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EDVIGE : « c'est un fichier qui existait aux Renseignements généraux »
PARIS (AP) - Plusieurs syndicats et associations ont manifesté mercredi leur inquiétude d'un "fichage généralisé des citoyens" après la mise en oeuvre du "fichier EDVIGE" permettant la collecte d'informations sur les syndicalistes, les militants politiques, ou encore les "groupes" ou "personnes (...) susceptibles de porter atteinte à l'ordre public", et ce dès l'âge de 13 ans.
La ministre de l'Intérieur Michel Alliot-Marie a expliqué mercredi sur RTL que "c'est un fichier qui existait aux Renseignements généraux", et qui passe "à la Direction centrale de la sécurité publique".
"A cette occasion", a-t-elle ajouté, "on fait une actualisation et notamment avec une extension pour les mineurs à partir de 13 ans", ce qui est "l'âge, fixé par la loi, de la majorité pénale".
La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) avait réclamé que l'âge de collecte des données soit porté à 16 ans, mais n'a pas été suivie sur ce point. "Si on n'y prend pas garde, un jour ou l'autre on nous expliquera qu'il faut descendre jusqu'à l'âge de 10 ans!", a réagi le président de la CNIL Alex Turk sur les ondes de France Inter.
Le décret de mise en oeuvre de ce fichier EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) est paru mardi au Journal Officiel.
Il autorise le ministère de l'Intérieur à centraliser "les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif".
Le texte autorise la même démarche pour les "individus, groupes, organisations et personnes morales qui en raison de leur activité individuelle ou collective sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public".
"Le nouveau fichier, dit EDVIGE, mélange les personnes considérées par un policier comme 'susceptibles de porter atteinte à l'ordre public' avec les militants associatifs, syndicaux ou politiques et en général tout citoyen sur lequel le gouvernement souhaite en savoir davantage", s'inquiète la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) dans un communiqué publié mercredi.
Pour l'association, avec EDVIGE, "il ne s'agit plus (...) de ficher les auteurs d'infractions constatées, mais, comme pour la rétention de sûreté, de cibler ceux que l'on étiquette d'avance comme de futurs délinquants hypothétiques. Le soupçon préventif suffit à justifier le fichage".
"Et il y a pire", dénonce encore la LDH: "Désormais vont pouvoir être eux aussi 'tracés' comme futurs délinquants présumés les enfants, dès l'âge de treize ans, que les policiers considèrent comme potentiellement dangereux."
La LDH estime "ce niveau de surveillance des citoyens, généralisée parfois, discriminatoire souvent, comme incompatible avec l'état de droit".
La CGT, pour sa part, parle d'une "nouvelle disposition qui s'inscrit dans une démarche portant atteinte aux libertés individuelles et collectives".
Quant au SNPES-FSU, principal syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), il s'inquiète du fait que "sans qu'aucune infraction ne soit commise, des mineurs dès 13 ans seront fichés en raison de leur 'activité' individuelle ou collective, sans aucune définition ni encadrement juridique de cette activité".
Plus largement, le SNPES estime qu'avec ce fichier, c'est "la répression de l'action politique et syndicale et sa pénalisation éventuelle qui s'organisent".
Le syndicat juge qu'avec ce fichier, "toute personne présentant un risque de contestation de l'ordre établi, par son activité organisée (syndicaliste) ou par sa position d'adolescent prompt à agir en dehors des chemins balisés est possiblement un délinquant et doit être repérée et fichée".
"Nous pensions qu'il était plus raisonnable d'en rester à l'âge de 16 ans et nous n'avons pas été suivis sur ce point", a déploré Alex Turk mercredi. "Si on n'y prend pas garde, un jour ou l'autre on nous expliquera qu'il faut descendre jusqu'à l'âge de 10 ans!", a-t-il ajouté. "En revanche, nous avons été entendus sur d'autres points qui étaient très importants à nos yeux comme par exemple le fait que nous ne souhaitions pas qu'il y ait d'interconnexion avec d'autres fichiers."
M. Turk a également souligné que la CNIL avait obtenu gain de cause sur plusieurs autres points qui figuraient dans le projet d'origine, notamment le fait pour les personnalités (élus, directeurs de grande société), de "les suivre concernant les données touchant à leur vie sexuelle ou à leur santé".
"Nous avons obtenu que ce soit limité à des cas exceptionnels qui seront sous contrôle de la CNIL, plutôt que le système tel qu'il était préconisé", a souligné M. Turk.