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Il y a 40 ans, mai 68
PARIS (AFP) - Initié par les "baby-boomers" qui ont bousculé, par leur seul nombre, une société craquant de partout, le Mai-68 français provient d'un mouvement de fond, culturel et politique, entamé des années auparavant à l'étranger. Evènement
"C'est la rencontre entre une vague internationale - partie des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, amplifiée par la guerre du Vietnam, avec la rythmique de la rock music -, et une crise française", résume Serge July, ex-patron de Libération, dans l'album récemment paru "La France en 1968" (éd AFP/Hoëbeke).
"Sur l'humus de la pop music et de la contestation esthétique et vestimentaire, une plante politique va pousser, aux fleurs d'un rouge éclatant", a écrit l'actuel directeur de l'ancien journal gauchiste, Laurent Joffrin, dans son essai "Mai-68".
En 1964, le soulèvement de l'université californienne de Berkeley donne le coup d'envoi de contestations estudiantines contre l'ordre établi et "l'impérialisme américain". Elles vont toucher, dans des contextes politiques différents, la Tchécoslovaquie et la Pologne, le Mexique et le Japon ou encore l'Allemagne et l'Italie. L'année 68 (marquée sur le plan international par la grande offensive vietcong du Têt qui commence fin janvier) sera particulièrement agitée dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis.
En France, la courbe des naissances s'est envolée spectaculairement dès 1942. Ce fut le début des "Trente Glorieuses", période de reconstruction et d'installation de la société de consommation qui a permis à la jeunesse de grandir dans une atmosphère de croissance rapide. Cette longue période de fécondité concerne d'ailleurs l'ensemble des démocraties occidentales.
Dans leur "roman vrai" des années 60 et 70, "Génération", Hervé Hamon et Patrick Rotman constatent qu'à partir de la fin de la guerre d'Algérie (1962), "la France est en paix" mais ajoutent: "c'est un soulagement et une inquiétude". Et de s'interroger en substance : les jeunes, qui s'apprêtent à découvrir en vrac Jean-Luc Godard, les Beatles ou la mini-jupe, vont-ils supporter longtemps le modèle social, paternaliste, autoritaire et conservateur, qu'on leur impose?
Dans ces étouffantes années 60, les femmes ne sont pas autorisées à travailler en pantalon, la pilule n'est pas en vente dans les pharmacies, le divorce par consentement mutuel n'existe pas, les congés payés ne sont pas généralisés. En 1964, une présentatrice de télé, Noëlle Noblecourt, est licenciée pour avoir trop montré ses genoux. La censure, notamment à la télévision, veille. Godard est contraint de changer en "Une femme mariée" le titre de son film "La femme mariée" pour éviter "tout rapprochement avec toutes les épouses françaises" !
Alors que le nombre d'étudiants français ne cesse de grossir (500.000 en 1968 contre 50.000 en 1936), le journaliste politique du Monde Pierre Viansson-Ponté, écrit dans un article célèbre, paru le 15 mars 1968, que "la France s'ennuie". "La prospérité généralisée des années 60 a donné (aux jeunes) une nouvelle visibilité : ils représentent désormais un groupe à part entière, avec un mode de vie et une culture qui n'est plus celle des générations précédentes", note-t-il.
Une semaine plus tard, la crise estudiantine, finalement plus sociétale que politique, qui culminera en mai, démarre à Nanterre où, non loin de la faculté, des bidonvilles abritent 400.000 Maghrébins, manoeuvres sur les chantiers de la croissance.