant les pauses, j'ai repéré plusieurs livres dans la librairie de la Villette. La couverture de l'un d'eux m'avait interpellé puis son contenu m'a très franchement amusé. Le facteur m'en a apporté d'autres.
En marge du colloque, l'association ANEGEM exposait des tableaux ; s'agissait-il d'une allusion voilée au courant antipsychiatrique ? Le 17e congrès européen de la psychiatrie se tiendra à Lisbone, les 24 et 25 janvier 2009 ; la liste de thèmes suggérés pour des contributions est longue, un extrait : « Alcoholism and Addiction, Alzheimer, Depression, Diagnostics and Classification, Eating Disorders, Miscellaneous, Obsessive Compulsive Disorders, Panic Disorders, Personality Disorders, Sleep Disorders, Stress ».
Plus tard, dans la soirée, les psychanalystes ont également un peu parlé de l'ère des victimes. Par ailleurs, selon le Metro du jour, l'Europe intègrerait maintenant le problème des Roms, les discriminations dont ils sont victimes.
Ce qui survit alors, nous semble-t-il, à ces majestueuses organisations du temps commun est une attention aigüe portée aux évènements, ceux-ci constituant, dans leur aspect souvent irruptif, les éléments d'un réseau dont le sens n'est pas donné au préalable et qu'il convient de reconstituer patiemment, comme un puzzle ou un tableau dont on ne possèderait aucun modèle. En ce sens, nous ne vivons surtout pas « la fin de l'histoire ». Plutôt son début, le commencement d'un temps où l'on comprendrait enfin que la lucidité est toujours à reconstruire et les « nuisances idéologiques » - sans cesse récurrentes -, toujours à pourchasser. • La forme des crises, Daniel Parrochia, 2008, de l'avant propos
Eux. Ils sont des milliers, des millions. Il avancent, comme un seul homme, ou plutôt comme une seule meute, sans chef apparent, sans cerveau directeur, mus par une sorte d'instinct qui les pousse inexorablement vers ce que les autres, auquel appartient celui qui les observe, imaginent être un but. Mais de but, ils n'en ont point. Leur trajet, comme celui d'une rivière, creuse son propre lit. Sont-ce les vents - propices ou contraires - qui leurs impriment telle ou telle direction ? Suivent-ils un mobile primordial, les entrainant dans son mouvement sans commencement ni fin ? Ou errent-ils au hasard, portés par une nécessité impossible à signifier ? Quelle que soit la puissance qui les caractérise, elle semble, véritable corne d'abondance, être une source intarissable. Sa constance n'a d'égal que son intensité. Il serait bien vain de chercher le moindre individu dans ce flux. Et pourtant, l'observateur suscité semble repérer ici un corps, là un autre. La suite ... • de l'édito, par Jean-Claude Polack et Stéphane Nadaud, Appel aux morts et/ou vifs, Chimères, revue des schyzoanalystes, n°66/67
Les peuples sont exposés. On voudrait bien, « âge des médias » aidant, que cette proposition veuille dire : les peuples sont aujourd'hui plus visibles les uns aux autres qu'ils ne l'ont jamais été. • Peuples exposés (à disparaître), George Didi-Hubermann, in Chimères