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Prison : un agent fait son métier, il est puni
Société
Prison : un agent fait son métier, il est puni
Libé, samedi 8 mars 2008
C’est un peu comme si on reprochait à un boulanger d’avoir fabriqué du pain, à un guichetier SNCF d’avoir vendu un billet de train. Mercredi, un agent pénitentiaire a été placé huit heures en garde à vue, puis mis en examen sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer son métier. Le motif : ce conseiller d’insertion et de probation (CIP) a fait son travail. Chargé de l’accueil des arrivants à la maison d’arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine), il a passé un coup de fil pour avertir un proche d’un détenu que ce dernier était incarcéré. Un geste professionnel qui fait partie de sa fonction.
Ces appels, toutefois, sont encadrés. «Pour chaque arrivant, nous nous référons à la notice individuelle remplie par le juge d’instruction, explique Olivier Boudier, secrétaire général du syndicat Snepap-FSU. Elle comporte une case relative à l’interdiction de communiquer. Si elle est cochée, personne n’est appelé. Si elle n’est pas cochée, on demande au détenu s’il souhaite que l’on avertisse ses proches.»
Coup de fil bref. Dans le cas précis, la case n’était pas cochée. Le CIP a donc appliqué le code de procédure pénale en proposant au détenu de passer un coup de fil. Le détenu donne un numéro. Le CIP appelle, tombe sur un répondeur, laisse un message bref : date d’incarcération, numéro d’écrou, adresse de la maison d’arrêt.
Ce que le CIP ignore, c’est que le proche appelé est soupçonné d’être un complice dans un braquage, et a été placé sous écoute. Averti par ce biais, le juge d’instruction du tribunal de Pontoise (Val-d’Oise) décide d’une mise en examen pour violation du secret professionnel. Le domicile et le bureau du CIP sont perquisitionnés.
Soutien «massif». Vendredi, plusieurs syndicats ont appelé à la mobilisation, et des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs lieux de détention. Dès le début de l’affaire, l’administration pénitentiaire a apporté son soutien «total et massif» à son agent, l’assurant de la protection statutaire. Le procureur adjoint de Pontoise a fait appel vendredi de l’ordonnance du placement sous contrôle judiciaire du CIP, afin qu’il puisse «reprendre son activité professionnelle».