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L'opposition russe dénonce un scrutin joué d'avance
MOSCOU (Reuters) - L'opposition russe dénonce l'élection programmée de Dmitri Medvedev, premier vice-Premier ministre, président de Gazprom et dauphin du président sortant Vladimir Poutine.
L'opposition accuse le Kremlin d'avoir harcelé les rivaux de Medvedev qui n'ont, en outre, pas bénéficié, comme le "poulain" de Poutine, d'un large accès aux médias lors d'une campagne très terne.
Poutine n'a pas le droit de briguer un troisième mandat présidentiel consécutif, mais il devrait conserver l'essentiel du pouvoir en devenant Premier ministre de Medvedev.
À la veille d'un scrutin sans surprise, la journée de samedi est officiellement réservée en Russie à la réflexion et toute campagne est proscrite. Mais des responsables politiques de l'opposition ont à nouveau protesté contre ce qu'ils considèrent comme une mascarade.
La plupart des observateurs occidentaux ont refusé de surveiller le scrutin en dénonçant le manque de coopération des autorités russes.
L'ancien champion du monde d'échecs Garry Kasparov, figure de l'opposition, et ses alliés ont remis à la commission électorale centrale une pétition qualifiant l'élection de "farce".
"Il est très important qu'il existe encore des personnes qui pensent que cette élection est une farce. Nous ne pensons pas que ce qui se passe dans notre pays puisse être appelé élection", a déclaré à des journalistes Nikita Belykh, un dirigeant de l'opposition.
"Nous savons parfaitement que nous ne pouvons rien changer, mais il y a des choses que nous devons faire", a renchéri Kasparov, qui se tenait à côté de lui.
TAUX DE PARTICIPATION
À la veille du scrutin, la sécurité a été renforcée dans l'ensemble du pays. Les autorités ont déployé quelque 450.000 policiers et militaires pour garder les bureaux de vote et la circulation sera limitée dimanche dans le centre de Moscou.
Sous Poutine, la Russie a bénéficié d'une longue période de développement économique grâce, notamment, à l'envolée des cours du pétrole et du gaz, et de nombreux électeurs considèrent un futur partenariat entre Medvedev et Poutine comme un moyen de préserver la stabilité.
Néanmoins, un faible taux de participation pourrait ternir l'éclat de la victoire de Medvedev, de sorte que les autorités, et notamment Poutine dans une allocution télévisée diffusée vendredi, ont tenté de galvaniser des électeurs apathiques.
"Je vous exhorte à participer à l'élection dimanche et à voter pour notre avenir, pour l'avenir de la Russie", a dit Poutine.
Selon des analystes, le Kremlin veut obtenir un taux de participation - seul véritable enjeu du scrutin - d'au moins 70%.
"La question n'est pas de savoir qui l'emporte mais quel pourcentage obtient" Medvedev, a déclaré sous le sceau de l'anonymat un responsable de la région de Kursk, dans le centre de la Russie.
Des opposants ont affirmé que des millions de fonctionnaires avaient été menacés de perdre leur emploi s'ils ne votaient pas.
Les compagnies de téléphone mobile ont envoyé des textos invitant leurs abonnés à voter. Dans les rues, des affiches et des badges distribués aux passants rappellent aussi le scrutin.
MATRIOCHKAS
Alexandre, un habitant de Nijnevartovsk, en Sibérie, a rapporté par téléphone à Reuters que les autorités tentaient d'attirer les électeurs en promettant la distribution des billets de loterie dans les bureaux de vote, avec pour gros lot une voiture.
"Plus le taux de participation sera élevé, mieux ce sera pour eux après l'élection", a-t-il résumé en refusant de donner son nom de famille.
Les candidats de l'opposition ont été disqualifiés ou ont renoncé à se présenter pour protester contre la situation qui leur était faite.
Il reste donc comme rivaux à Medvedev le chef du Parti communiste Guennadi Ziouganov, le candidat nationaliste et pro-Kremlin Vladimir Jirinovski, et un homme politique peu connu, Andreï Bogdanov.
À moins d'une minute à pied du Kremlin, une immense affiche présente un Poutine souriant avançant à coté de Medvedev. "Ensemble nous l'emporterons", dit le slogan.
Les marchands de souvenirs de Moscou ont déjà précédé l'élection en vendant des "matriochkas" à l'effigie de Medvedev, renfermant tous ceux qui ont dirigé la Russie depuis près d'un siècle, de Lénine à Poutine.
Certains Russes continuent néanmoins de résister aux pressions.
"J'ai voté pour Poutine la dernière fois, mais cette fois je ne voterai pas", confie Vladimir, un Moscovite d'une trentaine d'années. "Je ne suis pas idiot. C'est humiliant de voter quand tout est décidé d'avance".