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Le Point condamné pour diffamation après une plainte d'un juge parisien
NANTERRE (AP) - L'hebdomadaire "Le Point" a été condamné mardi à 3.000 euros d'amende pour diffamation après une plainte du juge d'instruction parisien Patrick Ramaël, a-t-on appris auprès de l'avocat du magazine, qui devra également verser 10.000 euros de dommages et intérêts au magistrat.
L'avocat du "Point", Me Renaud Le Gunehec, a annoncé son intention de faire appel du jugement.
Patrick Ramaël reprochait à l'hebdomadaire d'avoir écrit que le président de la cour d'appel de Paris avait qualifié d'"irresponsable" le fait qu'il ait émis des mandats d'arrêt contre cinq dignitaires marocains dans l'affaire Ben Barka au moment où le chef de l'Etat se rendait en voyage officiel au royaume chérifien.
Lors de l'audience début juin devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine), il avait réclamé 50.000 euros de dommages et intérêts au magazine. Le ministère public, considérant la diffamation caractérisée, s'en était rapporté au tribunal quant à l'appréciation de la peine.
L'avocat du "Point" a déploré une "condamnation extrêmement lourde". Le tribunal a considéré, selon Me Le Gunehec, que cette brève sous-entendait que le juge Ramaël aurait "par provocation" délivré des mandats d'arrêt "en dehors des exigences légales de manière à interférer dans la politique étrangère de la France".
Dans un court article non signé et intitulé "Les juges qui agacent l'Elysée", l'hebdomadaire, daté du 15 mai 2005, rapportait que le chef de l'Etat et la haute hiérarchie judiciaire partageaient le "même agacement" face à des initiatives de magistrats instructeurs, dont celle du juge Ramaël.
"Ecrire cela ne dépasse pas le droit de critique", a poursuivi l'avocat, regrettant que l'hebdomadaire soit condamné "aussi lourdement pour avoir relayé un avis critique".
L'existence de ces mandats d'arrêt contre cinq officiels marocains, dont le patron de la Gendarmerie royale, a été connue alors que le président Nicolas Sarkozy effectuait sa première visite officielle au Maroc. Le juge Ramaël a hérité du dossier concernant la disparition en 1965 à Paris de l'opposant marocain, Mehdi ben Barka.
MAROC - 3 juin 2008 - AFP
Le juge Patrick Ramaël, chargé de l'instruction sur la disparition en 1965 de l'opposant marocain Medhi Ben Barka, a réclamé mardi 50.000 euros de dommages et intérêts au Point pour diffamation après la publication d'un article où le premier président de la cour d'appel de Paris qualifiait d'"irresponsable" un de ses actes d'instruction.
L'article, bref et non signé, avait paru à la mi-novembre 2007, près d'un mois après une visite de Nicolas Sarkozy au Maroc. Cette visite avait été marquée par l'annonce dans les médias que le juge d'instruction avait signé quelques jours plus tôt cinq mandats d'arrêts internationaux visant des Marocains.
Titré "Les juges qui agacent l'Elysée", l'article affirmait que Jean-Claude Magendie, plus haut magistrat de la cour d'appel de Paris, avait qualifié d'"irresponsable" cette initiative.
"Quand j'ai vu ça, je me suis dis +ce n'est pas possible+, c'est un acte insupportable contre l'indépendance d'un juge", a expliqué à l'audience M. Ramaël.
"A part me traiter de corrompu, je ne vois rien d'aussi grave", a ajouté le magistrat, également en charge du dossier sur la disparition du journaliste franco-canadien Guy André-Kieffer en 2004 à Abidjan.
Le juge s'est également étonné d'avoir appris peu avant l'audience l'existence d'un courrier de M. Magendie au Point, daté du 19 février 2008, dans lequel le haut magistrat se dit "en mesure" de "confirmer" avoir "exprimé (sa) surprise devant la concomitance entre la délivrance par Patrick Ramaël (...) de plusieurs mandats d'arrêt et la visite" de Nicolas Sarkozy.
"Cette phrase est ambiguë: on ne sait pas en quels termes, à qui, et en quelle occasion" M. Magendie aurait exprimé sa surprise, a fait valoir M. Ramaël.
"Si j'avais eu ce document plus tôt, j'aurai fait citer M. Magendie devant ce même tribunal pour qu'il nous dise ce qu'il en était exactement de ses propos", a ajouté l'avocat du juge, Me Yves Baudelot, en estimant cependant que "M. Magendie (n'avait) pas dit ce que Le Point lui a fait dire".
Le juge Ramaël a réclamé 50.000 euros de dommages et intérêts au Point, tandis que l'avocate de l'hebdomadaire, Me Juliette Barret, a plaidé la relaxe.
Le jugement a été mis en délibéré au 1er juillet.