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La Halde en guerre contre des habitudes culturelles
La Halde en guerre contre des habitudes culturelles
lefigaro.fr, 07/03/2008
INTERVIEW - A l'occasion de la Journée de la femme, Stéphanie Seydoux, directrice de la promotion de l'égalité au sein de la Haute autorité de lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité (HALDE) revient sur les discriminations sexuelles au travail… N'est pas toujours discriminé celui qu'on croit.
lefigaro.fr : Quelle est l'ampleur de la discrimination sexuelle ?
Stéphanie Seydoux : Parmi les plaintes déposées auprès de la Halde, à peine 6% le sont pour une discrimination du fait du sexe, ce qui a représenté 322 cas en 2007. 6%, c'est un chiffre très faible.
Pourquoi si peu de femmes saisissent-elles la Halde ?
C'est un de nos axes de travail que de faire en sorte que si discrimination il y a, elle nous soit bien présentée. Il nous est impossible de déterminer précisément les raisons de la faiblesse du nombre de ces saisines. Mais nous pouvons émettre des suppositions : manque d'information, méconnaissance des moyens de recours, résignation peut-être ? Il ne faut pas se cacher l'ampleur d'un phénomène qui est devenu culturel, et pour venir à bout duquel il faudra du temps.
De quels moyens dispose la Halde pour faire cesser la discrimination ?
Certaines discriminations sont aisément objectivables. C'est le cas de la discrimination salariale par exemple, que l'on peut facilement mettre en évidence en comparant le salaire de la personne lésée avec celui d'un collègue masculin ayant le même poste et la même ancienneté.
Pour recueillir les preuves de la discrimination, les pouvoirs de la Halde sont étendus : pouvoirs d'enquête, possibilité de se rendre sur place ou d'exiger de l'entreprise les pièces nécessaires… Après délibération, elle peut aussi proposer des mesures. Il ne s'agit pas de sanctions au sens juridique du terme, mais ces moyens sont loin d'être négligeables : imposition d'une médiation, dépôt d'une plainte auprès du procureur dans le cas où serait justifiée une action pénale, transaction… Dans ce dernier cas, il est proposé à la personne mise en cause de s'acquitter d'une amende dont la Halde fixe le montant, et qui permet à l'entreprise de faire cesser la discrimination tout en lui évitant de passer devant le juge. La démarche de la Halde est une démarche pragmatique.
La discrimination sexuelle joue-t-elle aussi à l'encontre des hommes ?
40% des saisines de la Halde pour discrimination sexuelle sont le fait d'hommes. C'est une proportion surprenante. Il est vrai que jusqu'à présent la tradition avait été d'accorder aux femmes des régimes plus favorables, précisément pour les protéger. Certaines femmes ayant eu des enfants bénéficient par exemple d'une retraite à taux plein alors qu'elles ont pour cela cotisé moins longtemps qu'un homme dans la même situation. Juridiquement, cette pratique est illégale, et les hommes sont fondés à la faire cesser. Néanmoins, ce chiffre révèle surtout que le nombre de saisines de la Halde pour discrimination sexuelle par les femmes est sûrement très en-deça de ce qu'il devrait être. Il faut que les femmes aient plus souvent le réflexe de faire cesser les discriminations dont elles sont victimes. La journée de la femme est une bonne occasion de le rappeler.